“Bienvenue au club” : le docu d’un amoureux de la techno en streaming

“Bienvenue au club” : le docu d’un amoureux de la techno en streaming

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Par Naomi Clément

Publié le

Pour un certain nombre de personnes, la techno est encore associée à ces trois mots, “boum boum boum”. Du bruit, du répétitif, des clichés peut-être dus à une méconnaissance du genre et de sa passionnante histoire. Car non seulement la techno est un genre musical aussi riche que varié, mais elle a également été nourrie et façonnée par plusieurs courants et influences peu connues du grand public.

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A travers 52 minutes d’un documentaire didactique et bien ficelé comprenant une palette d’interviews et de rares images d’archives, Dimitri Pailhe propose une plongée immersive dans ce courant musical qui a marqué toute une génération : de ses racines, la vague acid house anglaise de l’autre “Summer of Love” de l’année 1988, en passant par la naissance des raves jusqu’à aujourd’hui.
Bienvenue au club est peuplé des tenors de la scène techno : ceux qui l’ont inventée, à l’instar de Kevin Saunderson ou Mike Pickering, et ceux qui ont fini de la propulser à travers le monde, comme Laurent Garnier, Miss Kittin & The Hacker, Seth Troxler et plus récemment Brodinski ou Club Cheval. Devant l’objectif du réalisateur, ils racontent leurs histoires, leurs premiers émois techno, leurs influences ou encore leurs rencontres dans un univers fait de beats et de longues nuits.

Après avoir travaillé pour Canal + et réalisé T-Shirt Stories, Dimitri Pailhe signe un documentaire instructif et passionnant, mais aussi une véritable déclaration d’amour à la musique électronique. Pour boucler la boucle, nous lui avons soumis les mêmes questions que celles qu’il a posées à ces pontes du genre. Il revient ainsi sur cinq moments de sa vie marqués au fer rouge de la techno.

Ton éveil à la techno

Ça s’est produit en 1997 avec le premier album des Daft Punk, Homework. C’est à ce moment-là que je me suis réveillé, comme tout le monde à peu près. Avant ça, j’écoutais beaucoup, beaucoup de rap, et je crois qu’à une époque c’était un peu honteux d’aimer la techno. Quand j’étais plus jeune il fallait absolument choisir son camp, t’étais soit rap, soit techno. Rohff, par exemple, disait : “Fuck la techno, c’est de la musique de drogués.” T’avais pas le droit d’aimer les deux.
Aujourd’hui j’aime autant le rap que la techno, tout se mélange. Rap et techno deviennent une paire, c’est presque fusionnel maintenant : Kanye West fait appel à Gesaffelstein et Brodinski pour des sons, Puff Daddy est à fond dans la techno… C’est devenu super mainstream, t’as de la techno partout : dans les pubs, les festivals, les clubs – y compris dans des clubs de merde… Ça s’est vraiment démocratisé.

Ton meilleur souvenir de techno

Un de mes souvenirs les plus forts reste au Pulp, un vendredi soir de l’année 2002. Le Pulp était un club qu’on fréquentait depuis un petit moment avec mon ami Sacha [le DJ MZKBX, fondateur du label Macadam Mambo, ndlr], c’est le premier club que j’ai fréquenté en arrivant à Paris. C’était un club de filles, les mecs ne pouvaient y entrer que le jeudi, pour les soirées Kill The Dj. Mais de fil en aiguille on s’était fait accepter par les filles, du coup le vendredi ça arrivait qu’elles nous laissent rentrer.
Je me souviens que ce vendredi soir était très particulier. C’était Michael Mayer, du label Kompakt, qui jouait, je crois que c’était une des premières fois qu’il mixait à Paris… un putain de souvenir. Et puis on était vraiment entouré que de filles ; on avait l’impression d’être un peu privilégiés, parce qu’on était acceptés par la communauté. Et le son surtout… Michael Mayer ça cartonnait ! C’était trop, trop bon.

Ta plus belle rencontre

Tous les personnages que j’ai rencontrés durant mon documentaire ont été cools. Mais très franchement, ma meilleure rencontre, c’est Mike Pickering, le DJ mythique de l’Haçienda [un club de Manchester connu pour avoir été l’un des premiers à diffuser de la techno de Detroit et de l’acid house de Chicago, ndlr] D’ailleurs, c’est là-bas que Laurent Garnier a découvert l’acid house, alors que Mike Pickering était en train de mixer.
Pour l’anecdote : un soir, Laurent Garnier entend pour la première un morceau de Farley Jackmaster Funk, qui s’appelle “Love Can’t Turn Around”. Et il est devenu fou. Il est monté toquer à la cabine à DJ, et c’est Mike Pickering qui lui a ouvert, et qui lui a donné le nom du morceau. On peut dire que Mike Pickering est un peu le parrain de Laurent Garnier dans la musique électronique. Si Laurent Garnier a fait tout ça, c’est parce que Mike Pickering a joué ce disque, ce soir, et que Garnier était là à ce moment précis.

Mike Pickering est un mec qui est big dans le business, il est A&R chez Sony, il a signé Calvin Harris… c’est vraiment une légende. Mais le mec est sur-cool, et sur-gentil. Et quand on a fait la projo du documentaire aux Nuits Sonores, il m’a appelé pour me dire qu’il voulait absolument mixer pour la soirée, c’était complètement inattendu. C’est un truc qui m’a vraiment fait kiffer.

Le morceau qui te fera toujours décoller

“Big Fun” de Inner City, dont je parle dans le documentaire. D’ailleurs, c’est pas un vrai morceau de pure techno, c’est plus un morceau de house qui a été estampillé techno parce qu’il est sorti sur la compilation Techno! The New Dance Sound Of Detroit, qui est la première compil’ à avoir été marqué du mot “techno”.
Je peux aimer des morceaux violents, plus durs, mais “Big Fun” est un morceau vraiment fédérateur. Tu l’entends et tout le monde se met à danser, les vieux, les jeunes… Pour moi comme pour beaucoup, c’est un peu une pierre angulaire, d’ailleurs c’est un morceau souvent cité. Et le clip est trop cool.

Ton meilleur moment durant le tournage

Il y a eu pas mal de bons moments… Rencontrer tous les mecs de l’Haçienda d’un coup par exemple, ou voir Kevin Saunderson t’ouvrir la porte de sa chambre d’hôtel en chaussettes, ou Juan Atkins qui t’attend en train de bouffer une pauvre pizza… C’est des moments marrants, et forts.
Mais un de mes meilleurs souvenirs, qui est postérieur au tournage d’ailleurs, s’est passé à l’avant-première du documentaire aux Nuits Sonores. J’étais un peu fébrile car Laurent Garnier était là, et j’avais également fait venir Mike Pickering qui voulait être Dj pour l’occasion, comme dit plus haut.
C’était très fort de les réunir tous les deux, car ils ne s’étaient pas vus depuis super longtemps ; ils ont vu le film ensemble et après ils se sont tombés dans les bras… c’était assez émouvant. J’étais content. Ce n’est pas moi directement qui les ai réunis, mais ils se sont quand même retrouvés grâce au docu. Je me suis dit : “Ouais, là, c’est cool.(rires)
Bienvenue au club a été diffusé le samedi 26 juillet à 23h20 sur Arte, dans le cadre du programme Summer of the 90’s. Il est depuis disponible en replay via Arte+7.
Article co-écrit avec Constance Bloch.