Intitulée “Dreamers”, l’exposition de Darcy Padilla confronte les visiteurs aux conditions de vie difficiles des peuples premiers d’Amérique vivant dans la réserve de Pine Ridge, entre abandon et addiction.
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Au festival de photojournalisme Visa pour l’image, un reportage amer consacré à l’enfer vécu par les peuples premiers a été exposé sur les murs de l’église des Dominicains. La photographe Darcy Padilla a réalisé une série sur la réserve de Pine Ridge, “qui serait l’un des endroits les plus pauvres aux États-Unis, avec un taux de chômage de 85 % et une espérance de vie de 47 ans pour les hommes et 52 ans pour les femmes”.
Tout près de Pine Ridge, où l’alcool est interdit depuis sa création en 1889, se tient le hameau de Whiteclay, d’une dizaine d’habitants, où l’alcool coule à flots : “Ils vendent 4,9 millions de canettes de bière par an, plus de 13 000 par jour. La plupart des clients sont des membres de la tribu Oglala Lakota de la réserve de Pine Ridge, dont la limite se trouve à 60 mètres de là”, écrit Darcy Padilla.
Isolés et abandonnés par le gouvernement, les peuples premiers qui vivent dans la réserve sont en proie aux addictions à l’alcool et à la méthamphétamine : “Les chefs de la tribu considèrent que l’alcool est à l’origine de tous ces maux”, ajoute-t-elle. En immersion dans la culture des Lakotas, la photojournaliste s’attaque ici aux problèmes sociaux qui y sévissent.
“J’aimerais vivre longtemps mais quand tu habites ici, c’est comme si ta vie était diminuée à moitié”
Les photos sont violentes. Elles montrent des maisons infestées par la méthamphétamine avec des gamins qui gambadent au sol, des cimetières remplis de personnes qui se sont suicidées ou qui sont mortes à cause de l’alcool, des hommes défigurés par la consommation de drogues et des jeunes femmes qui racontent comment “elles sont tombées dedans”, les abus qu’elles ont subis, et qui tentent tant bien que mal de se soigner dans un climat étouffant.
C’est seulement l’hiver dernier qu’un groupe d’intervention a été créé suite à une découverte particulière du lieutenant Jason Lone Hill : ils ont retrouvé deux jeunes enfants amaigris et livrés à eux-mêmes dans un laboratoire de meth. En avril dernier, ils ont arrêté 31 adultes et retiré 13 enfants à leurs foyers. Cinq maisons insalubres ont été condamnées pour être désinfectées.
Darcy Padilla donne de la visibilité à un groupe de militantes qui veulent aider les nouvelles générations. Une de ces militantes, Olowan Martinez, qui est tombée dans le vice à 12 ans, déclare : “J’ai avalé des shots de rhum. Je n’avais pas vraiment le choix.” Elle a rencontré son mari “en picolant” : “Il m’a battue une première fois, puis il est devenu de plus en plus violent, jusqu’à essayer de me tuer. Il est allé en prison.” Depuis 18 ans, elle est sobre. Une manière pour elle de montrer l’exemple aux plus jeunes.
L’alcool, la meth, mais aussi le suicide tuent ce peuple à petit feu. Olowan a été marquée par l’enterrement d’une fille de 12 ans et déplore :
“Cela m’a brisé le cœur de voir la famille décorer d’une plume d’aigle ce dealer de meth. Ce n’est pas un guerrier. Si tu sais que tes proches vendent de la meth, empêche-les, sinon nous nous en chargerons. Si tu ne prends pas soin de ta lignée, nous le ferons pour toi. Et si ça nous vaut de nous faire des ennemis, eh bien soit. Nos ancêtres seront fiers de ce que nous avons fait.”
Et ils n’ont pas fini de rêver d’un monde meilleur.
“Dreamers” par Darcy Padilla, exposition jusqu’au 17 septembre 2017 à l’église des Dominicains, dans le cadre du festival Visa pour l’image.