Dans une rentrée des networks marquée par l’audace et l’originalité des productions (non on déconne, c’était surtout des comédies mielleuses et des procedurals obsolètes avant d’être diffusés), ABC a tiré le gros lot avec Stumptown. Fait rare sur une chaîne américaine publique pour le signaler, cette série est l’adaptation des comics éponymes signés Greg Rucka et Matthew Southworth et publiés chez Oni Press. Deuxième point intéressant, l’intrigue se déroule à Portland, une ville singulière aux émanations de café uniquement exploitée dans Portlandia et Grimm sur le petit écran.
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Cerise sur le gâteau, le premier rôle de la série revient à Cobie Smulders, actrice au fort capital sympathie depuis How I Met Your Mother et son interprétation de Maria Hill dans le Marvel Cinematic Universe. Elle y campe Dex Parios, une détective privée contemporaine, qui a sombré dans l’alcool et les jeux d’argent.
Derrière son comportement volatile et désintéressé, Dex cache un passé traumatisant de l’époque où elle a servi dans l’armée américaine et perdu une personne proche. Pour oublier cette partie sombre de sa vie, elle oscille entre des coups d’un soir, des contrats casse-gueule et des moments de partage avec son petit frère Ansel (Cole Sibus), atteint du syndrome de Down.
Le Cobie Smulders show
Ⓒ ABC/David Bukach
Stumptown brille et souffre du même symptôme d’œuvres telle que Taboo avec Tom Hardy : elle est dépendante de son interprète principale. Ainsi, la réussite de cette adaptation doit énormément à la partition de Cobie Smulders, qui excelle dans cette version édulcorée d’une Jessica Jones de l’Oregon. Greg Rucka, également créateur de la série, a conscience de sa dimension comique démontrée grâce au personnage de Robin Scherbatsky dans HIMYM, et la mixe judicieusement avec son physique de femme indépendante et badass, digne héritière de Buffy et autre Sydney Bristow.
Le show pioche également dans des influences littéraires qui se ressentent dans la narration et la mise en scène. On pense au hard boiled ou roman noir des années 1920, renforcée par l’aspect très urbain du décor de Portland. Stumptown tombe parfois dans certains clichés de répétition, notamment au niveau des dialogues très tape-à-l’œil, mais impose un rythme musclé et captivant à son pilote. Le montage, très clippesque la plupart du temps, s’applique sur des scènes d’action franchement jouissives et souvent tordantes, si bien qu’on prend un malin plaisir à voir Dex foutre une raclée à des kidnappeurs de bas étage.
Ⓒ ABC
La dimension dramatique de la série est en revanche moins réussie. Comme de nombreux antihéros des temps modernes, le Punisher en tête pour filer la métaphore avec les personnages de la Maison des Idées, la détective souffre d’un trouble de stress post-traumatique en lien avec son passé de militaire. Stumptown joue la carte des flashbacks et du mystère avec cette intrigue secondaire, se gardant bien de dévoiler l’identité de la personne morte pendant son service. Un procédé vu et revu qui ne dépoussière pas le genre et se montre plus ennuyeux qu’excitant.
Même si on peut parler d’un “Cobie Smulders show”, l’actrice est plutôt bien entourée. Elle peut compter sur Tantoo Cardinal (Wind River), qui incarne un personnage arrogant mais attachant, ainsi que sur sa dynamique avec Cole Sibus, comédien véritablement atteint de trisomie 21, particulièrement émouvante et drôle. Pour viser encore plus juste dans le reste de sa première saison, Stumptown doit impérativement se concentrer davantage sur l’histoire du présent que celle du passé (par pitié, pas de bottle episode sur sa vie dans l’armée), bien plus captivante et maîtrisée en terme d’écriture.
La première saison de Stumptown est diffusée sur ABC outre-Atlantique mais encore inédite en France.