L’interprète de Robb Stark dans Game of Thrones excelle dans ce thriller politique sous haute tension.
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C’est assez rare pour le souligner, mais l’événement de cette rentrée sérielle 2018-2019 n’est pas un drama US. Il nous vient de nos voisins d’outre-Manche et s’intitule Bodyguard. Autant le préciser d’entrée de jeu, le show de la BBC One n’a aucun rapport avec le film du même nom porté par Kevin Costner et Whitney Houston. C’est une série à la croisée du drame politique et du thriller conspirationniste qui ravira les fans de Robb Stark, ou plutôt de son interprète Richard Madden, qui incarne le personnage principal de Bodyguard.
Grande-Bretagne, de nos jours. David Budd (Richard Madden) est un soldat vétéran qui a servi lors des conflits du Moyen-Orient. De cette guerre, il en ressort traumatisé et souffre de TSPT (trouble de stress post-traumatique) qui le perturbe au quotidien et a mis son mariage à rude épreuve. Une fois de retour à Londres, David décide de se recycler comme garde du corps dans le Metropolitan Police Service. Promu après avoir contré une attaque terroriste imminente sur le sol britannique, l’agent de protection se voit alors assigné une mission particulière et risquée.
La nouvelle cliente de David est Julia Montague (Keeley Hawes, Braquage à l’anglaise), fraîchement élue Home Secretary (secrétaire d’État à l’Intérieur) et qui souhaite rapidement gravir les échelons en politique. Problème : Julia est une fervente défenseure de l’interventionnisme militaire au Moyen-Orient et a une vision politique ultraconservatrice qui se situe aux antipodes de l’opinion de David. Le tandem devra apprendre à vivre ensemble en dépit de ces oppositions, alors qu’un attentat islamique pourrait frapper la capitale britannique à tout moment.
Une série explosive déconseillée aux cardiaques
En Grande-Bretagne, Bodyguard est un véritable phénomène télévisuel. C’est bien simple, BBC One n’avait pas connu de tels chiffres d’audience (10,4 millions en moyenne sur la saison 1) depuis 2008 et l’épisode spécial de Noël de la saison 4 de Doctor Who. Comment expliquer un tel engouement de la part du public britannique ? En partie par la notoriété de son créateur, le scénariste Jed Mercurio, à qui l’on doit l’excellente Lines of Duty. Ensuite, et surtout, parce que la série s’inscrit dans un climat angoissant et contemporain, celui de l’hégémonie de la peur et du terrorisme.
En effet, Bodyguard se veut pleinement réaliste, parfois trop pesteront ses détracteurs. Il faut dire que le pilote débute par une scène complètement hallucinante, brillante, avec une tension qui ne redescend pas d’un cran pendant 20 minutes. David Budd essaie d’empêcher une femme de se faire exploser et de tuer des centaines d’innocents dans un train qui se dirige vers Londres. Plans très resserrés, musique stressante et maîtrisée, partition habitée de Richard Madden, Bodyguard nous inflige une grande claque en pleine gueule dès ses premières minutes. Jouissif et terrifiant à la fois.
Le deuxième tour de force de la série tien à son format (six épisodes d’environ une heure). Elle évolue sur un faux rythme, sans jamais lâcher sa mise en scène tendue, où la violence froide et crue peut surgir à n’importe quel moment. Cet excellent parti pris du showrunner est également accompagné de quelques touches de soap (dont des scènes de sexe sulfureuses) et de twists tout droit sortis de la boîte mystère de J.J. Abrams. Bref, Jed Mercurio a tout compris pour rendre une série haletante, et on en redemande à chaque fin d’épisode.
Robb Stark est mort, vive Richard Madden
Bien entendu, Bodyguard ne pouvait être aussi séduisante et émotionnellement forte pour le spectateur sans la présence d’interprètes irréprochables. Oubliez Robb Stark, ce rôle était bien trop lisse et gentillet pour le talent de Richard Madden. L’acteur britannique est impérial dans la veste de ce soldat désabusé et profondément chamboulé par la violence du front. Glaçant, déprimé, héroïque (Hollywood devrait sérieusement songer à lui proposer la partition de James Bond) ou tout simplement charmant, Richard Madden est habité par son rôle et participe pleinement à rendre Bodyguard inratable.
Il faut dire que l’homme a une sacrée partenaire de jeu. Keeley Hawes campe une politicienne tête brûlée, ambitieuse et qui ne baissera jamais le regard face à un individu de la gent masculine. Leur duo, tantôt fraternel, tantôt désenchanté et conflictuel, est très attachant. L’intelligence d’écriture de Jed Mercurio permet de frustrer le spectateur dans le bon sens du terme : vont-ils finir ensemble ou s’entre-tuer à cause de leurs différences ? Mais surtout, David peut-il se sauver lui-même en la protégeant ou se laisser consumer par la vengeance en tuant Julia ?
Si ces enjeux soapesques ne sont pas votre tasse de thé, sachez que Bodyguard en garde encore sous le capot. Loin d’être une série d’action insipide, elle s’intéresse à la géopolitique moderne. Sans jamais être aussi engagée que Homeland ou Le Bureau des légendes, le show possède la justesse d’écriture pour ne jamais diaboliser la menace qui pèse sur Londres. Contrairement à la (mauvaise) moitié des séries américaines du genre, Bodyguard évite les raccourcis et stéréotypes nocifs du type “tous les musulmans sont islamistes” et en profitent même pour tacler son propre gouvernement, où se joue une véritable bataille d’ego dans la lutte contre le terroriste.
Mais c’est avant tout une histoire humaine, celle de David (contre Goliath, aka ses propres démons voire ceux de la Grande-Bretagne ?), homme brisé et nihiliste ayant opté pour une voie moins radicale que ce bon vieux Frank Castle, qui nous passionne dans ce show aux retombées amplement méritées. Alors oubliez un temps le pays de l’Oncle Sam et son millésime 2018-2019 vu et revu. Cette année, la rentrée des séries a lieu au Royaume-Uni et ce n’est pas pour rien qu’une plateforme américaine, à savoir Netflix, s’est jeté sur les droits de Bodyguard à l’international.
En France, la première saison de Bodyguard est disponible en intégralité sur Netflix.