Ce vendredi 30 août, Amazon Prime Vidéo lance en grandes pompes sa toute dernière création, la série fantastique Carnival Row. À l’origine était un script, celui de Travis Beacham, intitulé A Killing on Carnival Row. Ce dernier avait dans l’idée d’en faire un film, avant qu’Amazon ne mette une option sur le projet en 2015. Le cinéaste Guillermo Del Toro était même impliqué en tant que producteur et devait réaliser des épisodes. Mais un emploi du temps incompatible avec le rythme de tournage d’une série a mis fin à cette collaboration prometteuse. La série voit finalement le jour en cette fin d’été, avec Travis Beacham et René Echevaria aux commandes, et Jon Amiel derrière la caméra.
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Conte néo-noir et féérique, Carnival Row se déroule dans un monde où les créatures fantastiques côtoient les humains, mais où ces derniers sont les oppresseurs des premières, cherchant refuge alors que leur pays est ravagé par la guerre. Fées, Faunes et Centaures sont voué·e·s à la servitude et à la misère, et sont les cibles constantes du racisme ambiant. Quand une série de crimes surnaturels terrorise la cité, Rycroft Philostrate (Orlando Bloom), un ancien soldat aux origines mystérieuses devenu inspecteur de police, mène l’enquête. Au même moment, une fée nommée Vignette (Cara Delevingne), un ancien amour que Philo (son surnom) croyait perdu depuis longtemps, ressurgit dans sa vie.
À l’occasion de la tournée promotionnelle de la série et de l’avant-première londonienne, ses deux interprètes principaux nous ont raconté les coulisses de Carnival Row, le message qui se cache derrière sa magie, et l’affection qu’ils portent pour leurs personnages respectifs.
© Amazon
Quelle a été votre première réaction en lisant le script, et qu’est-ce qui vous a immédiatement séduit dans vos rôles ?
Cara Delevingne⎥ Ce qui m’a frappé avec Vignette, c’est qu’il y avait plus de profondeur, d’émotions et de choses à voir entre les lignes que dans n’importe quel autre script que j’ai pu lire auparavant. J’appréhendais, mais j’étais aussi fascinée par ce personnage. Elle a allumé une étincelle au fond de moi. Et après, quand on m’a dépeint l’univers de la série, ma mâchoire s’est décrochée. Il est terrifiant, fou, mais aussi fascinant et tellement beau.
Orlando Bloom⎥ Ayant moi-même participé à une petite franchise du genre fantastique (Le Seigneur des Anneaux, ndlr), ce monde m’était un peu familier. Et pourtant, j’ai vraiment eu le sentiment de n’avoir jamais vu ça avant. J’étais intrigué par ce personnage, Philo, un orphelin devenu soldat qui est maintenant un inspecteur de police. Je me suis demandé comment c’était de grandir dans un orphelinat et comment ça peut façonner la psyché d’un homme. Et il a ce secret, que vous découvrirez plus tard, et qui pour moi est une sorte de super pouvoir. Ça le rend empathique, et il essaye de faire le bien autour de lui.
Il y a tellement de parallèles intéressants que l’on peut faire entre la série et notre monde : le discours sur les réfugiés et les migrants notamment. Travis (Beacham, le créateur, ndlr) a écrit ça il y a vingt ans, et c’était déjà pertinent à l’époque, parce que ce sont des problématiques qui ont cours depuis des siècles. Et comme ce n’est pas tiré d’un livre, que c’est une idée originale, j’avais le sentiment que la série pourrait aller n’importe où. À travers le prisme du genre fantastique, la série aborde des thématiques essentielles. Pour un acteur, c’est un vrai cadeau.
L’acte de divertir est important. Quand vous racontez des histoires, votre espoir c’est d’intéresser les gens. En tant qu’acteur, c’est formidable de collaborer à un projet qui résonne avec notre époque et qui met sur la table des sujets finalement très contemporains. Le thème principal de la série, c’est la peur de l’inconnu. C’est intéressant, dans la série, de voir les conséquences d’actions basées sur la peur. Mais avec un peu de chance, vous vous passionnerez aussi pour l’histoire d’amour et l’enquête, tout cela est fascinant, tout comme l’intimité des relations qui se tissent entre les personnages. La série appartient au genre fantastique, mais est très ancrée dans notre réalité.
Cara Delevingne⎥ J’espère que les gens ouvriront la porte, et qu’ils iront au-delà de l’étiquette “c’est du fantastique, c’est une love story…”, car en fait, c’est un rappel de ce qu’il se passe actuellement dans le monde. La série agit comme un révélateur, elle n’essaye pas de vous enfoncer le message dans la gorge de force, elle vous interroge : “est-ce que ce n’est pas révoltant ce qui se passe en bas de chez nous ?”.
L’un comme l’autre, c’est votre premier rôle récurrent dans une série. C’est très différent de ce que vous connaissiez avec le cinéma ?
Orlando Bloom⎥ C’était ma première expérience de ce type. On a vraiment eu le sentiment de tourner un film de huit heures. Dans un sens, c’est de l’effeuillage, vous ne dévoilez pas tout de votre personnage immédiatement, vous faites durer le plaisir. Pour Philo, c’était particulièrement intéressant de jouer avec son secret et de danser avec les ombres. Je crois que pour beaucoup de séries avec un univers aussi riche, c’est très compliqué de trouver ses marques en saison 1. On a dû retravailler beaucoup de choses sur les trois premiers épisodes, refilmer certaines scènes, pour gagner en fluidité. On n’a pas ce sentiment de fluidité dans les films et c’était vraiment fun à faire, très collaboratif.
Cara Delevingne⎥ J’adore le fait que ce soit découpé en épisodes, surtout vu la teneur sociétale du message, de l’histoire d’amour et de l’enquête criminelle. Ça fait beaucoup à digérer. Les gens ont peur d’aborder ce sujet, parce qu’ils préfèrent ignorer les luttes qui secouent le monde actuellement. Ici, chaque épisode s’achève et vous pouvez engager la conversation. Pour un film, vous le regardez pendant 2h30, vous en discutez pendant 10 min au dîner et c’est plié.
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Cara, vous jouez une fée… avec tout ce que ça implique : effets spéciaux, cascades, etc. Racontez-nous comment vous êtes entrée dans la peau (et les ailes) de Vignette.
Cara Delevingne⎥ J’ai essayé de faire toutes mes cascades moi-même, mais évidemment c’était impossible, j’avais une super cascadeuse qui me doublait. En revanche, la scène dans le premier épisode où je tombe du bateau, ça c’est 100% réel. En fait, à chaque fois que je tombe, c’est toujours moi (rires). Je portais donc des prothèses pour les scènes où je marche. Il y a eu beaucoup de discussions pour trouver la bonne texture et le bon aspect — insecte ou oiseau ? — pour les ailes. Elles devaient avoir la sensation que fait de la peau quand elles claquent entre elles. Et quand les ailes des fées sont repliées dans leurs corsets, c’est vraiment comme ça que les femmes ont été traitées pendant si longtemps. On ne peut pas respirer ni bouger son corps comme on aimerait… Ces scènes à elles-seules en disent long sur la condition des femmes durant des siècles.
Comme ça n’est pas adapté d’un livre, qu’il n’y a pas d’autre socle que le script, j’ai dû trouver Vignette par moi-même, avec l’aide des showrunners bien sûr. Et tous ses personnages ont des histoires étoffées, qui se révèlent petit à petit au fil des épisodes. Certains ne se croisent même pas, j’ai vraiment hâte de découvrir la série sur Amazon parce que je n’en connais pas la moitié ! Mais pour moi, l’important c’était de trouver ces petites choses qui me lient à Vignette, une femme qui a eu une vie rude et le cœur brisé, et qui a la peau dure malgré tout. Pourtant, elle a un très bon fond, ce qui lui joue des tours parfois. J’adore ça chez elle. Et aussi j’ai dû jouer avec un accent irlandais, c’était plutôt fun.
Je me souviens, étant petite, que ma grand-mère m’asseyait sur ses genoux, et me disait, en regardant les buissons de son jardin, que les fées allaient venir. J’y ai passé des heures à attendre de les voir. Je crois que ce rôle m’a aussi un peu ramenée à cette époque de ma vie. J’ai toujours été fascinée par les fées, la culture gaélique et la façon qu’ont les irlandais de parler est si belle. Ça semble tellement naturel pour moi qu’une fée ait un accent irlandais ! Je trouve que ça apporte un certain romantisme, mais aussi une force de caractère à Vignette.
La saison 1 de Carnival Row débarque le 30 août sur Amazon Prime Vidéo.
Propos recueillis dans le cadre d’une table ronde et d’une séance de questions/réponses.