Pour parler de la question des réfugiés, David Malacrida a proposé à certains d’entre eux de documenter leur quotidien avec des appareils photo jetables.
À voir aussi sur Konbini
Alors qu’il réalisait son premier documentaire intitulé Accueillir et Apprendre, sur les associations qui enseignent le français aux étrangers, le photographe et vidéaste David Malacrida a pu rencontrer certains réfugiés pris en charge dans des centres d’accueil et d’orientation, couramment appelés CAO.
Marqué par ces rencontres, il a rapidement eu envie de raconter en images la vie dans ces centres. Toutefois, mener à bien un tel projet nécessitait des demandes d’autorisations auprès de plusieurs institutions qui auraient probablement été longues et compliquées. Il a donc décidé de contourner le problème, en distribuant des appareils jetables aux réfugiés, pour qu’ils puissent eux-mêmes documenter leur quotidien. Il nous raconte :
“J’ai eu le plaisir de rencontrer des réfugiés qui étaient logés là-bas, je me suis dit qu’en leur donnant des appareils photo jetables, je pourrai faire entrer la photographie au sein des CAO sans passer par un nombre incalculable d’autorisations. Je sais aussi que ce sont des gens qui ont subi de nombreux traumatismes et que ce n’est pas toujours évident [pour eux] d’être pris en photo. Le fait de leur donner carrément l’appareil était un moyen de faire en sorte qu’ils soient plus à l’aise avec le projet, ce qui donne des images plus naturelles.”
Le quotidien, sans artifices
Il leur a donc donné six appareils photo jetables avec pour unique consigne de faire ce qu’ils souhaitaient des appareils. Il a récupéré les jetables deux mois plus tard dans trop savoir à quoi s’attendre. Résultat : trois connaissances, Omar, Rawof et Khairullah, avaient joué le jeu, et les images sont pleines de vie et d’humanité. David Malacrida commente :
“Ces images racontent le quotidien dans toute sa simplicité. Elles dévoilent les locaux, assez impersonnels, qui montrent qu’ils sont de passage. Ces photos les aident aussi à se réapproprier leur image, car certains perdent confiance en eux. Les clichés parlent d’eux et de leur quotidien tout simplement, sans artifices”
Il nous explique aussi que seules les personnes qu’il avait rencontrées personnellement ont accepté de participer au projet, les autres étaient moins réceptives à l’idée d’offrir des images de leur quotidien à un inconnu, chose que comprend parfaitement l’initiateur du projet.
“Il faut parler de la situation !”
Rassemblées dans une série nommée Show me your life, les photos pourraient faire l’objet d’une exposition, même si David Malacrida nous explique que ce projet est surtout une initiative humaine, modeste, qui n’a pas la folie des grandeurs.
“Réussir à montrer les photos, c’est déjà une réussite, l’important c’est de faire passer un message. Le projet principal, c’était surtout de développer les images et de les donner aux personnes qui ont participé au projet. Faire ce projet, c’est aussi pour eux, pour qu’ils aient des souvenirs un peu différents des images stockées sur leur téléphone ou sur Facebook. “
Si vous êtes lecteur assidu de Cheese, cette initiative vous rappellera peut-être Disposable Perspectives, un projet similaire réalisé dans un centre d’accueil à La Chapelle. Les deux projets sont visiblement distincts, car David Malacrida n’avait pas connaissance de ce dernier :
“Je me suis douté que ça avait déjà été fait, parce que je pars souvent du principe que chaque bonne idée a déjà été faite. Je ne cherche pas du tout à être novateur, et tant mieux si ce genre de projets prend vie : plus on parle de la question des réfugiés, plus on parle de la situation. Pour moi, c’est très important. C’est affligeant qu’on ne soit pas capable d’aider durablement ces gens, et encore, ceux dont on parle aujourd’hui ne sont pas ceux dans les pires situations, car ils sont déjà logés, ce qui n’est pas le cas de beaucoup.”
Utiliser le pouvoir de l’image pour parler de cette situation de crise, voilà une initiative intelligente. Par son aspect immersif, le projet Show me your life rappelle l’humanité de ces personnes souvent uniquement qualifiées de “réfugiés”, un terme qui peut être stigmatisant, car il les enferme dans leur statut migratoire et les uniformise. Avant d’être des “migrants”, ils sont avant tout des êtres humains, qui nous invitent à découvrir leur vie en images.