Tom “Malefoy” Felton et Natalia Tena de Game of Thrones portent ce survival spatial peu original, mais au rythme effréné et à l’esthétique impressionnante.
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Lancé en trombe cette année en France, le service de streaming de YouTube se défend plutôt bien au sein d’une concurrence agressive dans le game des séries. Avec Cobra Kai, Impulse et la française Les Emmerdeurs, la plateforme démontre une variété des genres appréciable dans le paysage saturé du petit écran. Loin de se reposer sur ses lauriers, elle se lance en ce mois de novembre à la conquête de l’espace avec Origin, une série de science-fiction portée par Tom Felton (inoubliable Drago Malefoy dans la saga Harry Potter) et Natalia Tena (regrettée Osha de Game of Thrones).
L’histoire se déroule dans un futur lointain où la surpopulation de la Terre menace l’humanité. Par chance, des scientifiques ont découvert une planète semblable à notre astre, mais située à plusieurs années-lumière de celui-ci. Petit à petit, le gouvernement envoie des colons jusqu’à Thea, nom donné à cette nouvelle terre promise. La série chronique le parcours chaotique d’un groupe réduit de voyageurs, les passagers du vaisseau Origin, qui sont réveillés au milieu de leur traversée pour une raison mystérieuse et inquiétante.
En parcourant le bâtiment spatial, ses habitants découvrent avec effroi qu’il a été abandonné par l’équipage à toute vitesse. Pire, le vaisseau semble refermer un piège sur eux depuis que l’Origin est entré en collision avec un corps étranger. Ce dernier a libéré une menace de nature inconnue dans le vaisseau, qui s’infiltre dans les corps humains avant d’en prendre possession. Les passagers qui ne se connaissent ni d’Ève, ni d’Adam, devront tenter de cohabiter et survivre ensemble pour espérer atteindre Thea un jour ou l’autre.
Origin, les disparus
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Origin est une série dite tech noir, soit qui convoque deux aspects cinématographiques : la science-fiction et le film noir. Si la SF reste l’un des genres les plus compliqués à réinventer, le show de YouTube se contente de s’inspirer du vieux pour faire du neuf. C’est bien simple, Origin est un immense patchwork des grandes œuvres de science-fiction : Alien pour la créature qui traque les passagers, Blade Runner pour l’esthétique futuriste et l’ambiance du film noir, Perdus dans l’espace pour le scénario de départ et Cube pour le côté survivaliste. Si on repassera niveau originalité, le show a un sens certain du rythme, de l’immersion dans un univers horrifique et un goût prononcé pour la narration lostienne de Damon Lindelof et J.J. Abrams.
En effet, Origin emprunte allègrement à la série culte diffusée au milieu des années 2000 : l’intervention des flash-back, dédiés à un personnage par épisode, un crash (ici, une collision) à l’origine du réveil des protagonistes, des personnages qui respectent des archétypes (le leader, le médecin, l’apeuré, le bad boy sombre…) et évidemment une boîte à mystères qui s’ouvre au fur et à mesure de la saison, créant l’impatience chez le spectateur (cliffhanger, twist voire jump the shark sont au rendez-vous).
Si la recette sent le réchauffé, il faut reconnaître à la showrunneuse Mika Watkins (Troie : La Chute d’une cité) un certain talent pour mener à bien sa barque cosmique. Les deux premiers épisodes d’Origin s’enchaînent à un rythme effréné, grâce à des partitions convaincantes de la part des acteurs (pas évident pour une série chorale, qui affiche une remarquable mixité culturelle) et une immersion parfaite dans ce huis clos spatial. Les références sont assumées et fonctionnent surtout à plein régime : le vaisseau est magnifique, glauque au possible et agit comme un organisme doté d’une conscience propre, à la croisée de Cube et La Maison du diable.
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Si l’aspect survival est réussi et très haletant, Origin est l’antithèse de The Haunting of Hill House. Là où Mike Flanagan mélangeait œuvre d’épouvante avec drame intimiste, composant un poème macabre plus émouvant que triste, le réalisateur Paul W.S. Anderson (l’homme à l’origine de la franchise nanardesque Resident Evil au cinema) mise tout sur “l’effet pop-corn”. Comprenez par là que le metteur en scène pioche dans la méthode à succès des productions Blumhouse dans son traitement de l’horreur, avec un usage abusif des jump scares (il y en a un toutes les dix minutes dans Origin), un montage clipesque et une musique surabondante. Laissez-nous respirer ou au contraire stresser avec des silences, bon sang !
Cela dit, la mise en scène peu subtile de Paul W.S. Anderson est rattrapée par une production design tout simplement bluffante. YouTube n’a pas lésiné sur le budget pour offrir une véritable et puissante identité visuelle à son œuvre. La Tokyo bouillante et futuriste aperçue dans le pilote, très proche du design d’Altered Carbon de Netflix, est splendide. Les corps qui se démembrent par l’infection causent un certain malaise chez le spectateur, tandis que le vaisseau est un labyrinthe lovecraftien dont on ne se lasse pas de parcourir les moindres recoins avec les passagers. La plateforme a eu le budget à la hauteur de ses ambitions, et c’est à souligner quand on voit que la moitié des productions du genre sont généralement fauchées.
Grâce à ses effets de mise en scène réussis, son héritage lostien assumé et son univers cohérent et référencé, Origin est une série hautement binge-watchable tant on ne s’ennuie jamais. Si elle n’apporte pas grand-chose d’original dans le paysage de la science-fiction, et encore moins du genre horrifique qui est clairement (The Purge, The Haunting of Hill House, Les Nouvelles Aventures de Sabrina, Tell Me a Story, Into the Dark…) à l’honneur en cette rentrée sérielle 2018-2019, elle a le mérite de proposer une expérience immersive, bien produite et surtout haletante qui convoquent le cinéma SF des années 1980 et 1990. Retour aux origin(es), comme dirait l’autre.
En France, la première saison d’Origin est disponible en intégralité sur YouTube Premium.