Après le ventre mou de la deuxième saison, Les Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire s’offre une conclusion qui tranche, sans la trahir, avec l’œuvre originale.
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© Netflix / Eike Schroter
Ce mardi 1er janvier, Netflix fêtait la nouvelle année en lançant la troisième et dernière saison des Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire. L’ambition était conséquente : clore cette épopée douce-amère et fantasque, imaginée en 1999 par Daniel Handler (sous le nom de plume Lemony Snicket) en rassemblant les quatre derniers livres sur sept épisodes.
C’est dans ce genre d’exercice de contorsionniste que l’on réalise l’élasticité du récit sériel quand il est adapté de romans. La preuve, s’il en fallait, que la série trouvera toujours une trame narrative idéale dans les romans feuilletonnants, tout comme les comics, certaines saga vidéoludiques, ou encore les podcasts de fiction. Une relation qui n’est pas si évidente que ça, voire contre-intuitive, pour le cinéma. D’ailleurs, le film sorti en 2004 ne couvrait que le premier livre.
L’œuvre de Daniel Handler a donc eu toute la place nécessaire pour s’épanouir dans sa version sérielle, très fidèle à l’original. Et c’est une donnée à prendre en compte, qu’on ait lu les livres ou pas. Dans le premier cas, on considérera les petits accrocs faits aux romans, et le respect avec lequel ils sont aussi retranscrits à l’écran. Les lecteurs et lectrices de la première heure ne devraient en revanche pas rester indifférent·e·s quant à la fin choisie par la série. Celle-ci lève en effet le voile sur certains des mystères laissés en suspens dans l’ultime tome de la saga sobrement intitulé “The End”.
Un choix plutôt osé et qui vient mettre un terme à des années de spéculations sur Reddit et autres forums du genre sur le principal secret des Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire : le contenu du sucrier. Un MacGuffin qui nous a, certes, tenu·e·s en haleine durant une bonne partie de la série mais trouve surtout sa raison d’être en ce qu’il motive l’épopée des enfants et la prise en main de leur destin en saison 3.
On imagine alors le dilemme de Mark Hudis et Barry Sonnenfeld, les showrunners, forcés de boucler leur intrigue, et par la même occasion, celle des romans… qui n’en demandaient pas tant. Mais pour ce dernier en particulier, les enjeux étaient majeurs. En 2004, Barry Sonnenfeld était en effet censé être le réalisateur du film, mais celui-ci a été évincé du projet, un rôle finalement attribué à Brad Silberling. Dépossédé de son “bébé”, Sonnenfeld pourra finalement prendre sa revanche grâce à la série et se l’approprier sans entrave ou presque. Visuellement, ça ne fait d’ailleurs aucun doute : on retrouve la patte du réalisateur de La Famille Adams et de Pushing Daisies dans chacun des plans.
© Netflix / Eike Schroter
Tout le propos des Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire, c’est de faire confiance à l’intelligence des enfants dans un monde où les adultes, tous plus bêtes les uns que les autres, les prennent de haut. Ceux et celles qui n’ont pas lu la saga littéraire seront sans doute un peu frustré·e·s par la résolution pleine de trous de la série. Les autres, en revanche, risquent de se sentir dépossédé·e·s de leur fin et des mystères qui la rendaient si excitante.
Il faut tout de même garder à l’esprit que, si les romans pouvaient se permettre de laisser planer le doute sur l’histoire du sucrier, la série, et sa cohérence narrative, n’y auraient probablement pas survécu. Cette dernière marche sur un fil, entre trop en faire ou pas assez, et retombe, objectivement, sur ses deux pieds dans cet exercice d’équilibre périlleux. Il est en effet difficile de reprocher quoi que ce soit à cette saison 3 des Orphelins Baudelaire qui, hormis ses deux premiers épisodes faisant du surplace, offre une dernière épopée riche en rebondissements, en personnages fantaisistes, en émotions, en tension dramatique… jusqu’à son final, rondement mené.
L’un des meilleurs moments de ces Désastreuses Aventures reste l’intrigue se déroulant à l’hôtel Dénouement (le bien nommé) couverte dans les épisodes 5 et 6, intitulés “L’avant-dernier danger”, parties 1 et 2. On y retrouve tous les personnages qui ont marqué le parcours brutalement initiatique des orphelins et, avec ses trois narrations entrelacées, emmène l’écriture de la série un cran au-dessus.
Le tout se termine par un simulacre de procès aussi cruel que délectable, dans lequel Neil Patrick Harris est une fois de plus le “master in disguise”, cabotin comme jamais. Impeccable, aussi terrifiant que grotesque, l’acteur en fait des caisses… parce qu’Olaf, l’actooorrrrr, en fait des caisses. Mais la véritable révélation de cette saison, et dont la présence crevait déjà l’écran lors de la précédente, c’est Lucy Punch, magistrale d’excentricité et de drôlerie dans le rôle de l’impitoyable socialite Esmé Gigi Geniveve Squalor (ou Esmé Salomon d’Eschemizerre en VF).
© Netflix / Eike Schroter
L’autre entorse aux livres, que l’on peut également excuser assez aisément, c’est de s’achever sur un happy end… enfin à peu près. Un dénouement qui fait même mentir Lemony Snicket, lui qui n’a cessé de nous avertir que tout ça finirait très mal. Grâce à la jeune Beatrice Baudelaire, on comprend qu’il manque une bonne partie de l’histoire dans le récit de notre pessimiste narrateur. Les orphelins ont non seulement réussi à s’échapper de l’île mais ont poursuivi leurs (pas si désastreuses) aventures, tout en élevant la petite Beatrice comme leur propre sœur.
La série conserve, heureusement, sa part de mystère, et cette conclusion, bien qu’elle tranche sensiblement avec le ton de l’œuvre de Daniel Handler, reste au moins fidèle aux principes chers à l’auteur : les enfants sont des êtres doués d’intelligence, trop souvent sous-estimés, qui ont soif de connaissances et d’énigmes à résoudre, et qui peuvent se sentir terriblement abandonnés par les adultes. Et à ceux et celles qui veulent vraiment percer les secrets des Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire : les réponses se trouvent entre les lignes, habilement glissées dans certaines scènes, ou au détour d’un dialogue farfelu…
Les trois saisons des Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire sont disponibles sur Netflix.