Retour de l’autre côté de la Manche pour la troisième saison des imbroglios sentimentaux de Dylan, Evie et Luke.
À voir aussi sur Konbini
Au départ, personne n’aurait misé sur ce qui s’appelait encore en saison 1 Scrotal Recall. Son actrice principale et interprète d’Evie, Antonia Thomas (vue dans Misfits), admet volontiers en rigolant que ce n’était pas tous les jours facile à assumer : “Vous n’imaginez pas l’embarras d’avoir à dire ce titre”, confie-t-elle à Buzzfeed. Et le pitch pouvait laisser dubitatif : quand il apprend qu’il a une chlamydia, Dylan est contraint de recontacter ses anciennes partenaires sexuelles, et de faire face à des sentiments qu’il n’avait pas forcément bien enterrés.
Mais depuis, la désormais rebaptisée Lovesick s’est fait une place parmi la nouvelle vague de rom-coms en séries, en portant un regard neuf sur le genre, plus proche de la “vraie vie” et qui prend son temps. Et cette temporalité, justement, la série créée par Tom Edge en joue allègrement, parce que la meilleure façon de raconter l’histoire de Dylan, Evie et Luke, ce bordel sentimental empêtré dans des banalités, c’est dans le désordre.
La série opte donc pour le listing exhaustif des aventures amoureuses de Dylan, mais pas dans l’ordre chronologique. Notre héros est alors forcé de ressasser ses relations passées. Un coup d’œil dans le rétroviseur qui le pousse bien souvent à réaliser que ses souvenirs, et le ressenti qui va avec, ne sont pas toujours l’exact reflet de la réalité. L’IST de Dylan devient un prétexte pour reconnecter ses personnes qui s’étaient quittées en plus ou moins bons termes.
L’amour au temps de la chlamydia
Comme dans toute bonne comédie romantique, on fantasme des choses, on s’accroche de toutes ses forces à une version des faits qui rend l’amour plus beau, la mélancolie plus dramatique, le sexe plus chaud et l’absence plus cruelle. Et à la manière d’un Ebenezer Scrooge dans Un chant de Noël de Dickens, chacun de nos héros fait face aux fantômes de ses relations passées, pour ouvrir les yeux sur ce qu’il manque ou non à celles du présent, et espérer apprendre de ces erreurs pour celle (au singulier) qui les attend inévitablement dans le futur.
Là où Lovesick échappe aux tropes de la comédie romantique, c’est dans une autre forme de rapport au temps : Evie est restée aux côtés de Dylan, complice dans sa quête de l’amour ou de coups d’un soir, dans les bons moments comme dans les ruptures difficiles, en véritable amie, pendant six ans… en l’aimant secrètement. Et lui aussi l’a aimée en secret. La série tourne principalement autour de leur relation.
Mais plutôt que de s’engouffrer dans le stéréotype de la parade amoureuse qui, après de nombreux malentendus et rendez-vous manqués, finit par aboutir à une merveilleuse histoire entre deux personnes qui n’auraient jamais dû être ensemble, comme l’aurait fait n’importe quelle comédie romantique, Lovesick nous livre ce parcours du combattant comme si elle nous servait des œufs brouillés : un carnage qui vire en grand bordel mais s’avère être succulent. Au final, on n’est même pas sûr qu’Evie et Dylan soient vraiment faits l’un pour l’autre.
Love, etc.
En saison 3, la série ose l’impensable : nous montrer “l’après”. Dans la plupart des films du genre, c’est là que la lumière s’éteint et que le générique défile. Il faut croire que la vie de couple n’est pas aussi excitante que son préambule. Pour Dylan et Evie, c’est différent. Parce qu’on n’est pas dans un mirage créé de toutes pièces par Hollywood, mais dans une série qui s’affranchit une nouvelle fois des codes. Lovesick a besoin que ses protagonistes soient plus que des amoureux en série ou des serial fuckers.
Les titres des épisodes, qui adoptent pour la plupart les noms (de la longue liste) des partenaires de Dylan, certaines comptant plus que d’autres, auraient pu laisser penser le contraire. Si le cinéma, la télé ou la littérature nous ont bien appris un truc, c’est que le destin, avant de réunir nos deux héros, va d’abord tout faire pour les séparer. Le grand méchant, c’est cet obstacle insurmontable, impalpable qui, bien entendu, ne fait que renforcer l’amour que les tourtereaux se portent.
Or, on observe que, finalement, dans la “vraie vie”, ce qui tue le plus l’image d’Épinal qu’on se fait du couple n’a rien d’extraordinaire, et les éléments ne se déchaînent pas pour nous empêcher d’être avec l’être aimé. Lovesick vient exploser ce cliché en démontrant que même deux amis destinés à finir ensemble n’auront peut-être pas de happy ending et que même les relations les plus magiques en apparence peuvent être sérieusement érodées par l’ennui, la lassitude, les exigences, le doute. Il était alors impossible, pour Lovesick, de faire un état des lieux des relations romantiques sans observer son couple principal à la loupe, et tout le long du chemin, il y a des parasites sur la ligne. Encore le passé qui les rattrape.
Cette saison 3 de Lovesick est dans la continuité des deux précédentes : adorable, mordante, irrésistiblement drôle, pas toujours très mature (à l’image de ses personnages, et on aime ça), avec une mélancolie toute familière, comme une saloperie de rhumatisme qui se réveillerait par temps humide. Cette néo-rom-com de trentenaires attendrissants possède un rapport au temps, à la banalité et aux blessures sentimentales qui lui est propre, et c’est pour cela qu’on se retrouve tellement dans les imbroglios so british de Lovesick.
Les trois saisons de Lovesick sont disponibles sur Netflix.