Séisme dans le monde de l’art : Art Basel remplacera la Fiac à Paris

Séisme dans le monde de l’art : Art Basel remplacera la Fiac à Paris

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© Sean Zanni/Patrick McMullan via Getty Images

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Par Donnia Ghezlane-Lala

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Art Basel souhaite "proposer une semaine vibrante qui viendra confirmer la place de capitale culturelle qu’occupe Paris sur la scène mondiale".

C’est un coup de tonnerre. Pour renforcer son “rayonnement mondial”, Paris a décidé de miser sur le géant Art Basel pour succéder à la Fiac, qui exposait depuis près d’un demi-siècle dans la capitale française. La foire d’art contemporain Art Basel, propriété du groupe suisse MCH, se déroule chaque année à Bâle en Suisse, à Miami et à Hong Kong.

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Les organisateur·rice·s souhaitent “proposer une semaine vibrante qui viendra confirmer la place de capitale culturelle qu’occupe Paris sur la scène mondiale”. Art Basel avait postulé pour la Ville Lumière en novembre 2021 et a été retenue ce 26 janvier, par le conseil d’administration de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais (RMN–GP), suite à un appel d’offres lancé le 8 décembre, rapporte l’AFP.

Elle succède ainsi à la Fiac, après 47 ans d’existence. Son propriétaire RX France, filiale de l’anglo-néerlandais RX, a déclaré dans un communiqué “regretter vivement cette décision prise brutalement”. Il dénonce “une procédure précipitée et biaisée” qui “impacte l’ensemble de l’écosystème lié à l’art contemporain”. Pour la RMN–GP, l’enjeu est de pouvoir s’appuyer sur “une dynamique d’investissement indispensable face à l’évolution du marché des foires d’art, de plus en plus exigeant, et sur une forte capacité d’innovation”.

L’appel à concurrence visait aussi Paris Photo, avec ses 24 ans d’ancienneté, également propriété de RX France, et “plus forte marque dans le monde du marché de la photo”, a ajouté la RMN–GP. Les groupes MCH et RX devront s’engager sur une durée de sept ans, pour un coût global estimé à 10,6 millions d’euros pour Art Basel et de 7,5 millions d’euros pour Paris Photo hors frais techniques, selon l’appel d’offres. Parmi ses soutiens financiers, Art Basel comprend l’anglo-américain James Murdoch, fils du magnat de la presse Rupert Murdoch, actionnaire à 30 % du groupe MCH et “enthousiaste” face à l’arrivée de la foire à Paris.

Une place de choix donnée aux galeries françaises

L’arrivée du mastodonte suisse a suscité des remous dans le milieu de l’art, les plus petites galeries et artistes redoutant de se voir évincer de l’événement annuel d’art contemporain parisien, notamment en raison de tarifs prohibitifs.

“Nous n’avons écarté personne mais choisi la candidature qui portait le mieux l’ambition de tirer parti de la singularité et de la spécificité de Paris”, dit à l’AFP la RMN–GP. L’Art Basel parisienne “ne sera pas un satellite de la foire de Bâle”, assurent les organisateur·rice·s, souhaitant “une marque spécifique” – dont le nom n’est pas encore fixé – et promettant “une politique tarifaire maîtrisée afin que le prix des stands n’explose pas”.

Il s’agit de “porter une attention particulière à la place des artistes français et des galeries françaises”, de “créer des passerelles” entre l’art contemporain et les différentes industries culturelles comme “le cinéma, la mode, la musique ou le design”. La “nouvelle entité française” sera administrée “par des équipes basées à Paris”, et travaillera “main dans la main avec la communauté des galeries françaises”, promet Art Basel.

Une promesse “spectaculaire”

L’ambition de la RMN–GP inquiète en revanche les plus petites galeries qui craignent de se voir évincer de la future grande foire d’art contemporain, alors que la part de celles émergentes et de taille intermédiaire se situait autour de 30 % à la Fiac.

Pour la présidente du Comité des galeries d’art, Marion Papillon, l’arrivée de ce géant à Paris “chamboule le paysage des foires bien au-delà de la France, avec une concentration de grands acteurs” face à laquelle elle espère “voir se développer d’autres modèles [de salons] plus petits”, dit-elle à l’AFP. “Le risque est qu’on perde la spécificité de la scène locale au profit d’une uniformisation pas forcément bonne pour le marché français.”

“Je suis très enthousiaste à l’idée de ce changement”, commente auprès de l’AFP le galeriste David Zwirner. “Ceux qui participent à la Fiac depuis des années vont devoir s’ajuster mais je suis certain que l’arrivée d’Art Basel va être spectaculaire”, dit-il.

Le syndicat de l’événementiel Unimev a dénoncé, dans une lettre au président de la RMN–GP, Chris Dercon, “des agissements discriminatoires au détriment de l’intérêt général d’un secteur” et “de nature à amener les organisateurs [de foires et salons] à s’interroger sur l’intérêt de choisir Paris et plus globalement la France comme destination”.

“Ce qui importe, c’est que Paris, que beaucoup nous envient, continue de se développer et puisse avoir la meilleure foire d’art contemporain possible, réunissant les petites, moyennes et grandes galeries du monde, et soit le reflet de notre époque”, commente Kamel Mennour, galeriste international, interrogé par l’AFP.

Cette année, la foire Art Basel sera visible du 20 au 23 octobre et Paris Photo du 10 au 13 novembre, au Grand Palais Éphémère, en attendant la réouverture du bâtiment historique en travaux, prévue en 2024.

Konbini arts avec AFP