Férue de rap et de peinture, l’artiste a choisi de mêler ses deux passions autour d’un même projet : peindre ses pochettes d’albums préférées.
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Un album qui frappe les esprits, c’est en premier lieu une performance musicale mais aussi des visuels marquants. Si les clips, de plus en plus ambitieux, en sont la preuve, les pochettes d’albums suscitent tout autant la réflexion et l’attention des artistes et du public. Souvent dévoilées en amont des projets, elles constituent la porte d’entrée vers un album, son univers et son histoire.
Ainsi, on se souvient du bébé entouré d’un blanc immaculé de l’album Ready to Die (1994) de The Notorious B.I.G., du drapeau américain reproduit en noir et blanc d’OutKast sur Stankonia (2000) ou encore du rouge sang des rideaux de velours qui encerclent Eminem sur le Eminem Show (2002). Plus récemment, c’est la cover d’Astroworld de Travis Scott, signée David LaChapelle, ou encore celle de Daytona de Pusha T, reprenant un cliché de la salle de bain de Whitney Houston, qui ont marqué 2018.
C’est sur cette facette importante de l’identité visuelle des artistes que Stéphanie Macaigne a choisi de se concentrer. Depuis novembre dernier, la jeune femme de 29 ans – qui partageait jusqu’alors des portraits et paysages nés d’expérimentations à l’encre, au crayon et à la peinture – s’est lancée dans un exercice nouveau : les pochettes d’albums. Une idée qui lui est venue un peu par hasard, au fil d’une discussion avec son ami, Loic Reviews.
“Il m’a montré un des visuels que j’avais réalisé, et m’a dit qu’il aurait pu être une pochette d’UMLA [le dernier album d’Alpha Wann, ndlr]. On avait rajouté le fond avec Photoshop. Comme je ne maîtrise pas les logiciels de retouche, je me disais qu’il fallait que je fasse un truc complètement à la main. On voit aussi beaucoup de réinterprétations numériques de pochettes sur Instagram, je me suis dit que ça pourrait être un peu plus personnel de peindre ces pochettes.”
Des pochettes de Fianso à celles de Travis Scott
À partir de cet instant, Stéphanie se met à revisiter les albums d’Aya Nakamura, Koba LaD, PLK, MHD, Niska, Fianso et bien d’autres. Une manière pour elle d’associer ses deux passions, le rap qu’elle écoute depuis le collège, et le dessin qu’elle pratique depuis la même époque.
Autodidacte, l’artiste a suivi des cours d’art jusqu’au lycée, avant de s’orienter vers une classe préparatoire littéraire puis un master de philosophie et d’allemand, et a commencé à développer son travail lors de son passage en Turquie où elle a exposé ses œuvres à l’encre et à l’aquarelle, inspirée par sa vision d’Istanbul.
“Quand j’ai fait mon exposition à Istanbul, pas mal de peintures ont été travaillées à partir de clichés d’un ami photographe qui faisait des photos de rue là-bas. Du coup, j’ai toujours eu un rapport avec la photo dans mon travail. Aujourd’hui, les pochettes que je réinterprète sont souvent des photos que j’ai appréciées à la base”, nous explique-t-elle.
Mais toutes les photographies ne sont pas bonnes à reproduire et Stéphanie établit sa sélection en tenant compte de deux critères : son intérêt pour l’artiste, mais surtout la lisibilité du visuel. “Il faut que la photographie de la cover de base ait des lignes assez nettes qui puissent permettre d’identifier le visuel au premier regard. Par exemple, la pochette de PLK réalisée par Fifou se prête bien à l’exercice avec sa couleur rouge et ses lignes géométriques.” Ayant choisi de ne pas reproduire les pochettes de façon précise, l’artiste mise sur un coup de pinceau plus brut, mettant en avant le travail des couleurs, des ombres et des textures.
Une technique bien rodée
Si l’exécution peut sembler impulsive, elle n’en est pour le moins pas dénuée de réflexion et d’une bonne dose d’expérimentation : “J’ai d’abord essayé de reproduire une esthétique à la Mondrian, un peu géométrique, mais ça ne rendait pas comme je le souhaitais. C’est pour cela que j’ai tenté cette version un peu floue. Ce qui m’a vraiment plu, c’était le contraste entre le flou des traits de peinture et le net de la typographie.”
Pour arriver à ses fins, cette peintre – qui est aussi professeure durant la journée –, ne compte pas les essais formateurs : “Pour que je sente le truc et pour faire en sorte qu’il y ait un élément ou une ligne qui rappelle vraiment la pochette, je suis obligée de recommencer plusieurs fois ou de réfléchir pendant plusieurs jours. Il y a des visuels que j’aimerais bien reproduire depuis quelques semaines mais je vais vraiment attendre de sentir que j’ai le bon angle pour le faire.”
Des expérimentations qui semblent porter leurs fruits. En deux mois, la jeune femme a attiré l’œil des amateurs de rap et de peinture, mais aussi de ceux des photographes à l’origine des pochettes. Parmi eux, David LaChapelle ou David Delaplace y sont déjà allés de leurs likes et de leurs commentaires sur les toiles de Stéphanie.
Consécration, l’artiste devrait réaliser la cover de Rupture, le prochain EP des beatmakers Le Motif et Junior Alaprod, connus pour leur travail avec des artistes comme Shay, Dosseh, SCH, Damso, entre autres. Une belle manière de boucler la boucle, quelques mois après avoir posté une réinterprétation de la cover de leur premier EP Pompe, et un bout de mission accomplie pour l’artiste qui voulait “réussir à lier le rap et la peinture d’une façon ou d’une autre.”