The Bear, la série aux petits oignons qui met tout le monde d’accord

The Bear, la série aux petits oignons qui met tout le monde d’accord

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© FX/Disney+

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Par Adrien Delage

Publié le

La pépite sérielle de la rentrée nous emmène vivre à 200 à l’heure dans les coulisses d’un restaurant de sandwiches à Chicago.

Les amateurs et amatrices de séries ont peut-être remarqué que cette rentrée 2022 n’était pas comme les autres. Depuis la fin de l’été, le petit écran est complètement polarisé par les deux blockbusters mis en compétition sur le plan de la fantasy, avec House of the Dragon d’un côté et Les Anneaux de pouvoir de l’autre. Si on entend principalement parler de la bataille massive qui se joue entre dragons et Balrogs dans les médias, il serait dommage de passer à côté des pépites sérielles diffusées au même moment. Heureusement, chez Konbini, on a l’œil et on vous propose aujourd’hui de découvrir la géniale The Bear, arrivée discrètement chez nous sur Disney+ le 5 octobre dernier.

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Création originale de Christophe Storer (Ramy) diffusée l’été dernier aux US sur FX et Hulu, The Bear est une dramédie qui nous emmène dans les coulisses d’un petit restaurant de sandwiches italiens au bœuf, situé au cœur de Chicago. Mikey, son gérant, s’est suicidé dans des circonstances mystérieuses, laissant son staff et sa famille dans un profond chagrin et une galère monstre.

En effet, l’établissement a été durement touché par la pandémie mondiale, l’hygiène de la cuisine laisse à désirer et les factures s’empilent dans le bureau de l’Original Beef of Chicagoland. Carmy, le frère de Mikey, qui est un chef émérite et a travaillé dans les meilleurs restaurants du monde, hérite de ce troquet et retourne dans sa ville natale dans l’espoir de le sauver de la faillite et d’en faire une brasserie haut de gamme. Mais le chemin vers la gloire et le deuil de la mort de Mikey est semé d’embûches et de spaghettis en boîte, même pour un génie de la cuisine.

Cauchemar en cuisine

© FX/Disney+

Chaque épisode de The Bear est un véritable défi à regarder, comme si la série vous challengeait de la binge-watcher. C’est une œuvre exigeante, pas dans le sens cérébral de la chose à la manière de Westworld, mais bien parce qu’elle vous met à l’épreuve jusqu’à l’épuisement. The Bear nous présente les cuisines de l’Original Beef of Chicagoland comme une machine infernale à faire tourner, asphyxiante et tendue, si bien qu’on se retrouve au bord de la syncope à chaque fin d’épisode. La série se veut extrêmement réaliste et immersive, bien aidée par une mise en scène aux petits oignons, façon documentaire, qui suit au plus près les chefs de l’établissement. Si vous trouviez que les deux blockbusters cités plus haut manquaient de rythme, The Bear profite de son format de 30 minutes pour vous faire vivre une expérience anxiogène dont vous ne ressortirez pas indemne.

Mais paradoxalement, et c’est bien cette dualité qui fait de la série un immanquable de la rentrée et une vraie réussite, The Bear est incroyablement tendre et émouvante avec ses personnages. Elle offre un visage et une personnalité à chacun des membres de la cuisine, qui ont d’ailleurs comme consigne de s’appeler chef·fe·s entre eux·elles en signe de respect, afin de créer une famille dysfonctionnelle et conflictuelle ô combien attachante. À l’inverse, vous allez adorer détester certains personnages, comme Richie (Ebon Moss-Bachrach), éternel loser au sang chaud mais au grand cœur, ou Sydney (Ayo Edebiri), jeune cheffe autoritaire mais incroyablement talentueuse qui œuvre toujours pour le bien collectif.

Évidemment, cette galerie de protagonistes riches et complexes est supervisée par Carmy, le cœur de la série. Le nouveau gérant du restaurant est incarné par Jeremy Allen White, aka le beau gosse Lip Gallagher de Shameless. Dans The Bear, il propose une interprétation habitée et souvent impressionnante en termes de jeu, notamment à travers des monologues bouleversants dont celui de l’épisode “Braciole”, qui va vous tirer de grosses larmes et propulser l’acteur dans les prochaines nominations des Emmy Awards et des Golden Globes. La série ne se repose pas que sur ses belles épaules musclées, mais le charisme et la prestance de Jeremy Allen White nous ont franchement bluffés, surtout dans une série plutôt confidentielle et sans prétention, à l’effet cathartique, comme une certaine Ted Lasso.

© FX/Disney+

La série est aussi intelligente sur le choix de son cast que de son écriture. En sous-texte, The Bear nous parle de la difficulté de gérer la pression, du monde du travail toujours plus étouffant et injuste, mais surtout de comment surmonter un deuil. Sur ce dernier point, la série frappe fort avec un discours poignant sur les crises d’angoisse, symbolisées ici par des cauchemars et des hallucinations qui perturbent Carmy au quotidien. Ces derniers lui donnent parfois envie de tout brûler, littéralement, un sentiment auquel chaque spectateur et spectatrice peut s’identifier (qui n’a jamais pensé à tout claquer du jour au lendemain sur un coup de stress trop intense ?). Un phénomène bien ancré dans le monde réel, alors que le nombre de démissions et d’abandons de poste, aussi appelés “Great Resignation” aux États-Unis, explose depuis quelques années et a été amplifié par la pandémie de Covid-19.

Mais si on apprécie autant The Bear, c’est aussi pour ses fulgurances de mise en scène à tomber par terre. Au premier regard, on pouvait craindre une certaine monotonie en termes de réalisation, au vu des décors redondants et renfermés d’une cuisine de restaurant. Mais c’était sans compter sur l’ingéniosité de Christopher Storer et Joanna Calo, qui se réinventent à chaque épisode. La tension de The Bear atteint son paroxysme avec l’épisode “Review”, spectaculaire plan-séquence de 18 minutes qui fait presque prendre à la série une tournure horrifique (et s’attaque clairement aux phénomènes d’ubérisation des restaurants à travers les dark kitchens). Un tour de force qui risque bien de vous dégoûter des sociétés de livraison de plats tout préparés, types Deliveroo et consorts.

Selon son créateur, The Bear explore “l’addiction et les maladies mentales” à travers “un environnement de travail parfois toxique” que peuvent incarner les cuisines des grands restaurants. Mais en exposant ces thématiques très actuelles dans un établissement de plus petite envergure, Christopher Storer transforme son discours de manière universelle et surtout identifiable pour tout un chacun. Carmy, Richie, Syd, Marcus, Tina et les autres prennent alors le visage des étapes du deuil et du chemin de la rédemption, procédé d’écriture qu’on avait déjà aperçu dans la bouleversante The Haunting of Hill House de Mike Flanagan. The Bear est-elle une pépite sérielle de 2022 ? Indubitablement. Deviendra-t-elle un chef-d’œuvre de la décennie ? Probablement, même s’il faudra confirmer avec le plat de résistance, à savoir une saison 2, qui est déjà en cours d’écriture. Dans tous les cas, son entrée époustouflante nous a rassasiés pour un bon moment.

En France, la première saison de The Bear est disponible sur Disney+.