La promesse était alléchante et le teasing, comme toujours, faisait parfaitement le job. Deux histoires en une, avec des aliens et des sirènes/vampires qui se roulent des pelles, entre la mer et le désert… le malaise et l’horreur au carré, on en trépignait d’impatience, comme pour chaque nouveau chapitre d’American Horror Story. D’autant plus qu’on nous annonçait cette saison comme “la plus gore de la série”. Sauf que le contrat n’a pas été rempli.
À voir aussi sur Konbini
Comme son nom l’indique, Double Feature est divisée en deux parties. La première, “Red Tide”, est une allégorie de Hollywood et du milieu de l’entertainment, où le véritable talent serait à la fois une bénédiction et une malédiction. Un monde dans lequel les gens ordinaires voulant à tout prix percer seraient réduits à l’état de bêtes dépourvues d’âme. Cette première histoire nous emmène à Provincetown, une petite villégiature en bord de mer, campée sur une presqu’île, où sa petite communauté vit des jours paisibles… ou presque. C’est là qu’un auteur talentueux, mais atteint du syndrome de la page blanche, décide de poser ses valises avec sa femme enceinte et sa fille.
© FX
Il rencontre deux figures locales, des artistes aux mœurs assez rock’n’roll, qui lui font découvrir une drogue très particulière. Des pilules noires qui, une fois gobées, décuplent l’inspiration et le génie. Mais pour cela, il faut que le terreau soit fertile. Une personne lambda, sans réelle aptitude ni créativité, finira par dépérir et hanter les rues de sa carcasse grise. Autre petit bémol qui a son importance : cette drôle de drogue provoque aussi une soif de sang difficile à contenir. Voilà l’équivalent, revisité, du guitariste Robert Johnson qui aurait vendu son âme au diable à une intersection en échange d’un mégaboost dans la pratique de son art.
L’ironie de “Red Tide”, c’est qu’elle se montre fort peu inspirée pour nous raconter, en six épisodes, une histoire qui peine à passionner. Tous ses protagonistes sont antipathiques et, sacrilège ultime, cette première partie de saison a mis un sacré coup de canif dans le mythe Sarah Paulson. Elle campe ici “Tuberculosis Karen”, une marginale qui crache ses poumons à chaque dialogue, comme un écho déformé et rabougri de Sally, la toxico en perdition qu’elle incarnait merveilleusement dans Hotel. L’actrice, et croyez bien que ça nous peine d’écrire ça, est ici ridicule. Elle est constamment à 250 % quand tout le reste du cast (les visages habituels d’AHS) est, a minima, à 90 %. Un dernier affront sera fait aux fans de la série, avec une fin qui tombe complètement à plat. La seule chose qui nous est venue à l’esprit dans ces dernières minutes, c’est : “Et c’est tout ?” L’art de boucler une histoire palpitante en si peu d’épisodes est et restera donc l’apanage des productions britanniques.
C’est évidemment un fléau qui frappe aussi la seconde partie de Double Feature, intitulée “Death Valley”. Pour sa défense, celle-ci n’avait que quatre épisodes pour défendre son histoire. C’est donc un scénario très condensé qui lui était offert, mais ça ne l’a pas empêchée de s’éterniser sur certains aspects et de prendre des détours narratifs inexpliqués pour finalement, elle aussi, tomber complètement à plat. Ici, on nous balade entre le présent et le passé. Pour les distinguer, c’est très simple, l’action se déroulant dans le passé — période qui recouvre les années 1950 jusqu’à la toute fin des années 1970 — est filmée en noir et blanc. Malin et esthétique ! Pour l’originalité, en revanche, on repassera.
© FX
On nourrissait toutefois un mince espoir que cette mini-saison, dont les véritables stars étaient une race alien passant un deal avec le président Eisenhower pour créer des hybrides avec les humains et perpétuer ainsi leur espèce sur notre bonne vieille planète : on attendait qu’elle fasse la connexion entre ces extraterrestres et ceux croisés dans Asylum. Il n’en sera rien, hélas, et ce sera la première des nombreuses déceptions de cette poignée d’épisodes. Prises isolément, “Red Tide” et “Death Valley” sont pourtant un clin d’œil bienvenu aux créatures de la culture “pulp” qui, revisitée à la sauce American Horror Story, promettaient un pur moment de divertissement, subversif, crado, avec toute l’outrance, la sauvagerie décomplexée, et une certaine vulgarité assumée dont seule la série a le secret.
Mais Double Feature est étonnamment prude sur ces questions et, une fois de plus, on reste sur notre faim avec un épisode final curieusement bouclé. On a dû s’y prendre à deux fois pour vérifier que oui, c’était bien le dernier, et que l’histoire s’arrêtait là. Les créatures, vampires et aliens, pour lesquelles on nous promettait un crossover inédit dans chaque poster et teaser, ne se croisent même pas puisque les deux parties sont totalement indépendantes l’une de l’autre. Encore une occasion manquée…
On ignore dans quelle mesure la narration de cette saison a été bousculée par la pandémie. Elle a provoqué des retards dans la production, comme bon nombre d’autres séries dans le même cas, mais il est difficile de savoir si cela a eu un réel impact sur l’histoire. Double Feature apparaît pourtant comme une saison bâclée, en manque d’inspiration, sans colonne vertébrale et qui, en dehors de ses thématiques très “pulp”, a bien du mal à justifier son existence dans la mythologie déjà très dense d’American Horror Story.
La saison 10 d’American Horror Story est disponible sur MyCanal.