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Pam & Tommy est une réussite pop, mais rend-elle vraiment justice à Pamela Anderson ?

Pam & Tommy est une réussite pop, mais rend-elle vraiment justice à Pamela Anderson ?

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©Hulu

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Par Marion Olité

Publié le

Back to the nineties.

Dès l’annonce du projet, les esprits se sont échauffés. D’un côté, cette idée de biopic est alléchante, de l’autre elle pose des questions éthiques évidentes. Imaginez plutôt une série qui reviendrait sur les glorieuses années 1990 de Pamela Anderson, alors star du petit écran avec la culte Alerte à Malibu mais aussi des tabloïds, à l’affût du dernier coup d’éclat du couple glam et trash qu’elle formait avec Tommy Lee, le batteur du groupe de heavy metal, Mötley Crüe rencontré en 1995.

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L’obsession pour ces deux-là atteignit son paroxysme quand une sextape de leurs ébats enregistrés au moment de leur lune de miel est volée et ressurgit sur internet. Il s’agit du premier cas d’école du genre, bien avant les scandales des sextapes de Kim Kardashian et Kanye West ou de Zahia Dehar et Karim Benzema dans nos contrées. On comprend donc l’intérêt à la fois pécuniaire et artistique à fictionnaliser cette histoire vraie, alors que Hollywood n’a jamais autant versé dans le méta (les derniers volets de Scream, Matrix ou Spiderman sortis en 2022 au cinéma) et la nostalgie nineties.

Le paradoxe Pam & Tommy

Tous les ingrédients étaient réunis pour faire de Pam & Tommy une série à la fois sexy et… bien voyeuriste. La bonne nouvelle, c’est que le résultat dépasse les attentes en termes de qualité, mais il n’échappe pas à des questionnements moraux en pleine ère MeToo, quand on sait que Pamela Anderson, première victime de cette affaire de sextape mais également victime d’un ex-compagnon toxique, Tommy Lee (jugé coupable de violences conjugales alors qu’elle était enceinte, il a fait six mois de prison). Au visionnage des trois premiers épisodes, la série préfère se focaliser sur le côté fun et fou de leur histoire que sur ses aspects plus sombres.

Pamela Anderson a, de son côté, été claire : elle ne voulait pas de cette série. Peu importe, les producteurs Seth Rogen et Evan Goldberg (à qui l’on doit Preacher), le showrunner Robert Siegel et la plateforme Hulu ont fait fi du consentement de la star et décidé de porter cette histoire à l’écran dans une série en huit épisodes, qui suit également le point de vue de Rand Gauthier (incarné par un très bon Seth Rogen en loseur opportuniste, à qui la série donne un peu trop d’excuses), le cambrioleur entré en possession de la fameuse sextape. Si de nombreux biopics hollywoodiens ont vu le jour sans l’aval de la star en question (en série, on pense notamment à The Crown qui fait s’étrangler la famille royale à chaque nouvelle saison), le cas de Pam & Tommy est un peu spécifique.

Il existe un vrai paradoxe à mettre en scène et à dénoncer l’exploitation du corps et de l’image de Pamela Anderson par une bande de gars… Dans une série chapeautée par une majorité d’hommes, qui vont donc faire à nouveau du profit sur le dos de la femme en question et encore une fois sans son consentement. Ironie, quand tu nous tiens.

Sans pour autant annoncer que les profits tirés de la série iraient à la fondation de Pamela Anderson (ce qui aurait été une belle façon de lui rendre justice, la star étant notamment engagée pour les droits des animaux), les hommes derrière ce projet, à commencer par Robert Siegel, ont bien conscience de marcher sur des œufs. Ils ont pris soin de ne pas dresser un portrait négatif de Pamela Anderson, de ne pas la slut-shamer ou la faire passer pour une jeune écervelée, au contraire. Au-delà de la transformation physique bluffante (qui passe par un superbe travail de maquillage) de Lily James, l’actrice incarne une Pam aux multiples facettes : frondeuse, attachante, sexy et vulnérable, elle tente de faire carrière dans un monde d’hommes, qui bavent devant sa plastique mais passent leur temps à la sous-estimer et à la sursexualiser.

©Hulu

La série montre une Pamela pas simplement victime du sexisme ambiant à Hollywood. Elle a une idée assez précise de ce qu’elle aimerait accomplir, être à la fois une actrice et une activiste. Elle cite Jane Fonda en exemple dans une excellente scène de l’épisode 3, durant laquelle une publiciste pour Barb Wire (1996) lui demande quelle histoire elle souhaite raconter aux médias pour attirer leur attention, durant la promotion du film. L’écriture des personnages en général et de Pamela en particulier est excellente et se refuse à tout manichéisme. Chacun·e a une raison de faire ce qu’il ou elle fait et un quotient sympathie ; même si au final, on est du côté de Pamela.

Un Tommy un peu trop cool

Cela étant dit, il faut saluer la performance de Sebastian Stan, brillant en Tommy Lee imprévisible, sorte de “prince pas trop charmant” tout de cuir et de tatouages vêtu. Il campe à merveille un certain type d’idéal masculin très en vogue à l’époque, le bad boy qui peut être adorable quand il veut séduire, mais également se comporter comme un vrai connard, en témoignent ses échanges avec Rand dans le premier épisode. Le deuxième retrace sa rencontre avec Pam et les quatre jours de fête à Cancún au Mexique qui ont suivi, ce coup de foudre surréaliste entre les deux stars, qui flottent dans leur bulle, entre coupes de champagne, musique et drogues. La série montre la façon dont Tommy stalke Pamela et initie les soirées et la prise de drogues, sans pour autant insister vraiment dessus.

Impossible de ne pas être fascinés par ces deux comètes dans cet épisode. 96 heures après leur rencontre, ils se marient le 19 février 1995, en maillots de bain. Leur histoire d’amour rock et rebelle est mise en scène comme un conte de fée moderne, qui appartient aux années 1990. L’attitude des deux interprètes, leur alchimie, leur apparence offrent un copié-collé bluffant des images qui ont circulé sur les magazines people de l’époque.

Les madeleines de Proust 100 % nineties s’accumulent, pour notre plus grand plaisir : les looks, le très réussi behind the scene d’Alerte à Malibu (où l’on insiste sur l’objectification de Pamela Anderson, à qui les producteurs ne veulent pas donner l’occasion de prouver ses talents d’actrice), l’accès à Internet (le modem et ses petits sons familiers, les visuels qui mettent mille ans à s’afficher…), les dessous de l’industrie du porno et les cassettes VHS… On sent que les scénaristes ont grandi durant les années 1990, qu’ils chérissent à chaque plan. Et la réussite pop est totale de ce point de vue.

Le bémol qu’on pourrait apporter à Pam & Tommy, c’est justement un peu ça. La série porte un regard très attendri sur l’industrie du porno, plutôt dépeinte comme “bon enfant”. Pour ne pas objectifier Pam, les scénaristes ont aussi choisi de montrer davantage Tommy nu. Pourquoi pas, mais cela donne des scènes très drôles où il parle à son pénis (il faut qu’on parle de cette très belle prothèse, qui flatte un max le personnage !) et devient un ressort comique. Quand on connaît vraiment la réalité de leur relation faite d’emprise et de violences conjugales, il serait terrible que l’imaginaire collectif ne retienne de Tommy Lee que sa face cool et fun.

Pam & Tommy appartient à un type d’œuvre clairement réalisée par des artistes masculins en quête de cool, des héritiers des premiers Scorsese et des Tarantino, capable de rendre stylées les pires des ordures de l’humanité. D’un point de vue fictionnel, tout cela fonctionne très bien : ces mecs sont talentueux et ils ont invité quelques femmes à leur table (la réalisatrice Lake Bell, les scénaristes Brooke Baker et Sarah Gubbins). Mais même s’il est un peu tôt (on a vu trois épisodes sur huit) pour tirer des conclusions définitives, on ne peut s’empêcher de penser que si le projet avait été confié à des femmes et réalisé avec l’assentiment de Pamela Anderson, il aurait eu une gueule tout à faire différente et se serait peut-être davantage rapproché d’une forme de réalisme.