La folle histoire de l’ex-McDonald’s marseillais transformé en “fast-food social”

La folle histoire de l’ex-McDonald’s marseillais transformé en “fast-food social”

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© Nicolas Tucat/AFP

"On partait perdant, mais on aime rêver, et ce rêve va prendre réalité".

Fini le Big Mac, place à “l’ovni”, burger conçu par un chef étoilé : trois ans après sa liquidation judiciaire, un ex-McDonald’s marseillais, racheté par la municipalité au géant américain, rouvrira ses portes en décembre, avec une ambition affichée de “fast-food social”. La lutte des salariés pour empêcher la fermeture de ce restaurant situé dans un quartier déshérité de la deuxième ville de France avait dépassé les frontières, faisant même la une du New York Times.

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Si le bâtiment a gardé la forme typique des restaurants de la multinationale du hamburger, tout le reste a changé : la façade a été relookée avec un motif camouflage rose-violet-bleu, le nom est devenu “L’Après M” et les salariés travaillent pour une coopérative (SCIC/Société coopérative d’intérêt collectif). “On partait perdant, mais on aime rêver, et ce rêve va prendre réalité”, a souligné mercredi Kamel Guemari, président de la SCIC mais surtout ancien sous-directeur de ce McDo du quartier de Saint-Barthélemy. Le 10 décembre, ce sera l’inauguration officielle, après quelques jours de tests grandeur nature avec les habitants.

Malgré le long combat de ses 77 salariés, à qui la fermeture du restaurant avait été annoncée en juin 2018, le McDonald’s avait été définitivement liquidé en décembre 2019. Le site, planté au bord d’une rocade de contournement de Marseille, entre un camp militaire et La Busserine, une de ces cités gangrenées par les trafics de drogue, avait été ensuite réquisitionné par des collectifs citoyens en avril 2020, en plein Covid. Il était alors devenu une plateforme de distribution alimentaire pour les plus démunis.

Kamel Guemari, ancien porte-parole des salariés, avait un rêve : servir à nouveau des hamburgers aux habitants. Faire revivre “la place du village” de ce quartier populaire. “Ici, c’était une ZAD, pas une zone à défendre, mais une zone à développer“, expliquait-il dès octobre 2020. Les habitants vont donc retrouver leur fast-food. Mais avec une nouvelle carte. Oublié le Big Mac, place au “Maousse costaud”, fini le Filet-O-Fish, bienvenue le “Pescadou” (pêcheur professionnel en provençal), terminé le McChicken, désormais c’est le “Galets”, poulet en provençal, explique Coralie Gratier, 33 ans, future manager du restaurant. Bénévole depuis six mois, elle doit signer son CDI cette semaine.

“Rejoindre la famille”

Le tarif restera accessible : 8,60 euros le menu (burger + frites + boisson), “moins cher que les autres fast-foods du quartier”, insiste Fathi Bouaroua, ex-directeur régional de la Fondation Abbé Pierre et autre cheville ouvrière du projet. Pour un euro de plus, les amateurs pourront même s’offrir “l’ovni étoilé”, un burger à la viande ou au poisson conçu par Gérald Passedat, chef triple étoilé marseillais du Petit Nice.

Pendant deux jours, mardi et mercredi, son second, Sébastien Dugast, a formé les 33 premiers salariés de L’Après M à la fabrication de ce burger en forme de soucoupe volante scellé hermétiquement à la cuisson dans un toaster. “C’est une méthode qui vient de Corée du Sud”, expliquait fièrement Kamel Guemari en faisant découvrir ce petit bijou culinaire. “Avec ça, finis les burgers qui dégoulinent”, renchérissait Fathi Bouaroua.

Nouvelle carte donc, et surtout nouvelle ambition, avec ce “fast-food social“. Car L’Après M est un restaurant agréé insertion : “C’est ici que les gamins du quartier pourront trouver leur premier job, que des jeunes sortant de prison pourront se recaser, que des personnes loin de l’emploi pourront redresser la tête”. Ex-salarié de ce même McDo, devenu ensuite coursier-livreur, Ahamed Halifa, 33 ans, a rejoint l’Après M dès qu’il en a entendu parler : “Je voulais rejoindre la famille”, a-t-il expliqué. Reste maintenant pour L’Après M à trouver son équilibre financier.

Les conditions sont très limites sur le plan économique”, concède Fathi Bouaroua, affichant pourtant de réelles ambitions, avec un chiffre d’affaires de 1,85 million d’euros la première année pour un excédent de 100 000 euros, qui “sera intégralement reversé pour l’activité de distribution alimentaire, qui va continuer un matin par semaine”. Pour l’instant locataire auprès de la ville de Marseille, dans le cadre d’un bail commercial, L’Après M a au moins trois ans devant lui pour grandir.