Biiinge a rencontré Madeline Fontaine, la créatrice des costumes de la royale série Versailles, actuellement diffusée sur Canal +. Décryptage.
Lancée lundi 16 novembre sur Canal +, Versailles resplendit notamment grâce à ses décors, signés Katia Wyszkop et ses somptueux costumes, imaginés par Madeline Fontaine et son équipe. Présidente de l’ Association française des costumiers du cinéma et de l’audiovisuel (AFCCA) et détentrice de deux césars (pour Un long dimanche de fiançailles et Séraphine), la chef costumière a travaillé pendant près d’un an sur les tenues de luxe de Louis XIV et son entourage, avec l’appui d’une trentaine de personnes dans les moments de rush.
Elle commente les tenues portées par les personnages principaux de la série, ainsi que les tissus méticuleusement choisis pour servir de base aux robes que vous voyez à l’écran.
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Louis XIV
J’avais aussi la contrainte des décors crées par Katia Wyszkop. Ils étaient très colorés, très forts. On est au début de la construction du palais par Louis XIV. Les motifs sont gros, avec des damas Louis XIII et des couleurs aguichantes. C’est très beau, mais j’ai du aller vers des choses plus sobres, plus lisses. J’ai travaillé sur des recherches de matières déjà riches et existantes, qui donnaient la sensation d’être travaillées dans l’épaisseur.
Il fallait que j’allège l’ensemble, ce qui donne un petit décalage avec la réalité historique. Au début du règne de Louis XIV, on a des boléros avec la chemise qui dépasse, des frous-frous, des volants, des dentelles, des pyjamas, des pardessus. Il fallait enlever un peu tout ça, tout en montrant toute la richesse vestimentaire de l’époque.
Henriette, dite “Madame” (femme de Philippe, amante de Louis XIV)
“Henriette n’a pas qu’une seule couleur. En tant que sœur du roi d’Angleterre, elle est aussi manipulée pour des transactions politiques. C’est un personnage ambigu. Elle porte aussi des bleus royaux, des gris argent. Elle a aussi des choses dans les tons or car elle représente la royauté et la richesse. Sa coiffure est toujours très travaillée.”
Philippe, dit “Monsieur” (le frère du roi)
“La matière utilisée ici est complètement contemporaine. J’ai trouvé des broderies qui semblent appartenir à l’époque. Son frère a tendance à lui refuser de prendre toute responsabilité. Il en aura plus tard. Avec sa femme, Henriette, il s’est beaucoup occupé de la promotion de l’art.”
Madame de Montespan
“Elle avait un côté bling bling que l’on n’a pas souhaité mettre en avant. Je suis plus intéressée par l’épuré. J’ai essayé de rester légère sur les bijoux, de ne pas en mettre partout. Une grosse boucle d’oreille ou un collier riche suffit à faire son effet. Le trop est l’ennemi du beau.”
Chevalier (l’amant de Philippe)
“Il porte un pantalon en velours d’un bleu très profond et un pourpoint [le vêtement du haut, ndlr] dans un bleu en soie, une veste en damas, et également des broderies qui collent au style de l’époque. L’idée était de toujours avoir cette richesse des matières sans trop en rajouter.”
Béatrice (la cousine de Chevalier)
Les tissus
La recherche de tissu sur ce projet a été une entreprise énorme. On a décidé de faire des séries, en collaboration avec des loueurs, on appelle ça de la “première location”.
C’est eux qui fabriquent, mais on fournit le matériel, on choisit les couleurs, et ils ont des costumes en stock. Le coût est moindre et leur investissement sert à relouer les costumes. On enrichit aussi le vestiaire des endroits où l’on peut trouver des costumes de cette époque spécifique. Chaque costume a nécessité à peu près dix mètres de tissu. On en a cherché pour faire environ 200 costumes, rien que pour la figuration. Ca en fait des kilomètres de tissu à trouver !
Trois questions à Madeline Fontaine
Biiinge | Que pensez-vous du résultat de votre travail à l’écran ?
Madeline Fontaine | J’ai vu le premier et le septième épisode de Versailles. Je focalise toujours sur les défauts. S’il y a quelque chose de travers, je ne vois que ça (rires) ! La série est riche, mais j’ai toujours envie que ce soit parfait. Certains costumes ont été réalisés à géométrie variable, c’est-à-dire qu’il faut arriver à le faire porter à la fois par une elfe qui ne fait pas un 38, et par le roi. On a passé pas mal de temps pour trouver l’astuce. Au final, la petite elfe a été coupée, et j’ai vu que le roi avait un costume un petit poil trop court. C’est agaçant !
Avez-vous déjà retrouvé vos costumes dans d’autres films ou séries ?
Oui, et ça me dérange, non pas par sentiment de propriété. Je me souviens d’avoir travaillé sur un film de Michel Deville, Un monde presque paisible, qui se passait après la première guerre mondiale. On avait fabriqué une robe pour Zabou Breitman, qui travaillait dans un atelier du sentier. Ce film est resté confidentiel. En revanche, je suis retombée sur cette robe portée par deux comédiennes dans des rôles principaux, sur deux films qui se sont beaucoup vus.
Ca ne fonctionne pas comme ça pour moi. Qu’est ce que ça veut dire de retrouver une robe portée dans trois films différents ? Pour moi, ça ne les rend pas crédibles. Maintenant, avant de les donner, je change des petites choses, la couleur ou l’agencement, pour qu’on ne les reconnaisse pas.
Vous travaillez déjà sur la saison 2 de Versailles, annoncée par Canal + ?
La saison 2 se met en place. On va voir si je repars. L’époque change. Ce ne sera pas plus facile contrairement à ce que l’on peut penser. Le seul avantage, c’est qu’on a une base au niveau des comédiens. Mais la clé dans ce métier, c’est de savoir anticiper. Et la tendance actuelle est de donner les scripts au dernier moment. Si on a les histoires écrites et qu’on peut se projeter globalement, savoir où seront les scènes de batailles par exemple, on fera beaucoup d’économies.