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Philharmonia : thriller en crescendo au sein d’un orchestre parisien

Philharmonia : thriller en crescendo au sein d’un orchestre parisien

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© Merlin Productions

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Par Florian Ques

Publié le

Loin des fictions policières formatées, France 2 sort (un peu) des sentiers battus avec une nouvelle production addictive sur fond d’orchestre philharmonique.

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Il serait un euphémisme de dire que, rayon séries, notre douce France galère sérieusement. Enfin, si l’on veut être fair-play, ce constat déplorable est surtout valable pour les chaînes publiques, qui semblent encore miser sur des fictions policières aux dialogues bancals et au scénario plus prévisible tu meurs. Grosso modo, le décalage entre nos productions et celles, plus ambitieuses, qu’on peut trouver ne serait-ce qu’outre-Manche est toujours palpable. Pour autant, avec Philharmonia, France 2 laisse sa frilosité aux vestiaires pour proposer quelque chose un brin plus osé.

Exilée depuis des années à New York pour d’obscures raisons, la violoniste Hélène Barizet remet les pieds en terres parisiennes lorsqu’une offre inégalable lui est faite. Pour la toute première fois, elle obtient le poste tant convoité de cheffe d’orchestre pour le Philharmonia, l’orchestre le plus réputé de la ville lumière. Érigée au statut de maestro et forcée de composer avec des musiciens récalcitrants face à ses méthodes peu conventionnelles, Hélène aura une saison pour faire ses preuves. Mais lorsque meurtre, rivalités et règlements de comptes s’invitent, ça devient une tout autre histoire.

Jusqu’alors, côté séries, le milieu philharmonique était essentiellement dépeint à travers un prisme tragicomique grâce à la méconnue Mozart in the Jungle. Alors pour le coup, rien qu’avec son univers trop peu exploité, Philharmonia représentait un pari aventureux. Un certain budget a dû être réuni, puisque la série de France 2 n’a rien de cheap. Si ses décors – notamment lors des scènes de répétitions ou de représentations – paraissent aussi crédibles, c’est tout simplement car une majeure partie de la série a été filmée à la Philharmonie de Paris.

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N’étant pas un fin connaisseur du milieu de la musique classique, il serait difficile d’assurer avec certitude que Philharmonia lui rend un bel hommage. En revanche, elle fait honneur aux séries françaises, en relevant le niveau grâce à une intrigue captivante et un récit rythmé étonnamment bien ficelé. En six épisodes – dont seulement quatre ont pu être visionnés par mes soins –, c’est un thriller enivrant qui se déploie sous nos yeux, où le Philharmonia est représenté avec brio comme un panier de crabes où les coups bas sont légion et les ego des uns se heurtent aux ambitions des autres.

Une fois n’est pas coutume pour le paysage audiovisuel français, Philharmonia est créée par une femme, Marine Gacem, qu’on retrouve également au scénario au côté de Clara Bourreau. Cette collaboration entièrement féminine se ressent sans équivoque dans l’écriture du protagoniste de la série. Dès le premier épisode, Hélène Barizet – brillamment incarnée par une habituée des planches, Marie-Sophie Ferdane – s’impose comme une antihéroïne libérée des carcans de la série hexagonale.

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Tel un bulldozer, elle écrase ses rivaux et s’approprie le rôle de cheffe d’orchestre de gré ou de force, n’en déplaise à ses détracteurs. Elle paraît souvent froide, peu conciliante. Hélène n’est pas là pour se faire aimer, mais pour accomplir la tâche qui lui a été assignée. Ce genre de caractéristiques, on les retrouve habituellement chez des personnages masculins, en témoigne les Walter White et autres antihéros du même acabit. Néanmoins, ça fait du bien de voir un tel personnage porté par une femme, d’autant plus à l’échelle française. Un personnage pas toujours aimable, auquel on ne s’identifie pas forcément, mais avec suffisamment de caractère et de fêlures pour qu’on le respecte.

Si Marie-Sophie Ferdane et son personnage complexe sont l’élément clé de la réussite qu’est Philharmonia, ses compagnons de jeu méritent leurs couronnes de lauriers. Croisée dans la saison 3 de Kaboul Kitchen, la jeune Lina El Arabi nous confirme tout son talent sous les traits d’une jeune prodige jetée dans la fosse aux lions. Tomer Sisley, convaincant en pervers narcissique de l’extrême, délivre aussi une performance louable. D’autres personnages secondaires, en revanche, peinent à sortir des archétypes qu’ils incarnent, comme celui de la maîtresse jalouse.

Composée de trop peu d’épisodes, Philharmonia réussit l’exploit de construire une narration suffisamment fluide et maîtrisée pour qu’il n’y ait pas besoin de meubler les temps morts. Tout simplement car des temps morts, il n’y en a pas. Somme toute, cette première saison mixe les codes du soap opera – un genre trop souvent snobé, à tort – avec une atmosphère tendue façon thriller. Le rendu pourrait être piètrement décevant, mais les fausses notes sont heureusement moindres. Ce n’est pas une standing ovation, mais on n’en est pas loin.

Philharmonia est diffusée à compter du 23 janvier 2019 sur France 2.