My Room, c’est le projet humaniste de John Thackwray qui a voulu visiter des villes du globe et entrer dans l’intimité de jeunes adultes. À travers un point de vue aérien, en plongée, ce photographe français a capturé les chambres de ces millennials, en indiquant un numéro pour chaque chambre et en leur demandant leur âge, leur prénom et leur profession. Il en a profité pour discuter avec eux de la vie et de leur quotidien, de leurs révoltes et de leurs espoirs.
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Une démarche sociologique
Venant aussi du monde du documentaire et de la vidéo, son approche propose une réflexion sociologique. Il concentre d’ailleurs la plupart de ses travaux personnels autour de la question des droits de l’homme et des problèmes liés aux pays en voie de développement. Il nous explique :
“Je veux documenter les inégalités qui se répercutent sur le genre humain : la pauvreté, la violence, la condition des femmes, l’écologie et le manque d’éducation. Je veux rendre les gens conscients de ça.”
Son projet photographique est né après un long processus de réflexion ; il lui a fallu 6 ans pour le penser. Il a toujours été curieux des modes de vie et de la culture des autres pays, de la manière dont le monde se transforme progressivement. Il a questionné chaque personne qu’il a rencontrée sur sa vie et sur ses problèmes du quotidien.
Dans chaque pays, il a interviewé 40 à 60 personnes, de 18 à 30 ans, hommes et femmes, représentant à la fois les riches et les pauvres, les provinciaux et les citadins mais aussi la modernité et les traditions. D’étudiant à ingénieur en passant par chauffeur taxi ou mère au foyer, il a terminé aujourd’hui son projet, qui répertorie en tout 1200 jeunes de 55 pays.
Le parti pris de la plongée n’y est pas pour rien : on a vraiment l’impression de “plonger” dans l’univers de chacun de ces individus, avec des couleurs vibrantes. C’est donc une série plutôt joyeuse et positive par rapport à ce qu’elle dénonce.
Des rencontres marquantes
En choisissant des gens nés dans les années 1980-90, John voulait se sentir proche des sujets qu’il photographiait. Lui-même millennial, il souhaitait aussi livrer un travail personnel autour de l’intimité de chaque protagoniste. Les photos racontent chacune une histoire différente. “Convaincre et trouver les gens pour ce projet, cela m’a pris 95 % de mon temps par rapport à la prise d’images en elle-même”, nous confie-t-il. Il poursuit :
“J’ai développé des compétences différentes pour approcher les gens et rester dans une zone de confort. J’utilise les réseaux sociaux, je travaille avec plusieurs ONG locales et parfois je demande directement à des passants dans la rue. Cela reste rare car cela peut être dangereux aussi dans certaines communautés. Dans chaque nouveau pays que je visite, j’ai besoin d’établir assez rapidement un réseau de personnes de confiance, qui comprennent mon travail et qui sont prêts à m’aider.”
Au fil de ses rencontres, ce photographe s’est rendu compte d’une chose : le monde est injuste. Il nous explique aussi que les gens confondent souvent pauvreté et violence. “Non, les communautés pauvres ne sont pas nécessairement délinquantes. La violence est plus difficile, surtout envers les femmes”, s’insurge-t-il. Les gens font souvent preuve d’une autre ignorance : penser que confort rime avec bonheur. Il déclare : “J’ai vu plus de sourires dans les pays pauvres et plus de dépressions dans les pays développés”.
Chaque rencontre l’a marqué : que ce soit les réfugiés syriens et palestiniens entassés dans des camps au Liban ; la jeunesse rwandaise qui a vécu le génocide en 1994 pendant leur enfance, et qui raconte comment ils ont perdu toute leur famille ; la jeunesse iranienne qui se bat pour sa liberté, ou encore les prisonniers du North-Central Mexico qui lui parlaient de rédemption et de force. Il évoque aussi le fait que la spiritualité en Inde, l’hospitalité en Russie et la folie du mode de vie japonais l’ont particulièrement touché.
Le cadre de la chambre invite à la complicité et à la confidence. Cette génération connectée devrait être mise en avant car ce sont eux qui forgent les prochaines générations et notre destinée commune. Si ce projet traitait de jeunesse et de géographie, il nous confie que son prochain travail devrait traiter d’amour et d’histoire.
Un livre en route
Avec un livre qui sera disponible d’ici la fin de l’année 2016 en anglais et en français, intitulé My Room, Portrait of a Generation, son projet voit enfin le jour sur papier glacé. Il a choisi une sélection de 100 portraits qui représentent le plus, selon lui, la jeunesse et la diversité du monde.
Accompagnée d’un texte racontant leurs histoires personnelles, cette série a permis aux personnes interviewées de donner leur propre vision du monde de demain. Même avec leurs différences de culture, ils restent ouverts d’esprit et imaginent un avenir plein de promesses.
Ces 100 portraits abordent de manière personnelle la vie de chacun : leurs modes de vie, comme par exemple la vie au milieu de la guerre, les valeurs traditionnelles, l’exode rurale, ou l’unité africaine. “J’essaye de partager une grande histoire dans une petite”, déclare-t-il. Une histoire qu’il essayera de traduire en plusieurs langues pour toucher le plus grand nombre.