Pour sa toute première production, Bryan Marciano façonne un récit d’apprentissage aussi émouvant que désopilant, à la fois singulier et universel.
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On parle souvent de la fameuse crise de la quarantaine, période fatidique où une personne de la tranche d’âge concernée est en proie à une remise en question totale. Le truc, c’est que ce genre de séisme existentiel n’est pas intimement lié à un âge particulier et n’épargne pas les plus jeunes. Tout juste disponible sur OCS, Vingt-cinq explore la tout aussi déstabilisante crise du quart de vie, à travers le parcours de plusieurs potes, en perdition à bien des égards.
Créée par Bryan Marciano, encore novice dans le game, cette série braque sa caméra sur Jérémy, un vingtenaire paumé qui vient de se faire brutalement larguer. Forcé de tout reconsidérer autour de lui, il va s’efforcer se repartir de zéro et pourra compter sur ses potes. Potes qui sont, pas de bol, tout aussi perdus que lui et ne semblent pas savoir quel sens donner à leur vie. Il y a Adrien, comptable lassé de son quotidien plan-plan, Alex, éternel optimiste qui déborde d’idées mais manque de ressources, et aussi Jonas, fils à papa dont le seul souci est sa sexualité incertaine. En clair, à eux quatre, ça risque d’être compliqué.
Grosso modo, depuis une petite décennie, les Américains semblent avoir le monopole des séries focalisées sur des “adulescents” largués. Besoin d’exemples ? Girls, You’re the Worst ou encore Insecure sont les premiers noms qui viennent à l’esprit pour illustrer cette tendance. Dans notre Hexagone, OCS s’essaie au genre depuis quelques temps. D’abord avec l’excellente Irresponsable et maintenant avec Vingt-cinq qui, sans en faire des tonnes, est sans conteste l’une des meilleures fictions originales lancées par Orange. Pour un coup d’essai, son créateur Bryan Marciano – qui signe donc ici son premier projet sériel – vise juste avec son portrait ô combien pertinent de cette génération pas vraiment gâtée.
De prime abord, Vingt-cinq s’apparente à un Sex and the City revisité avec, à la place de Carrie Bradshaw et ses copines stylées naviguant dans New York, des mecs un peu losers qui arpentent les quartiers parisiens. Ils sont peut-être moins glam mais ont des préoccupations relativement similaires : trouver l’amour, dénicher un job, profiter de la vie et, surtout, être épanouis. On pourrait comparer la série de Bryan Marciano à Entourage, mais ce serait mal la cataloguer.
Au contraire de Vincent Chase et ses compères fêtards, les gars de Vingt-cinq dépassent les clichés autour de la masculinité pour être plus que des hommes de base, définis par leur libido. Ils se confient, pas toujours aisément, sur leurs doutes, leurs incertitudes. Ils se conseillent et s’écoutent. Et s’ils ont un appétit sexuel présent, leurs discussions ne tournent pas qu’autour de leur prochaine partie de jambes en l’air. C’est rarement le cas, d’ailleurs. Ici, les hommes sont avant tout des personnages, humains, faillibles et vulnérables. Un parti pris suffisamment rare à la télé française pour qu’on le souligne.
“J’ai voulu décrire une génération où les mecs d’aujourd’hui sont les filles d’hier”, a pu évoquer le créateur quant au propos de son œuvre. Le pari est tenu, c’est évident. Pour ce qui est des femmes de la série, bien qu’elles soient reléguées au second plan, elles sont plus complexes que ce à quoi on pourrait s’attendre. Croisée plus tôt cette année dans Call Me by Your Name, Esther Garrel campe une future maman blasée et incomprise. De l’autre côté du spectre, l’excellente Marie Petiot incarne avec brio le personnage de la bonne copine aux aventures foireuses.
Illustration de la dramédie dans toute sa splendeur, Vingt-cinq gère mélange des instants de crise existentielle avec un humour décalé. Globalement, les situations comiques de la série fonctionnent, surtout quand elles tombent dans une certaine absurdité. Là où elle excelle aussi, et peut-être de façon moins explicite, c’est dans sa façon d’encapsuler les sentiments conflictuels de la mi-vingtaine. Entre pression sociale et contexte économique peu favorable, être jeune en 2018 n’est pas toujours facile.
Somme toute, la première saison de Vingt-cinq, malgré un début ronronnant, est une réussite honnête, portée par des personnages attachants et originaux. Audacieuse, elle n’a pas grand-chose à envier à ses homologues américaines, prenant d’ailleurs exemple sur ces dernières sans les imiter à la lettre (on notera que la série se paie un bottle episode efficace, tradition des productions US). “T’imagines si notre vie, ça devient Entourage ?”, balance un gars de la bande à un moment donné. Tout ce qu’on peut lui souhaiter, c’est de s’en éloigner et de rester sur cette lancée prometteuse, si saison 2 il y a.
La première saison de Vingt-cinq est disponible dès le 25 octobre en intégralité sur OCS, et diffusée sur OCS Max tous les jeudis.