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C’est ce mardi soir qu’OCS lance la mini-série Le Nom de la rose, adaptation fidèle du roman éponyme d’Umberto Eco, publié en 1980. Imaginée par Andrea Porporati, Nigel Williams et Giacomo Battiato, elle est, sous le label OCS Originals, la première production internationale de la maison. Son unique saison, composée de huit épisodes de 52 minutes, s’attaque à un monstre : mettre en images le roman culte.
Un défi qu’avait déjà relevé Jean-Jacques Annaud avec son film, en 1986, qui plongeait Sean Connery et Christian Slater dans l’Italie du XIVe siècle. Ils y incarnaient alors Guillaume de Baskerville (William, en version originale) et Adso de Melk, un moine franciscain et son novice, chargés d’élucider une série de meurtres dans une abbaye bénédictine.
Trente-trois ans plus tard, c’est John Turturro, acteur fétiche des frères Coen vu dernièrement dans l’excellente The Night Of, et Damian Hardung, jeune acteur allemand de 20 ans, qui revêtent les soutanes des deux héros du Nom de la rose. C’est à Rome, dans l’église Santa Maria in Cosmedin, que nous nous rendions, en avril dernier, pour assister au tournage de cette adaptation.
Dehors, les touristes se pressaient sur les trottoirs, à deux pas du Circo Massimo, tandis que l’on pénétrait dans la basilique, en travaux pour rénovation et fermée au public. Le réalisateur, nous a-t-on dit, serait tombé amoureux de l’endroit. Dès l’entrée dans les lieux, c’est un saut dans le temps assez soudain. Dans les dédales obscurs nous conduisant au cœur de l’édifice, nos enregistreurs numériques à bout de bras, nous tentions de capter les murmures de ces faux moines en pleines répétitions.
On y a croisé des visages bien connus des séries comme Michael Emerson, éternel Benjamin Linus de Lost, ou encore Richard Sammel, vu dans Un Village français et The Strain. Ils jouent respectivement l’Abbé et Malachia, et leur tonsure monacale, nous assure-t-on, est absolument authentique ! Ils s’ajoutent à un casting trois étoiles composé de John Turturro, Rupert Everett ou encore Tchéky Karyo. Une sacrée victoire si l’on en croit Giacomo Battiato, le réalisateur, également impliqué dans l’écriture :
“On s’est battu pour avoir des comédiens extraordinaires dans tous les rôles”.
© 2019 Palomar/11 Marzo Film, Photo : Fabio Lovino
Entre deux scènes, on nous a donc présenté le metteur en scène italien qui a répondu à nos questions dans un français irréprochable. Il a posé ses caméras aux quatre coins du pays, des studios de Cinecitta aux remparts de Pérouse en Ombrie pour recréer la ville de Florence, et finalement à Rome et sa région du Latium.
“D’habitude, on a un Moyen Âge très gris, alors que c’était une époque très colorée. Donc, à chaque fois que j’en avais l’occasion, j’ai utilisé des couleurs. Si vous regardez les peintures de l’époque, c’est une explosion de couleurs. La photographie sur la série est très émotionnelle, très abstraite et, j’espère, contemporaine.”
On a rapidement compris qu’amener le long-métrage culte de Jean-Jacques Annaud sur le tapis était un sujet délicat. Non pas que ce soit tabou mais, finalement, les membres de l’équipe que nous avons pu croiser revendiquaient plutôt leur méconnaissance du film ou leur volonté de s’en détacher, comme nous le confiait Giacomo Battiato :
“Je connais Jean-Jacques Annaud, mais je ne connaissais pas très bien le film. Il était obligé de se concentrer sur certains aspects, comme le thriller, et il a travaillé autour de la figure du monstre. Il a par exemple utilisé beaucoup de ‘freaks’ du Moyen Âge, alors que c’est absent du roman d’Umberto Eco. Moi, parce que j’avais le temps, j’étais obligé de travailler beaucoup plus sur l’aspect psychologique.
La relation entre le moine William et Adso est très développée dans la série, mille fois plus que dans le film. Et aussi la relation amoureuse entre Adso et la jeune femme. Dans le film, c’est juste une pauvre femme qui se donne pour un peu de nourriture ; ici, elle est une réfugiée et c’est une histoire d’amour. C’est le choix qu’Adso doit faire entre le spirituel et le charnel.”
© 2019 Palomar/11 Marzo Film, Photo : Angelo Turetta/Fabio Lovino
Même son de cloche, plus ou moins, du côté de la star de la série, John Turturro, très intimidant, même en tongs de moine franciscain : “Je n’ai jamais vu le film. Je ne vois pas comment ça pourrait m’aider, ni comment ça pourrait se rapprocher du livre autant que nous le faisons maintenant.” Le poids de l’héritage est évidemment lourd, mais tous s’accordent à dire que la mini-série était le meilleur moyen d’adapter l’œuvre dense d’Umberto Eco.
“Ce qui était très compliqué, c’était de retranscrire toutes les idées du roman dans une série. Mais j’ai décidé d’accepter ce défi. J’ai relu 15 fois le roman, il a plein de niveaux de lecture. Le premier, c’est le côté thriller, assez classique, dans un couvent. Mais il y a tellement de références au contemporain, à des thèmes d’aujourd’hui qui sont fascinants comme l’idée de liberté, la femme, l’amour, les réfugié·e·s et les guerres qui poussent les gens à s’échapper, et ceux qui n’acceptent pas ces réfugié·e·s… Ça a été écrit il y a 30 ans, c’est impressionnant”, s’émerveillait encore Giacomo Battiato.
La production internationale a rassemblé OCS bien sûr, mais aussi Rai pour l’Italie, Sundance TV pour les US, BBC pour le Royaume-Uni, Sky en Allemagne et plein d’autres qui ont mis la main au portefeuille pour mener à bien ce projet d’envergure. Un melting-pot qui transparaît jusque dans le casting et ses accents divers. Les producteurs du Nom de la rose n’ont pas ménagé leurs efforts pour en faire un événement télévisuel.
Il leur a fallu un an et demi pour convaincre l’auteur de leur céder les droits d’adaptation. Côté budget, les huit épisodes ont coûté pas moins de 24 millions de dollars nous confirmait-on sur le tournage. Pour John Turturro, qui tient le rôle-titre de William of Baskerville, la vraie richesse de ce Nom de la rose version série, c’est d’avoir sublimé le matériau d’Umberto Eco, de lui rendre honneur en le raccrochant aussi à notre époque :
“Ce n’est pas juste un ‘whodunnit’ [mystère policier qui consiste à découvrir qui a commis le meurtre, ndlr], ça parle de religion bien sûr, mais aussi de philosophie, et on y trouve beaucoup d’éléments modernes, en particulier au sujet de la peur inspirée par les femmes. C’était déjà dans le livre. On a essayé de reprendre ses formidables réflexions philosophiques – c’est drôle et ironique – et d’intégrer tout ça dans le labyrinthe qu’est le mystère autour des meurtres. On ne peut pas faire ça en deux heures, c’est impossible sans trahir le livre. En série, on peut lui rester fidèle et creuser les choses.”
La mini-série en huit épisodes Le Nom de la rose est diffusée dès ce soir, à partir de 20 h 40, sur OCS Max.