C’est la première fois qu’elle est en tête d’affiche d’une série télé. Leïla Bekhti, la muse de Géraldine Nakache au cinéma, s’essaie au polar nordique avec Jour Polaire. Rencontre.
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Biiinge | Quel a été ton sentiment à la lecture du scénario de Jour Polaire ?
Leïla Bekhti | J’aime particulièrement les séries scandinaves. J’ai retrouvé cet aspect thriller qui me plaît, et l’enquête n’est pas un prétexte pour parler des personnages, comme c’est très souvent le cas. J’ai vraiment aimé l’ambition de l’écriture. Je trouvais que parler de cette minorité, les Samis, c’était intelligent. Peu de monde connaît l’existence de ce peuple. Moi-même, je ne les connaissais pas. Parler de nos différences en évoquant une population connue de peu de gens, j’ai trouvé ça vraiment bien vu.
Et puis j’ai aimé la façon dont les personnages sont écrits. Personne ne joue les faire-valoir d’un autre. Le personnage de Kahina possède énormément de failles. L’enquête va se mêler à sa vie, et tout cela est amené de façon très fine par l’écriture.
Le personnage de Kahina m’a évoqué des anti-héroïnes américaines comme Carrie dans Homeland.
C’est vraiment ce que j’ai aimé dans ce personnage. Je dirais presque que j’aime qu’on la juge, ou en tout cas qu’on ne comprenne pas ses choix. Il me semble qu’on a tendance à donner trop de circonstances atténuantes aux personnages. J’aime l’idée que tel ou tel choix n’est pas forcément compréhensible. Les failles m’ont séduite : c’est une femme complètement détruite. Ça fait 15 ans qu’elle fuit son passé, des responsabilités, et qu’elle se fuit elle-même. J’adore ce côté anti-héroïne. Kahina est tout sauf une Wonder Woman.
“Kahina refuse le lâcher-prise”
Une des caractéristiques de Kahina, c’est qu’elle s’automutile. Comment as-tu abordé cet aspect très délicat ?
Je n’ai pas vu de personnes qui s’automutilaient. Avec le réalisateur, on a voulu accentuer un trait de sa personnalité : elle n’est pas la même quand elle est avec les autres et lorsqu’elle est seule. C’était important. Le personnage de Gustaf [Hammarsten, ndlr] n’a aucune idée de qui est vraiment Kahina. Et à un moment, tu ne peux plus faire semblant, tu ne peux plus mentir aux autres et à toi-même.
Sur l’automutilation, ce que j’aimais, c’est que comme elle le dit à un moment : elle ne se fait pas du mal pour se punir, mais elle se fait du mal pour contrôler ses émotions. Elle refuse à tout prix le lâcher-prise. C’est ça qui est horrible.
Quel a été le plus gros challenge pour toi sur cette série ?
Je dirais que c’est tourner en anglais, mais aussi rester dans la ville de Kiruna en Laponie. Ne pas voir la nuit pendant trois mois et demi, c’est vraiment une perte de repères. On n’est pas à Stockholm ! J’y allais de toute façon pour travailler, mais cette ville était vraiment spéciale. C’est une ville minière, les rues y sont désertes. Il n’y a personne qui se balade, jamais ! J’appelais de moins en moins mes proches. J’étais dans une ligne droite. Je me suis vite rendue compte que ce lieu nourrissait mon personnage. Je dormais quatre heures par nuit. Ça a été intense.
Après un film, j’arrive en général à revenir à ma vie personnelle très vite. En revanche, pendant tous ces mois, j’étais complètement absorbée par le personnage de Kahina. Quand je suis revenue à Paris, c’était fini, mais justement parce que j’étais à fond pendant le tournage.
Serais-tu prête à revenir pour une saison 2 de Jour Polaire si l’opportunité se présente ?
C’était une expérience extraordinaire. Ce qui est génial, c’est qu’avec Canal+, les réalisateurs et toute l’équipe, on s’est très bien entendus. On avait tous envie d’aller dans la même direction, et je pense que s’il y a encore des choses intéressantes à explorer, on sera partants. Mais s’il n’y a pas matière, on ne fera pas la saison de trop. Ils sont en train de réfléchir.
Après Jour Polaire, quels sont tes projets ?
Je viens de terminer le premier film de Jérémie et Yannick Renier [Les Carnivores, ndlr]. Je tourne dans le prochain film de Gilles Lellouche. C’est une comédie et je suis contente de retrouver ce genre. Je ferai ensuite le prochain film de Géraldine Nakache.
La première saison de Jour Polaire débute ce lundi 28 novembre sur Canal +.