Il est conseillé d’avoir visionné l’intégralité de la saison 4 d’Atypical avant de lire cet article, qui contient des spoilers.
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En dépeignant le passage à l’âge adulte de Sam Gardner (Keir Gilchrist), un jeune homme sur le spectre de l’autisme, et de sa sœur cadette Casey (Brigette Lundy-Paine) dans une série qui aborde avec sincérité mais aussi chaleur et humour les dilemmes auxquels font face les deux adolescents et leurs proches, Atypical a conquis le cœur du public et de la critique. Elle a aussi appris de ses erreurs passées : critiquée en saison 1 pour son manque de talents concernés par les troubles autistiques devant comme derrière la caméra, la showrunneuse Robia Rashid a fait ensuite appel à des scénaristes et des interprètes concernés. Au fil des saisons, on a observé Sam gravir les échelons de son indépendance et développer des relations amicales et romantiques, tandis que Casey explorait son attirance pour Izzie tout en visant l’excellence sportive dans son lycée privé, où ses talents d’athlète sont scrutés à la loupe.
C’est donc avec une excitation mêlée à une pointe tristesse qu’on lance la saison 4 d’Atypical, sachant qu’il s’agit de la dernière. Les retrouvailles avec les Gardner seront de courte durée. Dix épisodes exactement, pour conclure le chemin émotionnel d’une petite dizaine de protagonistes sur une note satisfaisante. La mission, pas si simple que ça, est-elle remplie ? Pas tout à fait, même si on ne boude pas notre plaisir de retrouver Sam, Casey, leurs parents et leurs ami·e·s dans de nouvelles aventures. La trajectoire des deux parents est peut-être la plus agaçante. Alors que la série débutait par la remise en question du couple, explorant notamment les désirs d’Elsa (Jennifer Jason Leigh), la maman surprotectrice de Sam, les deux époux sont officiellement réconciliés. Chacun et chacune est retourné·e sagement à la place genrée qui lui incombe, Elsa à celle de mère au foyer débordante de générosité et d’attentions (parfois gênantes) pour ses enfants, tandis que Doug (Michael Rapaport) le bricoleur et ambulancier fait lui face à une perte inattendue, celle de son meilleur ami Chuck. Ce dernier tombe par ailleurs dans le cliché du·de la “meilleur·e ami·e noir·e” dans les séries, personnage racisé qui sert uniquement la trajectoire du héros blanc. C’est exactement le cas ici : proche de la retraite et à la lumière de ce décès, Doug vit une crise existentielle qui le rend assez exécrable avec sa famille. En particulier envers Casey (elle aussi a “une meilleure amie noire”, Sharice, qu’on voit très peu dans cette saison 4) à qui il met beaucoup de pression, tout en n’acceptant pas vraiment sa relation avec sa nouvelle copine.
© Netflix
De son côté, la jeune femme poursuit sa relation avec Izzie (Fivel Stewart) et réalise les privilèges dont elle dispose comparée à sa petite amie un tout petit peu moins douée qu’elle à la course et ne possédant pas, comme Casey, un système de soutien familial à toute épreuve et l’espace pour communiquer quand ça ne va pas bien. L’écriture maîtrisée rend justice à ces deux protagonistes, sans pointer du doigt l’une ou l’autre. D’un côté Izzie, son manque de confiance en elle lié à son milieu social modeste et à une mère toxique ; de l’autre Casey, dont l’anxiété augmente à mesure qu’elle ronge ses ongles un peu plus à chaque épisode et que Doug lui met toujours plus la pression pour qu’elle impressionne les recruteurs des grandes universités sportives.
La jeune femme plie sous le poids des attentes que sa famille a placés en elle et ne prend plus de plaisir à courir. Elle affirmera finalement son indépendance en décidant de changer de lycée et en s’accordant le temps de la réflexion quant à son avenir dans les études supérieures. Côté love, malgré les “dramas” à répétition comme le pointe Doug, ces deux-là sont faites pour être ensemble. Tandis que Casey affirme son identité bisexuelle et après un dernier rebondissement, on leur dit adieu avec le sourire, confiante en leur avenir. Et avec l’envie de voir germer un spin-off consacré à leurs années à UCLA, mais ça, c’est une autre histoire !
Vers l’indépendance (et les manchots)
Et notre Sam national alors ? Pour la première fois de sa vie, il a coupé le cordon avec sa mère et le cocon familial. Il découvre les joies et les aléas de la colocation avec son BFF, l’inénarrable et néanmoins touchant Zahid (Nik Dodani), qui fait face cette année à un gros souci de santé, un cancer des testicules, traité de façon tragi-comique. Tandis que sa petite amie, Paige (Jenna Boyd), continue de le dorloter en attendant (trop) peu en retour (et ça, c’est un peu gênant), le jeune homme va mettre tout en œuvre pour réaliser son rêve une fois identifié : partir voyager en Antarctique. Une bonne partie de cette saison est ainsi consacrée à ce but : comment l’atteindre, convaincre ses proches qu’il en est capable, et maîtriser les potentiels dangers (la peur du froid extrême, la nourriture, le froissement des combinaisons de ski, etc) auquel il fera face non seulement en tant qu’être humain mais aussi en tant que personne sur le spectre de l’autisme. L’occasion de mesurer tout le chemin parcouru par notre héros passionné par les manchots. Affrontant ses peurs les unes après les autres, avec l’aide de ses proches, Sam est prêt à s’émanciper complètement, et forcément, ça fait chaud au cœur.
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Sa trajectoire, qui se termine par une émouvante rupture avec Paige (où pour une fois, il s’intéresse vraiment à elle et à ses désirs), semble toute tracée quand il réalise qu’il n’a pas besoin d’un programme spécifique à la fac (finalement annulé faute de participant) pour partir à la découverte de cet endroit qu’il désire tant voir de ses propres yeux. On reste un peu plus circonspect·e·s face au choix d’ajouter son père à ce grand voyage, au dernier moment. En effet, réalisant qu’il a cumulé de nombreux jours de congé, Doug décide de partir avec son fils en Antarctique, clairement sur un coup de tête. Alors certes, ce voyage resserrera des liens entre père et fils qui ont mis du temps à s’épanouir (Doug a toujours été plus proche de Casey, ne sachant comment communiquer avec Sam), mais ce twist de dernière minute ne permet pas à Sam de prendre complètement son indépendance et de vivre cette expérience en solo.
On regrette aussi la disparition de personnages secondaires importants, comme la psychothérapeute Julia (Amy Okuda) qui a tant compté dans son parcours et n’apparaît ici qu’une fois, façon caméo. La série a toujours eu un peu de mal à bien développer les personnages qui ne tournent pas directement dans l’orbite des Gardner. Ainsi, la présence d’Evan (Graham Rogers), l’ex de Casey, tient de l’anecdotique, tout comme celle d’Abby (Kimia Behpoornia), personnage très cool mais qui semble uniquement présente pour aider alternativement Sam ou Casey à avancer dans leur réflexion personnelle.
Malgré ses petits bémols, on est surtout tristes parce que cette fin de série aurait tout aussi bien pu être une fin de saison. On aurait été au rendez-vous pour suivre les péripéties de Casey et Izzie à UCLA, le retour de Sam après son voyage ou encore le nouveau job de Paige en Georgie. Pour profiter encore de cet univers où les épreuves sont faites pour être dépassées, où la communication et les câlins résolvent tous les problèmes. Malheureusement, Atypical a bien tiré sa révérence, sans en faire trop, tant et si bien qu’on se demandera sans nul doute, à intervalles réguliers, comment vont Sam, Casey et les autres.
La saison 4 d’Atypical est disponible sur Netflix, depuis le 9 juillet.