On a discuté avec celles qui veulent en finir avec les clichés sur la cuisine britannique (et écossaise)

On a discuté avec celles qui veulent en finir avec les clichés sur la cuisine britannique (et écossaise)

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© Aurélie Bellacicco

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Par Robin Panfili

Publié le

Haggis, soupes ou Mars frit dans l’huile en de soirée, on a trouvé le livre ultime pour se réconcilier avec toute une gastronomie.

Les clichés auxquels on résume souvent la cuisine écossaise et, plus largement, la gastronomie britannique sont robustes. Ils sont parfois même si anciens et exagérés que l’on peine à savoir s’ils sont vrais, légitimes, ou de simples légendes urbaines nées de notre relation tumultueuse avec ces voisins que l’aime tant détester. Pour envoyer balader ces idées reçues, deux Françaises se sont lancées dans l’écriture d’un livre de cuisine, compilant des recettes emblématiques écossaises et des éclairages sur la culture gastronomique unique de ce pays perché au nord de la Grande Bretagne. Ensemble, depuis Édimbourg, Sarah Lachhab, guide en Écosse, et Aurélie Bellacicco, photographe culinaire, ont répondu à nos questions… et à nos idées reçues.

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Konbini food | Comment est née l’idée d’écrire sur la cuisine écossaise afin de combattre les clichés auxquels on la réduit souvent ?

Sarah | Étant guide de métier, j’accueille souvent des voyageurs en Écosse qui n’attendent rien de la cuisine écossaise, mais qui, après une semaine, sont surpris et charmés. Malheureusement, jusqu’à présent, je ne pouvais pas leur conseiller de livre de recettes en français, car ça n’existait pas. Pour moi, c’est vraiment quelque chose qui manquait. Et il paraît que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même.

Aurélie | J’en avais un peu marre d’être confrontée toujours aux mêmes remarques de mes amis et de ma famille sur l’aspect peu ragoûtant de la cuisine écossaise, qui est totalement faux à mon avis. Je voulais leur montrer toute la beauté et la saveur de cette cuisine peu connue en dehors du Royaume-Uni.

Vous vivez toutes les deux en Écosse ?

Aurélie | On se suivait de loin sur les réseaux sociaux. Pendant le premier confinement, Sarah a partagé une recette de shortbreads dans le but de promouvoir la cuisine écossaise. J’ai trouvé l’idée tellement géniale, mais sa photo n’était pas très belle (rires). J’ai cuisiné sa recette et fait une photo que je lui ai envoyée pour qu’elle puisse l’utiliser. On s’est tout de suite super bien entendues.

Sarah | On pensait vraiment que la gastronomie écossaise méritait l’intérêt des gourmands. Elle est riche, écolo – car on ne gâche rien –, elle ne prend pas la tête et elle ne se la raconte pas, c’est ce qu’Aurélie a d’ailleurs essayé de montrer dans ses photos. C’est dommage que ce pan de la culture écossaise soit si méconnu hors des frontières, et c’est cette méconnaissance qui nourrit… les clichés.

“Oui, les clichés sur la nourriture britannique existent bien, mais ils sont d’abord très vieux et mériteraient une petite mise à jour”

On peut dire, sans exagérer, que la nourriture britannique jouit d’une image peu gracieuse et d’une réputation assez médiocre en dehors de ses frontières. Est-ce un cliché mérité selon vous, ou simplement le fruit de vieux stéréotypes qui durent ?

Sarah | Oui, les clichés sur la nourriture britannique existent bien : le corned beef, la jelly, la nourriture fade, le bœuf en sauce… Ces clichés sont d’abord très vieux et mériteraient une petite mise à jour. Pour moi, le fond de vérité se retrouve plutôt dans l’idée que les Britanniques se font de leur propre gastronomie, de leurs propres produits. Les spécialistes de l’histoire culinaire à qui nous avons parlé nous ont dit qu’en quelques décennies, on a assisté à une véritable redécouverte des produits locaux de qualité (fruits de mer, viande…) déjà très populaires à l’export, et des recettes locales. Avant ce retournement, il y avait un vrai désintérêt, voire une méconnaissance.

Est-ce que le Mars frit, par exemple, est un mythe ou bel et bien une réalité ?

Sarah | C’est une réalité, dans le sens où on peut en acheter facilement, mais ce n’est de loin pas un pilier dans l’alimentation quotidienne : peu de gens en consomment. C’est plutôt un truc commandé en fin de soirée, pour rire, pour s’amuser. Tout le monde connaît, mais on n’en mange pas tous les jours, et beaucoup n’en ont jamais mangé. Peut-être un peu comme… la barbe à papa ?

Qu’est-ce que la cuisine écossaise a d’unique ? Est-ce que le climat, les reliefs, les mers et les lochs jouent un rôle dans la définition et l’ADN de cette cuisine ?

Sarah | Ah, ça, c’est une belle question ! Il y aurait beaucoup à dire… La première chose qui me vient en tête, c’est l’eau écossaise : on en a à profusion. 90 % de l’eau douce britannique dort en Écosse. Et une petite proportion finit par exemple… dans le whisky. De manière générale, toute cuisine est sculptée par son environnement, c’est vrai partout. Mais quand on combine quelques ingrédients écossais, tels que l’avoine, les framboises, et les ragoûts… On se sent tout de suite transporté sur place.

“Si cette manière de transformer les abats n’est pas propre à l’Écosse, c’est bien en Écosse que l’on en a fait un véritable rituel, presque patriotique”

Le haggis est le plat qui revient systématiquement lorsqu’on parle de cuisine écossaise. Comment expliquer le succès, ou tout du moins, le rayonnement de ce plat historique ?

Sarah | C’est vrai. Le haggis est parfois appelé “panse de brebis farcie”, mais c’est en réalité une farce d’abats, d’avoine et d’épices, car la panse qui sert à la cuisson n’est jamais servie aux convives. C’est une spécialité que les gens ne réalisent pas eux-mêmes, mais achètent à la boucherie ou au supermarché. Si cette manière de transformer les abats n’est pas propre à l’Écosse, c’est bien en Écosse que l’on en a fait un véritable rituel, presque patriotique. Au XVIIIe siècle, le poète écossais Robert Burns a écrit un poème célèbre, L’Adresse au Haggis, qui rendit ce plat très célèbre. À sa mort, des Burns Clubs se sont formés en Écosse et partout dans le monde, où, tous les 25 janvier, un haggis était servi en l’honneur de l’anniversaire du poète. C’est encore le cas aujourd’hui.

Mais la cuisine écossaise propose aussi d’autres richesses culinaires.

Aurélie | Il y a une grande variété de soupes, la Cullen Skink au poisson, la Cock-a-leekie au poulet et le Scotch broth végétarien sont de bons exemples. Il y a beaucoup de plats mijotés réalisés avec des légumes de saison. Niveau recettes sucrées, gros coup de cœur pour le Clootie Dumpling – un gâteau bouilli où la pâte est enfermée dans un torchon – et le Cranachan – un entremet servi dans des verrines à base de framboises, crème fouettée, whisky et avoine grillée.

À titre personnel, quel est votre plat écossais préféré ?

Aurélie | Les Stovies ! Ça a été une grosse révélation pour moi. C’est un plat réalisé avec de la viande à braiser ou des restes de rôti. On la fait cuire à feu doux avec pleins de légumes, des pommes de terre et un peu de bouillon. Les pommes de terre fondent et se mélangent un peu avec le bouillon, c’est délicieux.

Sarah | Moi, j’hésite entre toutes les petites recettes simples et réconfortantes : Scones au fromage, Tattie scones (galettes à base de pommes de terre) et Oatcakes, biscuits à l’avoine parfaits pour l’apéro.

Quel plat écossais mériterait d’être mieux connu, en dehors des terres écossaises ?

Aurélie | Le Dundee Cake. C’est le gâteau de la couverture du livre. Il est fait avec des amandes, des oranges et fruits confits et du whisky. Il est très joli, il se mange toute l’année pour toutes les occasions.

Le livre Écosse — Avoine, haggis et cranachan (La Martinière), par Sarah Lachhab et Aurélie Bellacicco, est disponible ici ou chez votre libraire préféré.