La vue d’ensemble est apocalyptique – à l’image de la présidence dont il est question. On ne distingue que des zones de couleurs différentes, une teinte beige orangée semblable à sa peau, le jaune de ses cheveux blonds au-dessus. Quelques éléments surgissent : une croix du Ku Klux Klan, un drapeau confédéré, une cible, la lettre Q… En s’y penchant de plus près, tout devient clair : l’œuvre est un tableau composite de milliers d’images découpées, toutes en rapport avec les quatre années de présidence de Donald Trump.
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Le collage est une représentation de l’omniprésence médiatique du 45e président des États-Unis – malgré sa méfiance affirmée à l’encontre desdits médias. L’abondance d’informations visuelles se veut un reflet du “narcissique pathologique” qu’est Trump, selon les termes de l’artiste à l’origine du tableau, Chris Santa Maria. De ses déclarations lunaires aux polémiques l’accablant, il a continué de se présenter en tant que personnage de culture populaire plutôt qu’en homme politique.
“President Trump”, 2016-2020. (© Chris Santa Maria)
Spécialiste des collages, Chris Santa Maria a débuté President Trump dès 2016, la première année au pouvoir de Trump, se sentant incapable de poursuivre son travail habituel : “Cela me semblait alors tout à fait futile de me prendre la tête sur des arrangements de dégradés de jaune, de bleu et de vert”, a-t-il confié à Hyperallergic.
Une inondation iconographique
L’inspiration de ce puzzle dégoulinant lui vient, entre autres, d’un entretien accordé à Steve Bannon, alors directeur exécutif de la première campagne présidentielle de Donald Trump : “[Il racontait] comment il avait mis en place cette campagne de désinformation propagandiste. Sa stratégie était d’inonder la zone de merde. Je me suis rendu compte à ce moment que ce serait l’esthétique sous-jacente à ce travail.”
“President Trump” (détail), 2016-2020. (© Chris Santa Maria)
Le collagiste a amassé des images directement “liées à la présidence, mais aussi à la nature inquiétante de l’ère des médias induite par cette dernière”, souligne Hyperallergic. L’œuvre de 1 m 80 donne à voir des milliers de personnes, d’objets découpés dans les journaux et la presse numérique imprimée depuis quatre ans. Certains morceaux de papier mesurent à peine un centimètre de long et ont été assemblés en écho au Jardin des délices de Jérôme Bosch, au Colosse (attribué à un élève de Francisco Goya), ainsi qu’à la Carte de l’Enfer dessinée par Sandro Botticelli pour La Divine Comédie de Dante.
Des symboles à tous les étages
President Trump est truffée de symboles, à différentes échelles. Chaque découpage a un sens, tout comme la composition. Le vert de la partie inférieure du collage est un rappel à la passion pour le golf qui anime l’homme d’affaires, raconte Chris Santa Maria. La silhouette de Donald Trump (son teint orangé, ses cheveux jaunes, son costume bleu et sa cravate rouge) se détache sur un fond de ciel bleu, tel un “colosse dévorant, qui attrape et écrase tout sur son passage, qui ne laisse rien de bon, de vrai ou de beau”.
“President Trump” (détail), 2016-2020. (© Chris Santa Maria)
La partie supérieure droite semble enflammée, en lien aux récents “désastreux événements”. “C’est ce qui reste derrière lui, une fois qu’il est passé”, affirme l’artiste. Les détails et les références semblent infinis : du mouvement Black Lives Matter (avec Colin Kaepernick un genou à terre) aux luttes anti-sexistes, en passant par les vagues complotistes, la mort de Ruth Bader Ginsburg et les visages de Barack Obama, Kim Jong-un ou encore Adolf Hitler.
L’œuvre déborde et dégouline, elle est un vomissement d’informations semblable à “la compression du temps et de scandales” qui compose le champ d’horizon médiatique américain. Elle est un tourbillon qui laisse une sensation d’étourdissement et de nausée – à l’image de cette présidence ?
“President Trump” (détail), 2016-2020. (© Chris Santa Maria)
“President Trump” (détail), 2016-2020. (© Chris Santa Maria)
President Trump est exposée à la galerie new-yorkaise Jim Kempner jusqu’au 21 novembre 2020.