Kaleidoscope, c’est la toute nouvelle série de Netflix, créée par Eric Garcia, dont tout le monde parle en ce moment. Voici pourquoi : ses épisodes peuvent être regardés dans n’importe quel ordre. Eh oui, après avoir perdu plus de 200 000 abonné·e·s au premier trimestre de 2022, le géant du streaming combat la concurrence en proposant des contenus incongrus qui provoquent le buzzzzzzzzz. Tout comme ce show.
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L’histoire en bref : des voleurs très, très calés dans leur domaine décident de faire le plus grand braquage de leur vie. Sept milliards de dollars sont en jeu. À ça se mélangent des histoires d’amour et de vengeance. Chaque épisode se situe un certain temps (variable) avant ou après le braquage. Il y en a huit – chacun avec un nom de couleur différent – et la série peut être regardée de 5 040 façons différentes. La chronologie étant : violet (24 ans plus tôt), vert (7 ans plus tôt), jaune (6 semaines plus tôt), orange (3 semaines plus tôt), bleu (5 jours plus tôt), blanc (le braquage), rouge (le lendemain matin), rose (six mois plus tard).
Du coup, quel chemin doit-on adopter ? Un twittos très malin nous a épargné ce travail en nous proposant un “parchemin” avec différents ordres à suivre en fonction de nos goûts. Selon lui, on peut visionner la série de façon chronologique, à la Tarantino, à la Orange Is the New Black ou comme une histoire de détective classique. On en a même fait un article. Allez checker.
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Deux journalistes de Konbini, Damien Garcia et Anna Carolina (aka “AC”), ont testé ce concept en choisissant un ordre différent selon leurs couleurs préférées, puis ils ont comparé. AC a opté pour la séquence rose – violet – vert – bleu – orange – blanc – rouge – jaune, et Damien a choisi vert – orange – rose – bleu – rouge – violet – blanc – jaune.
Quel est le meilleur chemin ? La série peut-elle vraiment être visionnée dans n’importe quel ordre ? On vous dit tout.
DISCLAIMER: Si vous ne souhaitez pas être spoilé ne continuez pas cet article.
Le point de vue de Damien
Je n’ai jamais été très séries, alors quand ma collègue m’a forcé à en binge watcher une pour un article commun, je n’étais que peu emballé… Mais c’était aussi l’occasion de sortir de ma zone de confort. Après tout, Kaleidoscope, ce n’est que 8 épisodes, et on me promet une expérience “unique”.
Mon aventure a débuté avec l’épisode “Vert”. C’est le seul épisode, avec le “Violet”, qui se déroule plusieurs années avant notre fil conducteur, le casse. Un bon moyen de cerner Ray, le cerveau du braquage, campé par Giancarlo Esposito. Dans cet épisode, il démontre déjà ses capacités en mettant au point un plan pour s’évader de prison.
C’est en lançant l’épisode “Orange”, le deuxième sur ma liste, que l’expérience a vraiment commencé. Logiquement, je me suis demandé si j’allais réussir à m’y retrouver. Et effectivement, j’ai eu quelques difficultés. Projeté trois semaines avant le braquage, il m’était compliqué de situer chacun des personnages et de comprendre leurs rôles respectifs.
Ce n’est qu’à partir du troisième épisode que la série est devenue plus digeste. Je commençais à me faire à l’histoire et ses protagonistes. Le mystère autour du braquage s’éclaircissait peu à peu puisque l’épisode “Rose” (troisième sur ma liste) se déroule 6 mois après celui-ci. On comprend que l’opération a mal tourné, et l’équipe qu’avait formée Ray n’est plus qu’un lointain souvenir. Animés par leur rancœur, les différents membres veulent mettre la main sur ce qu’il reste du maigre butin.
Les personnages devant le coffre-fort – © Kaleidoscope
Tout allait bien, j’avais traversé les turbulences et je commençais à apprécier mon visionnage, jusqu’à ce que, dans ce même épisode “Rose”, trois des six personnages principaux meurent. J’avais à peine eu le temps de m’attacher à eux que déjà, ils n’étaient plus. Je savais qu’en regardant d’autres épisodes, j’aurais accès à une temporalité différente, dans laquelle ils seraient à nouveau présents, mais j’étais triste de déjà connaître leur funeste sort. Il faut mêler à cela l’impression d’avoir raté quelque chose. Tomber sur cet épisode aussi tôt m’avait frustré. J’étais définitivement passé à côté d’une chronologie qui aurait pu me procurer plus de plaisir.
Professionnel, j’ai tout de même lancé les épisodes suivants sur ma liste, “Bleu” puis “Rouge”, et c’est ce dernier qui m’a mis une claque. Situé juste après le casse, il a répondu à un tas de mes interrogations, et d’un coup, tout faisait sens. C’est sûrement l’épisode que j’ai le plus apprécié.
Il ne restait plus que quelques mystères, que j’ai fini d’élucider en regardant les épisodes “Violet” puis “Blanc”, avant de mettre un terme à la série avec l’épisode le moins bien placé de ma chronologie de lecture, “Jaune”. Après les émotions que je venais de vivre, finir par un épisode aussi plat était sacrément frustrant, et c’est le problème de cet ordre de lecture libre. Certains épisodes de “transition” ne devraient pas pouvoir se trouver à cette place. Et si globalement la série peut se regarder dans n’importe quel sens, il est risqué de finir ou de commencer par n’importe lequel d’entre eux.
Le point de vue de “AC”
Attendez, avant de commencer, je dois réagir à la première phrase de Damien : non, Damien, je ne t’ai pas forcé, OK ? Bref, revenons à nos moutons.
Pour ma part, l’aventure a commencé par l’épisode “Rose”. Alors, si Damien s’est senti frustré par celui-ci car il est tombé dessus trop tôt, imaginez ce que j’ai pu ressentir en commençant la série par lui. Et en effet, en regardant le parchemin de notre cher twittos, je vois qu’aucune des options ne suggère le rose en premier, et je comprends bien pourquoi, bien que je trouve aussi intéressant d’avoir la fin cathartique au tout début car ça donne une envie de savoir comment on a bien pu en arriver là.
En revanche, je remercie la vie d’être tombée sur “Violet” juste après car “Rose” finit sur Ray qui entre dans un tunnel dans lequel il va sûrement se faire tuer, et BAM, dans “Violet”, il sort de ce même tunnel habillé comme son tueur, donc on découvre qu’il n’est pas mort ! On voit ainsi que la différence d’ordre change complètement la donne : pour Damien, Ray est mort alors que pour moi, non. De plus, je trouve intéressant d’avoir le premier épisode de la chronologie (“Violet”) après le dernier (“Rose”) car on commence à vite recoller les bouts de l’histoire et à mieux saisir la psychologie des personnages.
On passe à l’épisode “Vert”. J’ai eu de la chance, je suis tombée dans l’épisode suivant dans la chronologie, sept ans avant le braquage. Mon visionnage coule de source, tout fait sens. On comprend mieux pourquoi Ray veut se venger de son ex-acolyte, ainsi que sa relation avec sa fille. D’ailleurs, conseil : à la fin de cet épisode, Ray envoie une lettre à sa fille en lui expliquant pourquoi il ne faut pas faire confiance à Roger, et c’est un détail important pour la suite de l’histoire. Merci de me l’avoir dit, Damien !
Préparation du braquage – © Kaleidoscope
On arrive à l’épisode “Bleu”, cinq jours avant le casse. Le lien entre les voleurs est solide et le plan est au top. Néanmoins, j’ai l’impression d’avoir loupé un épisode. C’est vrai qu’entre sept ans avant le braquage et cinq jours, il y a un monde. Je dois avouer qu’à ce moment-là, je n’ai pas compris comment Roger est passé de petit voleur qui braquait des mini-boutiques à un des hommes les plus influents de la côte Est.
Prochain épisode : “Orange”, trois semaines avant le braquage. On connaît mieux l’histoire d’Abbasi, l’agente du FBI qui s’occupe de cette affaire – et qui est assez casse-bonbons – ainsi que sa vie personnelle. En revanche, c’est vrai que là, l’ordre est aussi confus qu’un sac de nœuds. On arrive à l’épisode “Blanc”. Finalement, le jour du braquage est arrivé ! La tension monte et c’est cool. Et BAM, redescente. Rien ne se passe comme prévu et je trouve ça bien car ça nous maintient accrochés à l’histoire.
Bingo, “Rouge” ! Je retombe sur un épisode qui suit la chronologie. Tout fait sens à nouveau. Cette fois, la fille de Ray prend de la place et change la destinée de ces 7 milliards de dollars.
Et pour finir, je termine par “Jaune”. Tout comme mon collègue Damien, je trouve cette fin décevante ! On se retrouve six semaines avant le braquage, tous les personnages sont – comme par hasard – en vie à nouveau. Et en vrai, ça me laisse clairement sur ma faim, et je me demande si la série peut vraiment être vue dans n’importe quel sens… ce qui nous amène à notre conclusion.
Le mot de la fin
Impossible de faire une conclusion objective quand le principe même de cette série repose sur la subjectivité. De notre expérience commune, ce n’est pas servir le spectateur que de lui dire de regarder la série dans le sens qu’il veut. Malheureusement, certains épisodes sont trop précieux pour qu’on s’en débarrasse rapidement, et à l’inverse, d’autres n’ont pas les épaules pour conclure la série. Il faut donc un minimum être aiguillé.
On vous mentirait en disant que ça n’a pas été fait. Bien que l’ordre soit proposé aléatoirement d’un compte Netflix à un autre, les deux derniers épisodes sont toujours les mêmes, “Rose” puis “Blanc”, et c’est un bon choix, puisque ces deux épisodes sont cruciaux. Cependant, la bande-annonce/l’introduction intitulée “Noir” ne stipule à aucun moment qu’il est préférable de commencer ou de finir par tel ou tel épisode. Kaleidoscope serait ainsi, et je cite : “une expérience unique, où chaque épisode est une pièce de puzzle. Choisissez l’ordre des épisodes et de la narration.” C’est donc ce que nous avons fait, et malheureusement, on termine sur une mauvaise note. Peut-être qu’il fallait lire les descriptions de chaque épisode pour vraiment maîtriser la narration. Mais entre nous, qui regarde les descriptions des épisodes sur Netflix ? C’est un nid à spoilers.
Évidemment que certains se sont régalés en découvrant aléatoirement les épisodes les uns après les autres. Mais nous pensons que c’est une erreur de se lancer à l’aveugle dans la série. On peut rapidement se perdre dans la temporalité. À force d’en changer, on ne se souvient plus exactement quand un événement a eu lieu. Et le risque qu’un épisode ne soit pas utilisé à son plein potentiel est trop élevé. C’est une expérience amusante et presque ludique, mais qui peut vite s’avérer frustrante.
Ainsi, faut-il vraiment féliciter l’innovation ? Nous ne sommes pas de grands sériephiles, mais l’écriture de Kaleidoscope ne semble pas si complexe que cela. Pour prétendre que la lecture de sa série est libre, il faut que tout soit millimétré. Or, ce n’est pas le cas. On traverse régulièrement des périodes d’incompréhension. Il faut être sacrément concentré pour relier toutes les informations au fil de la lecture. Peut-être faut-il regarder la série sur une soirée et non pas plusieurs jours comme nous l’avons fait.
De plus, pour que le visionnage marche dans n’importe quel ordre, les épisodes s’appuient sur un même procédé qu’on s’est amusé à qualifier de “triche”. Au début de chacun d’entre eux, on nous signifie la temporalité : “X heures/jours avant ou après le casse”, et chaque épisode se termine sur une minute de musique plus ou moins mélancolique durant laquelle on bascule d’un plan à l’autre. Le genre de scènes que l’on retrouve à la fin d’une série.
L’une était partie enthousiaste, l’autre méfiant, et… on est tous les deux ressortis avec une impression mitigée de cette “expérience télévisuelle unique”.
La mini-série Kaleidoscope est disponible sur Netflix.