Pendant près d’un an, l’Atelier des Lumières propose à son public de voyager en Méditerranée, le tout sans abonnement de train ou location de voiture, mais à dos de chefs-d’œuvre du siècle dernier. Pendant une quarantaine de minutes se succèdent dans le noir du centre d’art numérique des histoires qui immergent les sens du public.
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Ces histoires sont artistiques – puisqu’on y voit défiler l’impressionnisme de Claude Monet et d’Auguste Renoir, le pointillisme de Paul Signac et d’Henri-Edmond Cross ou encore le fauvisme d’André Derain et de Maurice de Vlaminck – mais aussi narratives ; la projection nous plonge à Marseille, avant de nous emmener à travers plages, villages et maisons du sud de la France.
Simulation “Yves Klein, l’infini bleu”. (© Culturespaces/Succession Yves Klein/ADAGP, Paris, 2020)
Depuis sa récente ouverture, en avril 2018, l’Atelier des Lumières n’en finit plus de conquérir les foules. Après des expositions consacrées aux œuvres de Gustav Klimt puis de Vincent Van Gogh, l’institution présente une exposition immersive thématique prenant pour point de départ la démocratisation des chemins de fer. Au début du XXe siècle, les peintres impressionnistes, habitués à peindre la grisaille parisienne, découvrent et magnifient les couleurs et la lumière de la Méditerranée.
Un voyage du sol au plafond, des yeux aux oreilles
Plus de 500 œuvres inondent les 1 500 mètres carrés de la Grande Halle de l’Atelier. Une fois que débute la projection, le hangar de l’ancienne fonderie n’est plus que transformations, nous laissant évoluer, ébahi·e·s, tantôt noyé·e·s sous les vagues de Claude Monet et envahi·e·s par ses arbres denses, tantôt intimidé·e·s par les femmes nues de Renoir, qu’on semble surprendre mais qui nous dominent de leur taille gigantesque.
© Culturespaces/Nuit de Chine/Photo : Dominique Chauvet
Une bande-son léchée accompagne parfaitement l’exposition. Elle la divise en sept sections et ajoute un sens supplémentaire au service de l’expérience. “L’impressionnisme”, “Les Lumières de la Méditerranée” et “Les Fauves” se jouent sur fond de valses et de concertos à cordes ; tandis que “Bonnard”, “Dufy” et “Chagall” s’émancipent sous les voix de Billie Holiday, Louis Armstrong et Janis Joplin. Le générique nous fait atterrir en douceur avec une valse, “La Rêverie” bien nommée de Luca Longobardi.
Les motifs et les couleurs qui dansent sur les murs nous font rapetisser, qu’on se trouve face aux couples de Marc Chagall ou sous les personnages dansants d’Henri Matisse. Après la nature verdoyante et éclairée des débuts, la projection nous invite dans des intérieurs feutrés, décorés de portraits et de tapisseries fleuries.
© Lise Lanot/Cheese
Si on se laisse facilement prendre par la main par l’enchaînement des projections, l’Atelier des Lumières nous pousse à ne pas rester immobiles et à explorer et s’aventurer dans les lieux pour varier les points de vue, dans l’ancienne citerne, à l’étage ou dans la tour de séchage. Cette dernière a été retapissée du sol au plafond de miroirs, sur lesquels se répètent à l’infini notre image et les projections de l’exposition, pour un effet hypnotique.
Hommage aux maîtres et place aux contemporains
Après ces 40 minutes d’expérience, l’Atelier propose une ode à Yves Klein et son infini bleu, ce bleu outremer qu’il adoptait il y a soixante ans et déposait sous le nom d'”International Klein Blue”. Pendant une dizaine de minutes, sa quête d’absolu danse sous nos yeux, dans une chevauchée de couleurs où le jaune chasse le bleu et où les pigments s’enchaînent sans se ressembler.
Simulation “Yves Klein, l’infini bleu”. (© Culturespaces/Succession Yves Klein/ADAGP, Paris, 2020)
Enfin, une création contemporaine vient clore l’expérience. Journey est l’œuvre de Nohlab, une équipe formée à l’université d’Istanbul ayant reçu le premier prix du concours organisé par l’Atelier des Lumières en octobre dernier, l’Immersive Art Festival. Le voyage proposé par le collectif turc invite le public à s’intéresser aux photons, “l’un des éléments primaires de la lumière”, de leur naissance à travers les couches de l’œil jusqu’aux neurones.
Jusqu’en janvier 2021, l’Atelier des Lumières est le point de départ d’un voyage dans le temps – historique et artistique – et dans l’espace, le tout sans quitter le 11e arrondissement parisien. L’expérience plaira aux yeux les plus avertis, qui verront avec plaisir des œuvres bien connues sous un nouvel angle, mais aussi (et surtout) à celles et ceux qui s’y intéressent moins et ont peut-être moins l’habitude des musées. Ces dernier·ère·s auront tout le loisir de frotter leurs yeux à une portion de l’histoire de l’art français de façon particulièrement ludique.
© Lise Lanot/Cheese
Simulation “Yves Klein, l’infini bleu”. (© Culturespaces/Succession Yves Klein/ ADAGP, Paris, 2020)
“Journey”, Nohlab. (© Culturespaces)
© Lise Lanot/Cheese
© Culturespaces/Nuit de Chine
“Monet, Renoir… Chagall, voyages en Méditerranée” est visible à l’Atelier des Lumières jusqu’au 3 janvier 2021.