Argile, craie, sable… Au Museum of Edible Earth, le public a de quoi manger. Fondée par l’artiste masharu, l’institution amstellodamoise propose de goûter à quelque 400 échantillons de sols comestibles issus de 34 pays différents.
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Le musée invite ainsi à découvrir le pendant contemporain de la géophagie, une pratique qui consiste à manger de la terre, à travers une approche qui croise recherche scientifique et questionnements culturels. “En tant qu’humain·e·s, nous avons tous un lien au sol : nous venons de la terre et nous y reviendrons, la terre nous nourrit, nous donne un endroit où vivre… C’est un peu comme notre parent”, pose l’artiste.
Performance collaborative “Intercourse avec argile” par masharu, Kristi Oleshko, Anton Tarasenko and Katerina Sleptsova pendant le Potok Festival, Russie, 2019. (© Evgenija Beljakova)
Amoureux·se de la terre, masharu y a goûté pour la première fois à l’âge de deux ans et n’a connaissance de ce moment qu’à travers les souvenirs de sa grand-mère : “J’avais mangé du sable et de l’argile et quand ma grand-mère l’a rapporté à ma mère, celle-ci lui aurait répondu que si un·e enfant voulait manger de la terre, alors iel devait en manger” retrace masharu, avant de préciser que sa mère ne se souvient pas de cette réaction et possède sa propre version des faits.
Ce n’est qu’à sa vingtaine, alors en doctorat de mathématiques, que masharu a voué une passion à la terre, intellectuellement comme gustativement. L’artiste a commencé à croquer des sols, à se documenter sur leur provenance et leur composition et son projet artistique interdisciplinaire a pris racine.
Stanislava Monstvilene, une mangeuse de terre connue en Lituanie, 2018. En collaboration avec Miša Skalskis. (© masharu)
Questionner les traditions culturelles
Dans le musée que masharu a fondé, on retrouve ainsi de nombreux types de sols rapportés de voyages ou achetés sur la Toile, mais également des représentations d’analyses chimiques, des photos, des vidéos et de la documentation, toujours sur la thématique de la terre.
Le public fait d’ailleurs partie intégrante du projet, puisque celui-ci est largement invité à dépasser la barrière de ce qui est censé être mangeable ou non pour goûter aux échantillons de sols collectés par masharu.
Collaboration du Museum of Edible Earth avec VADA Verein zur Anregung des dramatischen Appetits and SasaHara à Jugendstiltheater Klagenfurt/Celovec pendant le Festival Klagenfurt, Autriche, 2022. (© Felix Strasser)
La géophagie étant considérée comme un trouble alimentaire dans certaines régions du monde dont l’Occident, le positionnement artistique de masharu remet en question les fondements culturels de l’alimentation.
“Qui décide de ce qui est de la nourriture et de ce qui n’en est pas ? Quelle signification trouve-t-on derrière le fait de manger des choses considérées comme non comestibles ? Il est déconseillé de manger de la terre, mais il est également déconseillé de manger des champignons cueillis en forêt, chose que de nombreuses personnes font quotidiennement”, argumente l’artiste.
Pour se faire sa propre idée sur le sujet, il ne reste plus qu’à croquer dans un morceau d’argile Nakumatt fumée d’Inde, de calcaire de Russie ou à d’argile médicinale Luvos d’Allemagne.
Festival Ars Electronica, Kepler’s Gardens, 2021. (© Jonny Bliss)
Museum of Edible Earth, 2019. (© masharu)
Museum of Edible Earth in Eto Zdes, Studio 4413, Saint Petersburg, Russie. Organisé par Alexandra Orlova. (© Ekaterina Shelganova)