#1 Inspirée d’une histoire vraie
Contrairement à ce que l’on aurait pu imaginer, Philipp Käßbohrer et Matthias Murmann, les créateurs de How To Sell Drugs Online (Fast), n’ont pas eu l’idée de la série en matant Breaking Bad, mais à la suite d’un fait divers bien réel, qui a défrayé la chronique allemande. En 2013, dans la ville de Leipzig, Maximilian S., 19 ans, au QI très élevé, lance un site de vente en ligne de différentes drogues, baptisé “Shiny Flakes” (“flocons brillants”), dispo sur le Darknet puis sur le Clearnet.
À voir aussi sur Konbini
914 kg de drogues vendues pour 4,4 millions d’euros en bitcoins plus tard, il se fait finalement attraper par les flics en février 2015. Jugé comme un mineur quelques mois plus tard, considéré par le juge comme “émotionnellement immature” et ayant choisi un “mauvais projet de vie” (tu m’étonnes !), il prend sept ans de prison. C’était alors le premier gros procès allemand s’attaquant aux crimes perpétrés sur le Darknet. Notons qu’au moment du jugement, la police n’avait toujours pas réussi à avoir accès à deux de ses portefeuilles bitcoins…
#2 Pour devenir le prochain Mark Zuckerberg
Ce qui frappe dans cette histoire au potentiel sériel indéniable, c’est aussi que le jeune homme contrôlait tout son business en ligne, assumant des tâches aussi variées que la gestion technique de ses portefeuilles bitcoins et de ses serveurs ou l’envoi des drogues au client, par la poste. Tel un businessman biberonné aux biographies des entrepreneurs stars de la Silicon Valley, il analysait les statistiques de son site pour optimiser son offre de “pilules exclusives” et répondre au mieux aux besoins de ses nombreux clients.
Reprenant l’idée d’un ado qui se rêve en Steve Jobs de sa génération – peu importe que ce soit sur le marché illégal de la drogue –, How To Sell Drugs Online (Fast) est centrée sur la vie de Moritz Zimmermann (Maximilian Mundt), grande tige de 17 ans, récemment largué par son grand amour, Lisa (Anna Lena Klenke). Flanqué de Lenny Sander (Danilo Kamperidis), son meilleur ami gamer en situation de handicap (en raison d’une maladie dégénérative incurable), il va créer un site de vente de drogues en ligne, se comportant comme un entrepreneur de la tech et singeant leur façon de bosser, mais mal, évidemment, ce qui donne lieu à des situations hilarantes. La série se situe quelque part entre Weeds – pour le ton comique – et Breaking Bad, dans la mesure où notre jeune antihéros a du mal à faire preuve d’empathie pour les autres, ment tout le temps et est lentement en train de devenir… un vrai connard !
#3 La génération Z te parle (et elle peut t’apprendre des trucs)
La narration en voix off de Moritz (la plupart du temps) et le montage ultra-cut de la série posent le ton. Comme il le dit en intro, on va suivre une bande d’ados de la génération Z, celle qui fait peur à tous les boomers. Elle a grandi entre la fin des années 1990 et les années 2010, c’est la première génération d’humains connectés dès leur naissance, née alors qu’Internet était déjà bien développé dans le monde. On leur reproche d’être obsédé par les réseaux sociaux (c’est pas faux, mais qui faut-il blâmer pour ça ? Les générations précédentes, notamment les millennials, qui ont les créés), d’avoir pour modèles de réussite des start-up américaines individualistes à la Google, d’être déconnectés de la réalité et un peu trop forts en communication.
How To Sell Drugs Online (Fast) nous montre aussi que ces ados d’aujourd’hui vivent dans un monde où la connaissance est à portée de smartphones. Leur rapport au monde et aux choses, ici aux drogues, par exemple, est complètement différent de celui des générations précédentes. Pour savoir ce que contient ou quels sont les effets d’une pilule d’ecsta, comment gérer les descentes, il suffit d’aller le googler. Logiquement, ils ont beaucoup moins peur que leurs prédécesseurs. Lisa et ses copines savent ce que le mot “sérotonine” veut dire. Pour Moritz et Lenny, le monde virtuel est aussi réel, voire plus que la vraie vie. La différence entre les deux n’existe pas vraiment, d’ailleurs.
© Netflix
Comme pas mal d’œuvres allemandes qui n’ont pas le temps (on pense un peu au film Cours, Lola, Cours, de Tom Tykwer, pour sa frénésie juvénile) et sont au taquet sur les sujets liés aux technologies, la série nous donne des petites astuces au fil de ses épisodes, à l’image de son nom malin, qui pourrait être un faux tuto YouTube parodique. Les bitcoins, les routeurs, les réseaux Wi-Fi gratuits, les webcams à cacher, combien Apple fait de marge avec les iPhone (65 %)… Prenez des notes !
#4 C’est méta et pop
L’action est entrecoupée de passages durant lesquels Moritz parle face caméra avec un joli fond gris stylé, ambiance faux docu sur Netflix… et c’est exactement ça ! Se faisant le reflet d’une génération qui ingurgite, digère et crée de la pop culture à gogo, How To Sell Drugs Online (Fast) nous fait le coup de la mise en abîme, du faux docu dans la série, parodiant les classiques du genre true crime, comme The Jinx.
Nos deux ados étant des nerds au dernier degré, les références pop affluent, que ce soit en matière de jeux vidéo (Fallout, Fortnite…), de séries plus moins récentes (ça va d’Ally McBeal à Narcos, quand même) ou de films. Parmi elles, Fight Club, qui dénonçait la société de consommation en pleine transformation numérique, rendant son héros schizophrénique. Réalisateurs de la première saison de HTSDOF, Lars Montag et Arne Feldhusen ont repris cette même idée créative vue dans le film de David Fincher, avec le fameux catalogue Ikea. Les likes, les textos, les recherches Google ou les lignes de code envahissent régulièrement l’écran en transparence, pour refléter l’univers digital dans lequel évoluent nos protagonistes, qui restent en revanche aussi paumés que les ados des années 1980 quand il s’agit de gérer leurs sentiments.
À la manière de HIMYM (lorsque Barney est transporté dans différentes époques) ou des vampires de What We Do in the Shadows, la série propose de très courtes séquences comiques et pédago, comme ce passage en saison 2 qui revient sur l’histoire des monnaies cryptées et explique comment les convertir en espèces sonnantes et trébuchantes. Les héros sont alors plongés dans un western en noir et blanc, puis dans un film des années 1970, avant de finir dans l’espace. On frôle parfois la crise d’épilepsie, mais force est de constater qu’on n’a pas le temps de s’ennuyer. C’est fun, pop, méta. Il y a aussi quelque chose de british, à la Skins ou Misfits, dans l’humour et le traitement des personnages adolescents, jamais jugés. Au point qu’on peut trouver que la série est un poil complaisante envers la prise de drogues. Elle évoque les risques et un personnage fait une overdose (sans conséquences) en saison 1, mais HTSDOF a quand même une vague tendance à rendre la MDMA cool.
#5 La saison 2 vient de sortir sur Netflix
Après une première saison remarquée en 2019, la série originale allemande est de retour depuis le 21 juillet sur Netflix, pour six nouveaux épisodes d’une trentaine de minutes. Les enjeux sont plus élevés pour Moritz, qui a bien du mal à s’imposer comme un CEO respecté de “ses employés”, Dan et Lenny. Le jeune homme va alors s’enfoncer dans ses mensonges pour tenter de garder le contrôle de MyDrug et de sa double vie. Si on regrette que les personnages féminins ne soient pas plus développés (et on se demande bien pourquoi ce boulet de Moritz attire autant de jeunes femmes cool et canons, hein), à l’exception de l’arrivée de Kira (Lena Urzendowsky), cette deuxième fournée reste assez divertissante.
La trajectoire de notre Heisenberg ado, pour lequel on a de moins en moins d’empathie, il faut l’avouer, devient de plus en plus claire. La saison se termine (chut, on ne dira rien) sur un spectaculaire climax. Sachez que pour ne pas gâcher votre plaisir, Netflix vient de renouveler How To Sell Drugs Online (Fast) pour une troisième saison.
Les deux premières saisons de How To Sell Drugs Online (Fast) sont disponibles sur Netflix.