Narciso Contreras a mis en images le trafic humain qui sévit en toute impunité en Libye, état par lequel transitent les migrants essayant de rejoindre l’Europe.
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Cela fait bientôt six ans maintenant que la révolution a éclaté en Libye et que Mouammar Kadhafi s’est fait capturer puis tuer par les rebelles. Son peuple étouffait à cause du régime totalitaire qu’il avait mis en place depuis les années 1970. Entre-temps, et sous l’impulsion du Printemps arabe, la Syrie s’est soulevée puis a vu son peuple souffrir, mourir, sous les coups de l’armée de Bachar el-Assad, des menaces terroristes et des tentatives de défense des armées dites rebelles. La nécessité pour le peuple syrien de fuir une patrie en feu a mis en lumière une crise migratoire qui existait bien avant la révolution syrienne sur le continent africain et au Moyen-Orient, et qui s’est amplifiée après celle-ci.
Depuis six ans que la Libye a vécu ce bouleversement de régime, le regard des forces internationales ne s’est que très peu porté sur le pays, ne le voyant que comme un état du Maghreb par lequel transitent les migrants des pays arabes et africains tentant de rejoindre l’Europe. Narciso Contreras, photographe récipiendaire d’un prix Pulitzer en 2013 pour son travail en Syrie, est parti en Libye, cet “état dénué de gouvernement dans lequel des groupes armés se battent pour leur terre et ses ressources ainsi que pour des armes, et dans lequel des réseaux de passeurs opèrent en toute impunité”, précise un article de Reuters. Le photographe a gagné le Prix pour le photojournalisme de la Fondation Carmignac pour cette série sur ce trafic abject d’humains.
Les personnes qui traversent la Libye se trouvent souvent déjà bien avancées dans leur trajet, sans le sou, épuisées et affamées, parfois dépouillées de leurs vêtements, de leurs espoirs et de leur souffle. Déjà à la merci des passeurs qui les arnaquent en leur extorquant des sommes astronomiques pour les faire passer des frontières de façon on ne peut plus dangereuse, ils se retrouvent aussi sous le joug des marchés d’esclaves, dans ce pays si proche des côtes européennes.
Une violation des droits de l’homme sur laquelle on ferme les yeux
C’est le cas en Libye, un pays devenu un véritable “marché humain”, comme l’indique le nom de l’expo photo de Narciso Contreras à la galerie Saatchi de Londres, “Libya : a Human Marketplace”. En plus de se voir réduit à l’état d’esclavage, le sort de ces personnes en transit est complètement ignoré à l’échelle internationale, déplore le photographe :
“Cette crise humanitaire des migrants essayant de rejoindre l’Europe est bien documentée, et c’est une histoire que les autorités libyennes veulent raconter. Mais ce vaste trafic d’êtres humains est complètement mis à l’écart. C’est une violation des droits de l’homme qui doit être prise à bras-le-corps par la communauté internationale.”
La plupart des migrants, rapporte Reuters, sont originaires du Nigeria, du Sénégal et de la Gambie et sont capturés “sur leur route vers le nord de la côte libyenne, là où ils espèrent monter à bord d’un bateau en direction de l’Italie”. Pour ces trafiquants, une vie humaine vaut entre 200 et 500 dollars (entre 180 et 450 euros). Narciso Contreras est allé à la rencontre de migrants, de passeurs et de la population afin de témoigner des atrocités de cette traite d’êtres humains. Photographiant autant des centres de détention que les esclaves exploités sexuellement, forcés de payer des rançons ou de travailler, Contreras expose crûment la déshumanisation totale de ces endroits.
Les images du photographe d’origine mexicaine sont difficiles à regarder, elles prennent à la gorge tant on a du mal à s’imaginer que de telles situations puissent exister à notre époque, en 2017, et si proches de nous. Elles sont cependant nécessaires, puisqu’elles permettent de rendre compte des horreurs parallèles à cette crise migratoire qui n’en finit pas de briser des vies.
Libya: A Human Marketplace est exposée à la Galerie Saatchi à Londres jusqu’au 16 juin 2017.