Détournez le regard. Faites demi-tour. Ne commencez surtout pas Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire ! Sauf si vous aimez les bonnes séries qui vous transportent ailleurs… dans ce cas, restez !
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Du jour au lendemain, Violette, Klaus et Prunille Baudelaire ont tout perdu lorsqu’un incendie, dont on ignore encore l’origine, a détruit leur maison et carbonisé leurs parents. Livrés à eux-mêmes, ils n’ont même pas la possibilité de profiter de la fortune que leurs géniteurs leur ont léguée. C’est en effet seulement lorsque l’aînée, Violette (aujourd’hui âgée de 14 ans) atteindra la majorité, que les orphelins pourront voir la couleur de cet argent. En attendant, le représentant légal de la famille, un certain M. Poe, confie les bambins aux bons soins du Comte Olaf, un lointain cousin dont ils viennent de découvrir l’existence.
Mais les Baudelaire, d’une intelligence et d’une inventivité hors norme, ne sont pas dupes. Pour eux, cela ne fait aucun doute : le Comte Olaf, un acteur de théâtre raté, tyrannique et imbu de sa personne, veut juste mettre la main sur leur magot. Il va alors rivaliser d’imagination et de ruses pour maintenir les enfants sous sa coupe, dans l’espoir qu’un jour leur fortune lui revienne. Nos jeunes héros, eux, n’auront alors de cesse de tenter de le démasquer.
Une adaptation inspirée
La saga littéraire de Daniel Handler, une série de treize livres publiée de 1999 à 2006, avait déjà connu une adaptation cinématographique, réalisée par Brad Silberling en 2004, et qui couvrait les trois premiers romans. C’est la performance de Jim Carrey qui a surtout marqué les esprits à l’époque, et les photos de Neil Patrick Harris dans la peau du comte Olaf pour l’adaptation Netflix faisait craindre une copie conforme…
Et c’est vrai que Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire en série sont une fidèle adaptation de l’œuvre originale — à ceci près que les huit épisodes de cette saison 1 se concentrent sur les quatre premiers livres. Mais la tentation de comparer les performances de Jim Carrey et Neil Patrick Harris est vite balayée tant ce dernier s’approprie ce personnage taillé pour lui (l’acteur ira même jusqu’à chanter le générique de la série. Quel talent !).
Ici, c’est le scénariste Mark Hudis qui a la lourde tâche de transposer ces aventures sur le petit écran. Il a choisi de donner corps au narrateur Lemony Snicket (incarné par l’acteur Patrick Warburton), avatar de l’écrivain Daniel Handler, ce qui confère à la série une dimension méta. En faisant irruption au beau milieu d’une scène, figeant ainsi ses protagonistes, et en nous avertissant, face caméra, des malheurs à venir pour les orphelins, il nous rend complices. Et bien sûr, on brave ses mises en garde, on veut en savoir plus !
Ce petit artifice narratif et le ton exagérément alarmiste du narrateur sont là pour nous rappeler l’importance de la transmission orale. Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire, c’est d’abord un conte. Et comme toute histoire que l’on se raconte au coin du feu, elle mérite toute notre attention.
Et si l’univers visuel créé pour la série, qui balance entre couleurs pastel et noirceur presque gothique, vous rappelle celui de Pushing Daisies, c’est normal ! C’est Barry Sonnenfeld, réalisateur sur la création de Bryan Fuller, qui a façonné l’atmosphère des orphelins Baudelaire. Et le résultat, pour peu que l’on soit sensible à cette esthétique douce-amère, est magnifique.
La voix de la raison
Mais au-delà de ses grandes qualités (du jeu d’acteur irrésistible de Neil Patrick Harris à la narration délicieusement cynique en passant par une mise en scène inspirée), Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire raconte aussi l’impuissance des enfants et le peu de crédit que leur portent les adultes.
Cette histoire, et tous les déboires rencontrés par Violette, Klaus et Prunille sont des manifestations de la bêtise des “grands”. Chaque nouvelle mésaventure pourrait être évitée si les adultes, ceux censés protéger les orphelins, accordaient la moindre importance à leur parole. Ils s’évertuent à dire que Stefano est en fait Olaf, et qu’Olaf n’en veut qu’à leur fortune, mais on les renvoie systématiquement à leur jeune âge, que l’on a bien vite fait d’associer à un manque de discernement.
Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire moque les adultes et leur incapacité à voir plus loin que le bout de leur nez, engoncés qu’ils sont dans les conventions sociales (la politesse, le respect de la loi, ne jamais faire d’esclandre en public, etc.). Nos jeunes héros sont ainsi baladés d’un tuteur incompétent à l’autre, et personne ne considère jamais qu’ils sont, peut-être, les mieux placés pour savoir ce qui est le mieux pour eux. La parole de l’enfant est niée, laissant la voie totalement libre au Comte Olaf.
Mais bien sûr, nos orphelins étant particulièrement intelligents, les adultes deviennent les dindons de la farce et l’on retombe nous-mêmes en enfance en les suivant dans ce monde peuplé de personnages excentriques, parfois grotesques. Allez-y sans crainte : ces aventures, drôles, palpitantes, rythmées et attendrissantes sont tout sauf désastreuses.