Tout a commencé par une commande du New York Times : Alec Soth a été critiqué pour sa série intitulée The Great Divide, portant sur Englewood, un quartier pauvre de Chicago. L’article qu’il a illustré traitait du fossé social entre deux quartiers américains : à savoir, Englewood et Streeterville. Il a été publié sur la version Web du journal le 5 septembre dernier, environ quatre mois après sa sortie en kiosques. Des internautes ont vite fait le rapprochement entre sa série et le travail de Tonika Johnson, qui documente, depuis des années, le quartier dans le cadre d’un projet sur le long terme.
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Faisant partie de la prestigieuse agence Magnum Photos – laquelle a été sous le feu des critiques concernant des photos de prostitution infantile –, le photographe américain a passé quatre jours (seulement) à Englewood, tandis que la photographe afro-américaine a grandi dans ce quartier et l’immortalise depuis toujours, dans sa série en cours The Folded Map Project. Elle se présente sous la forme d’une cartographie des inégalités sociales à Chicago, en comparant le nord et le sud de la ville.
Certain·e·s ont reproché à Alec Soth de s’être approprié, pour une partie de sa série, un sujet cher à Tonika Johnson et d’être un nouvel exemple d’“homme blanc invisibilisant le travail d’une femme noire”. D’autres s’en prenaient au New York Times, pour l’avoir embauché afin de couvrir ce sujet, surtout après le récent backlash qu’a connu l’agence Magnum.
Des excuses présentées
“Je n’avais pas connaissance du travail de Johnson, je m’en veux pour l’offense que j’ai causée. Je demande pardon à Tonika Lewis Johnson et je regrette d’avoir accepté cette commande”, s’est excusé Alec Soth dans un post Instagram, peu de temps après le début de la polémique. Le New York Times a, de son côté, ajouté une mention du travail de Johnson en début d’article, invitant les lecteur·rice·s à aller consulter son projet.
Soth a renchéri en déclarant qu’il allait faire don de sa paie du New York Times au projet de Tonika Johnson. Cette dernière a accepté les excuses du photographe en précisant (en commentaire d’un post) que c’est le rôle primordial du photographe et de la publication de mener un vrai travail de recherche autour du sujet investi. Elle explique qu’il suffit de googler “Chicago segregation” pour dénicher sa série et éviter ce “vol”.
[…] L’œuvre [de Tonika Johnson] est un exemple de travail engagé à long terme, ce qui est précisément ce dont le monde a besoin en ce moment. Ce dont il n’a pas besoin, ce sont de photographes parachutés dans des situations complexes pour obtenir rapidement du contenu.
Le 4 mai, j’ai été contacté par les rédacteurs de la rubrique ‘Opinion’ du New York Times. Dans le cadre de leur dossier en trois parties sur les inégalités aux États-Unis, ils voulaient que je réalise un reportage photo à Chicago du 7 au 10 mai [2020], les photos étant publiées le 17 mai. On m’a dit qu’un essai photo en ligne serait également diffusé peu de temps après. C’était au début de la pandémie et mon projet personnel a été annulé, alors j’ai accepté la commande.
Quatre mois plus tard, et totalement à l’improviste, j’ai appris par un ami que cet essai en ligne avait été publié. Peu de temps après, j’ai commencé à recevoir des messages sur la similitude avec The Folded Map Project. […] Cela dit, je suis heureux d’avoir été mis au courant de son travail engagé […]. Je vous encourage à consulter également le travail : foldedmapproject.com (lien en bio).”