C’est une première à Visa pour l’image : le festival international de photojournalisme a remis durant le week-end du 4 septembre, à Perpignan, le Visa d’or News à un photographe resté anonyme pour des raisons de sécurité, récompensant son travail sur la “révolution du printemps” en Birmanie.
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“Quand j’ai appris qu’un coup d’État venait d’avoir lieu en Birmanie le 1er février, c’était une évidence de faire appel à lui, c’est probablement le meilleur photographe dans le pays”, indique à l’AFP Mikko Takkunen du New York Times, venu récupérer le prix à sa place.
“Garder l’anonymat d’un photographe n’est pas une décision que nous prenons à la légère, et elle est toujours liée à la sécurité de nos collaborateurs qui est notre priorité”, insiste ce responsable photo pour l’Asie au New York Times qui collabore avec le photographe birman depuis des années.
Lors de la répression des rassemblements contre le coup d’État, de jeunes manifestant·e·s se sont muni·e·s d’extincteurs face aux policiers et aux militaires qui font usage de gaz lacrymogènes, de grenades assourdissantes et de balles en caoutchouc. Rangoun, Birmanie, 7 mars 2021. (© Photographe anonyme en Birmanie pour The New York Times)
Lors de la cérémonie, il a ajouté que le lauréat dédiait son prix à tous les photographes en Birmanie qui travaillent au risque de leur vie. Les photos de l’exposition, puissantes, dépeignent des civil·e·s, parfois “armé·e·s” de lance-pierres, face à des militaires tirant à balles réelles.
Le photographe s’attarde aussi sur les personnes blessées ou les familles endeuillées dans un pays en proie au chaos depuis que la junte a renversé le gouvernement élu d’Aung San Suu Kyi. La répression sanglante contre les manifestant·e·s pro-démocratie a fait plus de 1 000 mort·e·s, dont plusieurs dizaines de mineur·e·s ces derniers mois.
“Risquer sa vie”
“Depuis le 1er février, je suis dans la rue tous les jours. J’ai rencontré de nombreuses difficultés, devant travailler au milieu des coups de feu, des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes”, explique dans un texte le photographe birman. “Sur le terrain, nous avons cessé de porter nos casques marqués ‘PRESS’ quand nous nous sommes rendu compte que les militaires ciblaient les photographes”, ajoute-t-il, disant être conscient de “risquer sa vie”.
Les trois autres nommé·e·s étaient le Grec Angelos Tzortzinis (AFP) pour son reportage sur les derniers jours du camp de réfugié·e·s de Moria, à Lesbos ; l’Américaine Erin Schaff (The New York Times) pour ses clichés sur l’invasion du Capitole à Washington en janvier 2021 ; et enfin l’Indien Danish Siddiqui (Reuters) pour sa couverture de la crise sanitaire dans son pays.
Ce dernier a été tué en juillet 2021 alors qu’il couvrait les combats entre talibans et forces afghanes. En 2020, le festival avait remis le Visa d’or News, son prix le plus prestigieux, au photographe italien Fabio Bucciarelli pour un reportage à Bergame, ville italienne à l’épicentre de la pandémie de Covid-19.
Hommage à Sebastião Salgado
Mali, 1985. (© Sebastião Salgado)
L’année d’avant, c’est le Mexicain Guillermo Arias (AFP) qui avait remporté ce prix pour son travail sur les caravanes de migrant·e·s d’Amérique centrale tentant de rejoindre les États-Unis. Il succédait à la Française Véronique de Viguerie pour sa couverture de la guerre au Yémen (2018), au Belge Laurent Van der Stockt (bataille de Mossoul en 2017) et à deux photographes de l’AFP, le Grec Aris Messinis (2016) et le Turc Bulent Kiliç (2015), pour leurs travaux sur les flux migratoires.
Lors de cette 33e édition, le festival a souhaité rendre hommage au célèbre photographe franco-brésilien Sebastião Salgado, en lui remettant le Visa d’or d’honneur du Figaro Magazine. “C’est un immense plaisir et honneur”, a déclaré le photographe âgé de 77 ans qui a passé sa vie à immortaliser avec son objectif la condition des plus pauvres et leur environnement dégradé. Il a reçu le prix en compagnie de sa femme Lélia et avec une standing ovation du public.
Le palmarès
Aux soins palliatifs de l’hôpital de Calais. <em>“Peyo est important pour nous, nous sommes heureux de le retrouver”,</em> confie Amandine, la mère d’Isac. Calais, France, le 18 novembre 2020. (© Jérémy Lempin/Divergence)
Le Visa d’or Magazine a été remporté par Jérémy Lempin ; celui de la presse quotidienne internationale est revenu à Asger Ladefoged ; le Visa d’or humanitaire du CICR à Antoine Agoudjian ; tandis que le Visa d’or de l’information numérique France Info a primé Tyler Hicks, Julie Turkewitz et Manuela Andreoni.
La bourse Canon de la femme photojournaliste revient à Acacia Johnson ; le prix Pierre et Alexandre Boulat a quant à lui récompensé le travail de Mary F. Calvert ; le prix Camille Lepage est allé à Ana Maria Arévalo Gosen ; et le prix de la ville de Perpignan Rémi Ochlik à Fatima Shbair.
Rachel Lloyd réconforte son mari Paul qui a eu un flash-back. Alors qu’il cherchait des ampoules dans un supermarché près de chez lui à Salt Lake City, Paul s’est arrêté pour sentir une bougie parfumée. D’un coup, il s’effondre sur le sol, se couvre le visage et se met à sangloter. La bougie avait le même parfum que le shampooing qu’il utilisait sous la douche quand il a été agressé et violé par un autre conscrit pendant son stage de formation militaire en 2007. (© Mary F. Calvert, lauréate du prix Pierre & Alexandra Boulat 2021, soutenu par la Scam)
Échauffement avant de jouer au volley. Le programme pour les détenues comprend des cours, des séances de sport, des ateliers de motivation et de discipline, des ateliers d’art et d’artisanat. La peine de prison a pour but de transformer et d’éviter la récidive. Les crédits pour bonne conduite peuvent mener à une libération anticipée. Prison d’État, Maracaibo, Venezuela, décembre 2018. (© Ana María Arévalo Gosen, lauréate du prix Camille Lepage 2021, soutenu par la Saif)
Les 25 expositions du festival Visa pour l’image 2021 sont gratuites et ouvertes au public jusqu’au 26 septembre 2021.
Avec AFP.