En s’ancrant dans un contexte social terriblement pertinent, la dernière série de Freeform réussit à s’élever au-dessus des tropes de la fiction super-héroïque.
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Lorsque Freeform, petite chaîne du câble américain, annonçait la mise en chantier d’une série de super-héros estampillée Marvel, on a véritablement pris peur. Et ce, pour la simple et bonne raison que Freeform a produit un certain nombre de fictions bas de gamme, aussi bien au niveau du casting que de la réalisation. Un exemple ? Pretty Little Liars, entre autres. Et si la chaîne tente de rectifier le tir avec des productions récentes plus calibrées, il n’en demeure qu’elle ne s’est jamais aventurée dans le genre super-héroïque. On peut désormais souffler : Marvel’s Cloak & Dagger n’est pas la catastrophe attendue, loin de là.
Inspirée des publications de l’écurie Marvel (forcément), cette série flambant neuve s’intéresse à Tandy et Tyrone, deux adolescents venant d’horizons différents qui découvrent qu’ils sont intimement liés, suite à un étrange événement survenu dans leur enfance. Réunis par un concours de circonstances, ils commencent à développer d’étranges aptitudes : l’une peut créer des dagues de lumière, tandis que l’autre peut se téléporter grâce à une dimension ténébreuse. Le hic, c’est que leurs pouvoirs sont interdépendants et ils vont devoir mettre leurs différences de côté pour saisir ce qui leur arrive.
En se basant sur les trois épisodes qu’on a pu visionner, Marvel’s Cloak & Dagger fait une entrée en jeu franchement remarquable. La série se démarque des autres productions de Freeform grâce à l’absence notable et appréciée de personnages stéréotypés (un exploit suffisamment rare dans les séries pour ados pour être souligné). Elle s’éloigne aussi de ce qu’on peut attendre d’une série de super-héros diffusée sur une chaîne américaine : en clair, le show n’a absolument rien à voir avec The Flash, Supergirl ou encore Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D.
D’ailleurs, si l’on pousse le délire un tantinet plus loin, Marvel’s Cloak & Dagger n’est peut-être pas qu’une série super-héroïque. Les pouvoirs que les deux protagonistes acquièrent semblent n’être qu’un prétexte tant la série a d’autres choses à dire, souvent plus intéressantes et ne se rattachant pas à leur côté justiciers en herbe. Dès son pilote, elle met en scène un climat social reflétant avec une exactitude troublante le nôtre. Chacun à leur manière, Tandy et Tyrone mettent en lumière les travers de la société occidentale, notamment grâce à des lignes de dialogues qui font mouche.
D’un côté, il y a Tandy, la blonde obstinée du duo. Celle-ci évolue dans un contexte familial déplorable, habitant avec sa mère junkie et croqueuse d’hommes qui la considère à peine depuis la mort de son père. En la faisant échapper de peu à une tentative de viol, il est évident qu’elle sert à explorer le sexisme de notre époque, plaçant Marvel’s Cloak & Dagger dans le sillage du mouvement #MeToo. C’est d’ailleurs durant cette scène de violence sexuelle qu’elle utilise réellement son don, reprenant un trope dont on se passerait volontiers, à savoir celui de la femme qui doit se faire abuser ou subir un traumatisme pour se découvrir une force de caractère. Pas très innovant, un peu facile, mais passons.
De l’autre, on retrouve Tyrone, dont le grand frère a été victime de violences policières. Depuis, lui et sa mère vivent dans l’incertitude et la peur constante, comme s’il pouvait subir le même sort que son aîné pour x raisons. Ici, à l’image de fictions comme Marvel’s Luke Cage ou Black Lightning avant elle, la série de Freeform se rattache subtilement au mouvement Black Lives Matter, dépeignant le climat d’effroi et d’insécurité dans lequel peuvent vivre les citoyens afro-américains. En clair, entre le sexisme et le racisme, Marvel’s Cloak & Dagger ne recule pas devant des thématiques actuelles.
Du côté de la réalisation, on se rapprocherait plutôt de Legion pour rester dans le registre des séries de super-héros, avec des passages légèrement surréalistes où rêve et cauchemar se côtoient. Comprendre avec précision les capacités surnaturelles des deux ados peut être laborieux pour quelqu’un qui n’est pas familier de l’univers, mais le show fait le maximum pour ne pas nous laisser dans le flou. La mythologie des comics se dévoile progressivement, et l’étendue de leurs pouvoirs devrait encore se préciser.
Avant d’être une fiction de genre, Marvel’s Cloak & Dagger est une œuvre axée sur la psychologie de ses personnages, sur leurs craintes, sur leurs démons intérieurs. C’est une série hybride réussie, à mi-chemin entre les shows plutôt sombres de l’association Marvel-Netflix et les productions socialement pertinentes de Freeform telles que The Bold Type et Grown-ish. Jusque-là, on adhère.
Marvel’s Cloak & Dagger est disponible en US+24 sur Amazon Prime Video en France.