Jusqu’au 20 mai 2018, la Maison européenne de la photographie rend un hommage à la scène française à travers une exposition collective très personnelle : de Pierre et Gilles à Françoise Huguier en passant par Raymond Depardon, Bettina Rheims et Sebastião Salgado.
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Avant de tirer sa révérence, le directeur et fondateur de la Maison européenne de la photographie Jean-Luc Monterosso voulait mettre la French Touch de la photographie au cœur de la curation de son ultime exposition. Il l’a fait avec brio en puisant dans la collection de la MEP, “pour illustrer ce qui était alors cette ‘jeune photographie’ française en plein devenir – dont les acteurs avaient 30 ans, comme moi, à l’époque”, explique-t-il.
À travers “La photographie française existe… Je l’ai rencontrée”, le directeur sur le départ veut prouver à un certain John Szarkowski, conservateur de la collection photographique du MoMA, que la photographie française contemporaine existe bien, qu’elle est riche, belle et variée. En effet, ce dernier était persuadé du contraire : “Elle n’existe pas”, attestait-il dans les années 1980. “Oui, la photographie française existe, j’ai eu la chance de la rencontrer et même, parfois, le bonheur de l’accompagner”, surenchérit Monterosso dès le début de la visite, plus de trente ans après :
“Cette phrase lancée pourtant sans provocation et le plus naturellement du monde comme une évidence n’allait cesser de m’obséder. […]
Plus de trente ans après, à l’occasion de mon départ de la Maison européenne de la photographie, alors que Paris est redevenue une grande capitale de l’image fixe, il m’a paru légitime de tenter d’apporter une réponse.”
Made in France
L’exposition réunit le travail d’une cinquantaine de photographes made in France. On y trouve des images d’un Irak ravagé, signées Laurent Van der Stockt ; les photos enchanteresses du duo Pierre et Gilles ; un peu d’ORLAN et de JR ; les portraits de Bettina Rheims qui questionnait déjà le genre ; le reportage de Raymond Depardon qui documentait la vie à New York pour Libération ; celui de Sebastião Salgado, au cœur des gisements de pétrole au Koweït ; ou encore les œuvres touchantes, entre littérature et photographie, d’Hervé Guibert.
Un bel aperçu du visage de la photographie d’aujourd’hui, qui a également marqué l’histoire de la Maison européenne de la photographie et de ses murs blancs. Cette curation n’a pas vocation à être exhaustive ou exacte, elle est ficelée à l’image de la mémoire de son curateur, c’est-à-dire une mémoire qui flanche à travers un récit avec “des oublis et des absences”. En revanche, ses partis pris, ses convictions et ses relations affectueuses avec les photographes ont joué un rôle crucial dans sa sélection :
“En n’évoquant que des œuvres de photographes de ma génération, j’ai conscience de passer sous silence une partie pourtant essentielle de ma vie professionnelle : mes rencontres avec ceux qui, depuis les années 1950, ont incarné la photographie française, Izis, Lartigue, Doisneau, Ronis, Boubat, Cartier-Bresson, Sieff, Riboud… mais également tous ceux qui continuent à l’incarner aujourd’hui comme Sabine Weiss, Frank Horvat ou encore William Klein, dont l’œuvre en perpétuel mouvement ne cesse de m’étonner. Ces grands aînés m’ont nourri”, concède Jean-Luc Monterosso.
C’est à l’ancien curateur de la photo au Tate Modern, Simon Baker, que Jean-Luc Monterosso donne les clefs de sa Maison, après plus de vingt ans de bons et loyaux services. Et on se doute que la Maison va continuer à bien tourner. À Monterosso de conclure : “Aujourd’hui, je ressens un besoin impérieux : celui de transmettre. Transmettre sans nostalgie du passé, sans remords pour le présent et, m’inspirant d’une célèbre phrase de Jaurès, transmettre avec une confiance inébranlable dans l’avenir.”
“La photographie française existe… Je l’ai rencontrée”, exposition jusqu’au 20 mai 2018 à la Maison européenne de la photographie.