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Faut-il (vraiment) s’inquiéter de la baisse de consommation de produits “bio” ?

Faut-il (vraiment) s’inquiéter de la baisse de consommation de produits “bio” ?

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Par Konbini Food

Publié le

Après des années florissantes, la consommation de produits bio est un recul et entraîne une surproduction qui inquiète.

Après des années florissantes, la consommation de produits bio amorce un recul qui entraîne une surproduction d’œufs, de lait ou de porc et met en péril la pérennité des fermes. À la tête de deux poulaillers bio depuis trois ans dans les Côtes-d’Armor, Frédéric Chartier mûrissait son projet dès 2017. À l’époque, “tout le monde voulait aller sur le bio : les politiques, les consommateurs, tous les voyants étaient au vert”. Aujourd’hui, “le consommateur ne suit pas. L’écart entre les discours et les actes fait très mal”, regrette l’éleveur.

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La société qui fournit la nourriture des poules et achète ses œufs – dont il préfère taire le nom – lui a demandé depuis quelques semaines de renoncer au label bio pour faire des économies sur l’aliment, qui représente 66 % du coût de production et revient deux fois moins cher en conventionnel. Ses œufs sont désormais vendus sous l’étiquette “plein air”. Un moindre mal pour le quadragénaire, qui redoute que la société lui demande de moins produire, voire d’arrêter. Il ne devrait pas refaire du bio en 2022.

Si elles venaient à se multiplier, ces sorties de l’agriculture biologique compromettraient l’objectif national d’atteindre 18 % de surfaces agricoles en bio en 2027 (contre 9,5 % fin 2020). Pour l’instant, selon l’Agence bio, chargée de la promotion de ce mode de production, le taux de “déconversions” – qui comprend les départs à la retraite – est quasi stable, à environ 4 %, soit “un peu plus de 2 200 exploitants qui ont quitté les rangs des 53 000 bios”.

“Ce n’est pas encore un motif d’inquiétude mais on va regarder cela comme le lait sur le feu”, dit sa directrice, Laure Verdeau. La consommation de produits bio, qui excluent engrais et pesticides de synthèse, connaissait jusque-là des croissances à deux chiffres en supermarché, jusqu’à +23 % en 2018.

“Vrai décrochage”

Mais “on a assisté en 2021 à quelque chose d’inédit, la courbe s’est retournée”, retrace Emily Mayer, experte des produits de grande consommation à l’institut IRI. Par rapport à 2020, les ventes ont reculé de 3,1 % en valeur. La baisse est spectaculaire pour la farine (-18 %), le beurre (-12 %), le lait (-7 %) et les œufs (-6 %).

Les fruits et légumes frais bios sont aussi en “vrai décrochage”, avec des volumes d’achats en baisse de 11 % sur un an, selon l’interprofession Interfel. 2020 a été atypique, avec des confinements pendant lesquels “les gens consommaient ce qu’il restait dans les rayons”, dopant artificiellement le bio, mais avec 5,1 % de part de marché en 2021, “le bio stagne”, souligne Mme Mayer, après des années de hausse.

Elle l’explique par un tassement des lancements de gammes bio, mais aussi un “frein prix indéniable” pour ces produits “en moyenne 50 % plus cher qu’en conventionnel”. Sans compter le développement d’offres plus économiques qui mettent en avant l’argument local, durable, équitable…

“Un million de poules en trop”

Cette crise de croissance intervient alors que nombre d’agriculteurs arrivent sur le marché du bio, après avoir été encouragés par des industriels qui actionnent désormais le freinage d’urgence. Le géant laitier Lactalis a dû écouler “plus de 30 % de la collecte du lait bio […] au prix du lait conventionnel” en 2021. Le groupe, qui assure avoir “porté” le coût de ce déclassement, demande aux éleveurs de “modérer les volumes” et gèle les nouveaux projets de conversion.

Chez le rival Sodiaal, le lait bio est moins bien payé qu’avant et les producteurs incités financièrement à réduire la collecte. Dans un courrier au ministre de l’Agriculture, des organisations de producteurs de l’ouest de la France et des industriels estiment qu’il y a 1,15 million de poules bio “en excédent face aux besoins actuels du marché”, soit “14 % de l’effectif total en poules bio”.

En porc, seul 1 % du cheptel national est bio. Pourtant, “on est en pleine crise de surproduction”, constate Laurent Guglielmi, à la tête d’une entreprise transformant 300 porcs bio par semaine, vendus dans des enseignes spécialisées. Du fait des tensions sur le pouvoir d’achat, “on voit bien que les clients ne sont plus chez Biocoop, ils sont chez Lidl”. Également éleveur, il avait démarré son activité bio en 2018, quand le marché français manquait d’approvisionnement local. “On y croyait.” Désormais, “tout le monde est déçu”.

Konbini food avec AFP