Pourquoi la fin déchirante d’Orange Is the New Black en fait une série engagée

Pourquoi la fin déchirante d’Orange Is the New Black en fait une série engagée

Une vie volée

La révolte couve, et finit par exploser dans le dernier épisode, qui fait suite à la mort accidentelle et déchirante du personnage – très aimé des fans – de Poussey (Samira Wiley). Son parcours est intéressant : d’un naturel blagueur, cette fille d’un officier de l’armée a dû se battre pour faire accepter son homosexualité à sa famille. On savait qu’elle s’était attiré les foudres d’un militaire allemand en entretenant une relation amoureuse avec sa fille. Elle avait fini par le menacer d’une arme avant que son propre père ne l’arrête.

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La jeune femme avait écopé de quatre ans de prison après avoir été arrêtée à Brooklyn pour possession de drogue et intention d’en vendre, avec à peine 15 grammes sur elle (on suppose qu’il s’agit de cannabis). Un “délit mineur” selon les mots du communicant de la firme MCC (Management & Correction Corporation), qui gère la prison, dans le dernier épisode de la saison 4.

En prison, Poussey a connu des moments difficiles : l’amour à sens unique (envers sa BFF Taystee), l’alcoolisme, la dépression. Elle est même devenue un temps le mouton noir de son groupe, pendant la saison 2 où elle fut la première à voir clair dans les manipulations de Vee.

Petit à petit, elle reprendra le dessus, en particulier en venant en aide à Soso en fin de saison 3. Jenji Kohan nous a fait aimer encore davantage la petite Poussey durant la quatrième saison. On l’a observée avec bienveillance construire sa relation avec Soso. Le couple le plus cute d’Orange Is the New Black se posait les bonnes questions sur sa sexualité, sa volonté d’avancer ensemble, son futur hors de prison. La jeune femme s’était même découvert une vocation dans le milieu culinaire après avoir assisté son idole, la célèbre chef Judy King.

“Oh fuck, it hurts! Get your foot off me, man! Help me…”

Puis l’injustice arrive. Soso et Poussey s’impliquent dans ce qui devait être une protestation silencieuse contre les méthodes scandaleuses du chef des gardiens, Piscatella. Les détenues montent sur leurs tables. Les surveillants sont sommés de faire descendre tout le monde. Suzanne se fait malmener par un des hommes, et l’altruiste Poussey tente de lui venir en aide.

Dans le brouhaha général, le jeune et inexpérimenté Bayley la plaque alors à terre, et place son genou sur son dos. Distrait par une autre action, il l’oublie… et finit par la tuer. Ces derniers mots seront : “Oh fuck, it hurts! Get your foot off me, man! Help me…” (“Oh putain, ça fait mal ! Retire ton pied de mon dos, mec ! Aidez-moi…”). 

En sacrifiant Poussey, Jenji Kohan n’a pas seulement pour but de faire pleurer dans les chaumières. Cette scène, très difficile à regarder, renvoie directement aux bavures policières, tragiques et trop nombreuses, subies par la population afro-américaine.

Poussey, c’est Eric Garner (et son terrible “I can’t breathe” répété onze fois avant de mourir, après avoir été arrêté par des policiers qui le soupçonnaient de vendre des cigarettes), Michael Brown (dont le corps avait été laissé pendant plusieurs heures sous le soleil, à la vue de tous), Sandra Bland et toutes ces victimes de brutalités policières qui ont perdu la vie, et ont fait naître le mouvement “Black Lives Matter“.

The Animals

Si les manifestations se sont succédé dans les rues américaines depuis la sinistre année 2014, qui a ravivé les tensions raciales dans le pays, comment les détenues d’Orange Is the New Black allaient-elles réagir dans la série après la mort de Poussey et sa gestion désastreuse par MCC ? Par la colère, par la violence.

Après avoir écouté en cachette la déclaration de Caputo, et supporté que le corps de Poussey demeure dans la cafétéria pendant près d’un jour, la si fun Taystee ne peut plus contenir sa rage et son sentiment d’injustice.

“Ils disent que c’est lui la victime ! Ils n’ont même pas dit son nom ! Il n’y a pas de justice !” hurle-t-elle, entraînant à ses côtés les autres détenues à bout de nerfs. C’est l’émeute. Un gardien armé se fait voler son arme. Diaz le met en joue, encerclée par ses compagnes d’infortune qui l’encouragent à le tuer.

La démonstration de Jenji Kohan est magistrale. Elle nous a fait aimer Poussey comme si elle était de notre famille. Dans le dernier épisode, les flash-back sur sa nuit parfaite à New York nous rappellent à quel point cette fille avenante, curieuse, ouverte, était une bénédiction.

La scénariste nous a fait ressentir – toutes proportions gardées puisqu’on parle ici de fiction – une once de la douleur et de la colère que peuvent endurer les proches de victimes de brutalités policières. Et elle nous montre que selon les circonstances (comme dans une prison en surpopulation) les personnes les plus douces et innocentes, telles que Diaz ou Bayley, peuvent commettre l’irrémédiable sous la pression.

L’épisode où Poussey perd la vie se nomme “The Animals”. Ce n’est pas un hasard. Ce mot renvoie aux paroles du générique de la série (“You’ve Got Time” de Regina Spektor) qui débute ainsi : “The animals, the animals, trapped, trapped, trapped ’till the cage is full” (“Les animaux, les animaux, piégés, piégés, jusqu’à ce que la cage soit pleine“). Il décrit à la fois le comportement des gardiens et mais surtout la façon dont le système pénitentiaire réduit ses prisonnières à l’état d’animaux.

Orange Is the New Black ne sera plus la même série après cette tragédie, où le coupable n’est autre que l’État, qui laisse la gestion des prisons au bon vouloir de sociétés privées aveuglées par leur volonté de faire du profit.