En avril 1986, lorsque survient la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, Arkadiusz Podniesiński a 14 ans. De cette période, vécue dans sa Pologne natale, il nous raconte se souvenir d’une “agitation inhabituelle” et du “goût terrible des comprimés d’iode qui étaient supposés protéger [leur] corps des isotopes radioactifs”.
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Ces souvenirs ont marqué l’esprit du photographe qui a visité la zone d’exclusion de Tchernobyl en 2008, dès qu’il en a “eu l’occasion”. “Je suis allée à Kiev dès que j’ai pu, puis directement vers la zone fermée, afin de constater l’ampleur des dégâts de mes propres yeux.”
Tchernobyl. (© Arkadiusz Podniesiński)
Dès cette première expédition, Arkadiusz Podniesiński ressent le besoin de documenter les effets des catastrophes nucléaires. Désormais, il “visite Tchernobyl et, depuis 2015, Fukushima plusieurs fois par an”. Les photos prises à chacune de ses expéditions lui permettent de comparer les deux catastrophes, de “suivre les évolutions de [leur] réhabilitation, de visiter des villes et villages abandonnés, de parler à des témoins, des travailleurs, des politiciens et des résidents originaires des villes évacuées”.
Une activité risquée
Ces virées ne se font pas sans obstacles. Les premiers concernent les accès difficiles aux sites. Les années d’expérience du photographe et ses nombreux contacts glanés au fil des années l’aident à accéder à la centrale nucléaire et à d’autres zones contaminées et fermées plus facilement que d’autres curieux·ses.
Fukushima. (© Arkadiusz Podniesiński)
“Le plus grand risque”, souligne Arkadiusz Podniesiński, “concerne les niveaux de radiation” :
“Plus ils sont hauts, moins il est possible d’accéder et de photographier de nombreux lieux très intéressants. Ce problème est partiellement résolu grâce à des costumes et des masques de protection qui empêchent les particules de poussières radioactives de pénétrer à l’intérieur de mon corps.
Malgré cela, le rayonnement gamma peut toujours librement circuler donc la protection la plus importante consiste à suivre le principe de précaution ALARA [‘As Low As Reasonably Achievable’, soit ‘Aussi bas que raisonnablement possible’, ndlr], en évitant de rester trop longtemps ou trop près de la source du rayonnement. Un dosimètre, qui affiche les niveaux de radiation et compte les doses reçues, est aussi extrêmement utile. Grâce à cet outil, je sais où je peux aller, jusqu’où et pendant combien de temps.”
“Horloges brisées à Tchernobyl”. (© Arkadiusz Podniesiński)
“Je veux que les gens tirent leurs propres conclusions”
Le photographe nous affirme vouloir s’éloigner du discours de “nombreux politiciens et d’officiels qui évitent de parler des effets négatifs de la catastrophe”. Au Japon par exemple, “on veut plutôt montrer à quel point le processus de décontamination se passe bien. […] Dans ces situations, d’anciens résidents de la zone m’aident et m’emmènent aux endroits les plus inaccessibles et fermés afin de me montrer par eux-mêmes les conséquences de la catastrophe”, poursuit-il.
Grâce à son travail iconographique, Arkadiusz Podniesiński déclare vouloir “raconter une histoire en images qui aura beaucoup plus de pouvoir que des statistiques froides et des chiffres secs concernant le nombre d’isotopes radioactifs, de victimes et de malades”. Sur le site de l’explorateur polonais, ses photographies sont accompagnées de textes, à la façon d’une visite guidée virtuelle de ces lieux si particuliers.
Tchernobyl. (© Arkadiusz Podniesiński)
Podniesiński insiste sur son refus de céder au sensationnalisme ou de faire le jeu “des lobbyistes de l’énergie nucléaire et des activistes anti-nucléaires”. “Je veux que les gens tirent leurs propres conclusions […] concernant le jugement et le futur de l’énergie nucléaire.”
“Ce que j’aimerais transmettre, c’est que malgré le fait que les catastrophes nucléaires sont très rares et que la probabilité qu’une d’elles ne survienne soit très faible, quand ça arrive, les coûts politiques, économiques et humains peuvent être trop gros pour être absorbés par la société.”
Fukushima. (© Arkadiusz Podniesiński)
Une fascination d’utilité publique
Documenter les effets de ces catastrophes est d’utilité publique pour le photographe, qui note à quel point Tchernobyl est notamment devenu un lieu de fascination historique, où “quiconque peut trouver un intérêt” :
“Les scientifiques peuvent y étudier les causes du désastre. Les médecins peuvent analyser l’impact des radiations sur des organismes vivants. Les artistes trouvent souvent là-bas des inspirations post-apocalyptiques, les explorateurs urbains adorent les bâtiments abandonnés tandis que cinéastes et photographes y tournent des images pour raconter des histoires concernant les conséquences des désastres nucléaires.”
Pour Arkadiusz Podniesiński, les jeunes “devraient aller à Tchernobyl pour voir les effets d’un traitement négligent des énergies nucléaires”. “Nous devrions tous tirer une bonne leçon des événements de 1986”, conclut le photographe.
Tchernobyl. (© Arkadiusz Podniesiński)
Fukushima. (© Arkadiusz Podniesiński)
Tchernobyl. (© Arkadiusz Podniesiński)
Tchernobyl. (© Arkadiusz Podniesiński)
Tchernobyl. (© Arkadiusz Podniesiński)
“Test de radiation humaine avant et après la visite de la centrale”. (© Arkadiusz Podniesiński)
Tchernobyl. (© Arkadiusz Podniesiński)
“Station de contrôle à Tchernobyl”. (© Arkadiusz Podniesiński)
Tchernobyl. (© Arkadiusz Podniesiński)
Fukushima. (© Arkadiusz Podniesiński)
Fukushima. (© Arkadiusz Podniesiński)
Fukushima. (© Arkadiusz Podniesiński)
“Archive photo de Tchernobyl”. (© Arkadiusz Podniesiński)
Vous pouvez retrouver le travail d’Arkadiusz Podniesiński sur son site.