Passionnés et fiers de leur ville d’origine, Boston, Matt Damon et Ben Affleck ont remis le couvert pour lui rendre hommage, plus de vingt ans après la sortie de Will Hunting. Mais cette fois, ils ont opté pour le format sériel afin d’accoucher de leur nouvelle idée narrative, City on a Hill. S’ils ont laissé leur bébé au jeune scénariste Chuck MacLean, les deux acteurs du Massachusetts occupent le poste de producteurs exécutifs dans cette série policière qui transpire la testostérone et le bitume.
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Inspirée de faits réels, City on a Hill explore les rouages judiciaires corrompus de la ville de Boston dans les années 1990, une époque où ses quartiers étaient gangrenés par la violence, le racisme et la dépravation. Deux ténors que tout oppose vont s’allier pour briser ce système pernicieux et ramener une forme de justice entre les murs de la cité : l’agent du FBI vétéran et ripoux Jackie Rohr (Kevin Bacon, de retour sur le petit écran après The Following et I Love Dick) et le procureur noir Decourcy Ward (Aldis Hodge, Les Figures de l’ombre), qui va devoir se faire une place dans une administration profondément xénophobe et pourrie jusqu’à la moelle.
Les deux hommes vont s’attaquer à un gang de criminels après la découverte de trois cadavres de convoyeurs de fonds. Les braqueurs de Charlestown, menés par le charismatique Jonathan Tucker (Westworld, Kingdom), se livreront à un véritable jeu du chat et de la souris avec le FBI. Cette opération salvatrice mènera inévitablement au “Miracle de Boston”, une période où les taux de criminalité et d’homicides chez les jeunes avaient considérablement diminués.
Un polar urbain et musclé
(Ⓒ Francisco Roman/Showtime)
City on a Hill est une sorte de patchwork des thématiques chères à Matt Damon et Ben Affleck dans leurs films respectifs : leur amour pour Beantown, la criminalité, la corruption, la noirceur humaine et plus précisément masculine, la virilité… Le cast est essentiellement composé d’hommes qui se tirent dans les pattes pour des questions d’argent, d’honneur ou tout simplement d’égo.
C’est un genre comme un autre, que certains trouveront à juste titre obsolète à l’heure de la nouvelle vague féministe et de l’inclusivité, mais force est de constater que le tandem de producteurs sait comment être efficace sur ce créneau. City on a Hill est un polar urbain et musclé, qui souligne ses clichés (mumbling des acteurs, photo grisâtre, scènes de sexe et de violence crues, disparition des personnages féminins…) mais soigne ses antihéros, bien aidés par leurs interprètes.
Depuis Mystic River, une influence qui saute aux yeux dans la série, on sait que Kevin Bacon assure dans les rôles de flics véreux. Ici, en agent du FBI qui fume le double de clopes de Tommy Shelby et s’envoie en l’air plus de fois qu’il ne prononce le f-word, l’acteur cabotine comme jamais pour le plus grand plaisir des spectateurs. Même avec une moustache grotesque et un accent qui couine, Kevin Bacon s’éclate à l’écran et prend le spectateur à la gorge pour le plonger dans cet univers froid et nauséabond.
Il trouve heureusement du répondant en face, son partenaire de jeu Aldis Hodge ne se laissant pas démonter. Introduit comme le sauveur d’une ville qui se dirige vers la ruine, Decourcy Ward est un jeune procureur réfléchi et calculateur. Son arc narratif reste assez prévisible (le preux chevalier condamné à user des méthodes du malandrin pour parvenir à ses fins) mais la partition passive-agressive de l’acteur offre plus de profondeur et de matière à un personnage qui pourrait clairement s’afficher au casting d’un procedural de network.
Bis repetita
(Ⓒ Eric Ogden/Showtime)
Mais en dépit des séquences d’action calibrées et des dialogues tranchants de City on a Hill, on a parfois l’impression que Ben Affleck s’est surtout contenté d’adapter son film The Town en série : même cadre d’action (le quartier de Charlestown), même affrontement idéologique (pouvoir exécutif contre pouvoir judiciaire), même antagonistes (des braqueurs) voire des personnages absolument similaires comme Jimmy Ryan (Mark O’Brien), frère colérique et impulsif comme l’était le gangster campé par Jeremy Renner.
L’aspect le plus intéressant de la série se trouve finalement dans sa forme de déconstruction du mythe du super-héros, ou du “chevalier blanc” pour reprendre l’expression de James Gordon dans The Dark Knight, incarné ici par le procureur Decourcy Ward. La représentation de Boston faite dans le show se rapproche du Gotham aperçu dans la trilogie de Christopher Nolan, les masques de super-vilains en moins. Deux villes qui courent à la ruine et font le même constat terrible : pour un ange gardien qui s’élève, dix nouveaux malfrats se réveillent pour relancer la guerre urbaine.
L’analogie avec le super-héros ne s’arrête d’ailleurs pas là puisque, si on a tendance à juger la qualité d’un film de justicier au charisme de sa némésis, City on a Hill “souffre” du même syndrome grâce à Frankie Ryan. Le personnage interprété par Jonathan Tucker, également plus proche de l’antihéros que de la véritable enflure impitoyable, offre à la série le contraste qu’elle avait besoin dans la représentation de ses clichés manichéens. Père aimant, frère protecteur et immigré irlandais révolté par un système qui l’a abandonné, Frankie n’a pas la folie du Joker mais plutôt la survie d’une Catwoman qui coule dans ses veines.
City on a Hill ne révolutionnera pas le crime drama, trop ancré dans ses stéréotypes sur la virilité et son atmosphère de déjà-vu. Mais la présence de Kevin Bacon, l’écriture appliquée de ses antihéros et l’amour des producteurs qui font de Boston un personnage à part entière pourraient bien happer quelques spectateurs, nostalgiques de The Wire et The Shield.
La première saison de City on a Hill est diffusée en US+24 sur Canal+ Séries et MyCANAL.