Nadia Makita. Profession : scientifique, badass, sauveuse de l’humanité.
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Dans Altered Carbon, il n’y a pas de doute, la société du futur est toujours aussi sexiste. Ce qui ne veut pas dire que les personnages féminins ne sont pas intéressants et ne tiennent pas des rôles prépondérants dans l’intrigue. Ortega (Martha Higareda), Reileen (Dichen Lachman) ou encore Miriam (Kristin Lehman) entourent notre antihéros tourmenté, mais côté caractérisation, c’est assez simpliste entre la flic sexy, la femme mature hypersexualisée et la sœur psychopathe. Vous remarquerez que d’une manière ou d’une autre, tous les personnages féminins d’Altered Carbon sont attirés sexuellement ou amoureusement par Takeshi.
S’il en va de même pour Quell, incarnée par Renée Elise Goldsberry, son histoire est heureusement plus complexe et intéressante qu’un simple love interest. Ce personnage n’est pas défini par sa relation avec Tak. Militante radicale anti-immortalité et leadeuse des Envoys, un mouvement terroriste en rébellion contre le Protectorat, Quell a eu une vie bien remplie avant de tomber sur l’orphelin en fuite avec sa sœur. Et puis, du point de vue de la représentation des minorités, ce n’est pas tous les jours qu’une protagoniste noire et féminine (coucou l’intersectionnalité, soit l’accumulation des discriminations) est la clé de voûte d’une série, voire carrément la sauveuse de l’humanité.
Telle Morpheus dans Matrix, la leadeuse militaire et spirituelle apprend à Tak à maîtriser son environnement, à perfectionner ses techniques de combat, à échapper aux tortures en réalité virtuelle. In fine, elle permet à l’Envoy (un type de super-soldat formé par le Protectorat, qui peut changer d’enveloppe corporelle à volonté, sans subir de trauma) de se reconnecter à ses émotions et tout simplement de retrouver un sens à sa vie. L’histoire d’amour entre les deux soldats peut paraître un poil naïve et over-romantique, et pourtant, les sentiments amoureux que Takeshi éprouvent envers sa mentor vont de pair avec l’éveil de sa conscience politique et son nouvel attachement à la valeur de la vie.
Au-delà de ses talents de guerrière, Nadia (son nom de naissance) est une oratrice hors pair, qui réussit à convaincre son armée des bienfaits de la “vraie mort”. Son but : restaurer la démocratie dans cette société high-tech oligarchique où règnent l’ultraviolence – en particulier envers les femmes (dans le livre de Richard K. Morgan, elle tient aussi un discours féministe, que l’on verra peut-être en saison 2, croisons les doigts) – et la corruption. Pour arriver à cela, elle ne voit qu’une solution : détruire sa propre création.
Tous les chemins mènent à Quell
Et oui, car Nadia est à l’origine des “stacks” (“pile”), cette fameuse puce implantée dans le cortex cérébral qui sert de réceptacle à la conscience et a permis à la race humaine de ne plus mourir de maladie ou de vieillesse, allongeant considérablement l’espérance de vie. Au moment de sa création, cette technologie devait permettre aux êtres humains de se lancer dans le voyage interstellaire, en transférant la conscience d’un corps à un autre, disponible sur une planète distante en un instant (dans la série, on parle de “needlecasting”). Ce que l’idéaliste n’avait pas anticipé, c’est que les faiblesses humaines allaient prendre le pas sur la raison et l’éthique.
Conséquence de sa création : la scientifique a offert involontairement aux plus riches une vie de plusieurs centaines d’années, les rendant toujours plus cupides et avides de nouvelles sensations fortes, avec à la clé la montée inexorable des violences, la confiscation du pouvoir, l’augmentation des inégalités entre riches et pauvres… C’est ce que nous expose l’épisode 7, le plus réussi de la saison, “Nora Inu”, qui revient 200 ans plus tôt, sur l’échec de la rébellion de Quell contre le Protectorat.
D’une certaine manière, Falconer représente à elle seule la richesse philosophique d’Altered Carbon, que nous avons pu entrevoir dans cette première saison, sans qu’elle soit vraiment creusée. L’espoir de voir ces questionnements – le système politique que la leadeuse voulait mettre en place, la condition humaine post-mortalité – approfondis en saison 2 (pas encore officialisée par Netflix, mais cela ne saurait tarder) est permis. En fin de saison 1, Tak se donne pour mission de retrouver la conscience de son grand amour, conservée quelque part dans cet univers.
Il y a donc de bonnes chances de revoir Nadia en chair et en os (mais peut-être pas dans le même corps, c’est un peu la malédiction des interprètes d’Altered Carbon). Réveillée plus de 200 ans après sa “mort”, elle se rendrait alors compte que tout reste à faire pour sauver l’humanité de ses propres vices et redonner un sens à la vie humaine, en premier lieu par la politique et la réflexion idéologique. Quell apporterait ainsi à Altered Carbon l’étincelle nécessaire pour en faire plus qu’un efficace thriller cyberpunk.
La saison 1 d’Altered Carbon est disponible sur Netflix.