C’est la fin d’un calvaire de plusieurs mois pour Negzzia. Le 7 juin, elle recevait un courrier de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) l’informant que sa demande d’asile avait été acceptée. Un document qui signait le début de la nouvelle vie de cette Iranienne de 27 ans, arrivée à Paris il y a plusieurs mois.
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Née à Téhéran, Negzzia, comme elle se fait appeler dans le milieu, a d’abord été photographe, avant de passer de l’autre côté de l’objectif. Rapidement, les contrats s’enchaînent et sa carrière de modèle décolle : elle participe à des défilés, et son visage devient celui de plusieurs grandes marques dans des campagnes de pub. Mais la mannequin, suivie par 122 000 abonné·e·s sur Instagram, décide de braver le régime des mollahs et commence à poser dénudée pour des marques de lingerie, dans un pays où la nudité est sévèrement punie.
Comme l’explique Le Parisien, “le milieu de la mode est extrêmement surveillé en Iran et est régulièrement l’objet de ‘descentes’ contre les photographes ainsi que les mannequins qui sont alors jetées en prison sans ménagements, voire disparaissent quelques mois”. C’est la “police de la Vertu” qui se charge de traquer celles et ceux qui ne respectent pas les lois.
Dénoncée pour ses photos par un photographe arrêté lors d’une rafle, Negzzia risque l’emprisonnement et des coups de fouet, au mieux. “J’avais fait des photos de mon tatouage de dos avec lui et à ce moment-là, il avait essayé de me violer. Après m’être échappée, j’avais prévenu les autres filles qui travaillaient avec lui via les réseaux sociaux. Il m’avait menacée de ne plus travailler dans le milieu. Il s’est vengé en me dénonçant […] C’est mon corps, je fais ce que je veux. Montrer ce que vous portez n’est pas ce que vous êtes”, confie-t-elle au Parisien.
Pour échapper aux autorités, elle se voit contrainte de fuir son pays.
La mannequin s’installe d’abord à Istanbul en Turquie, avec 300 euros pour seules économies. Elle parvient à décrocher quelques contrats avec des agences, notamment grâce à sa notoriété en Iran.
Mais Negzzia, qui ne quitte pas ses idées féministes, juge encore cette ville trop “rétrograde”, et nourrit d’autres projets : son rêve, c’est Paris. Le temps de se constituer une petite réserve financière, elle délaisse les rives du Bosphore pour rejoindre la capitale de la mode, en octobre dernier.
Pas d’asile, pas de travail
À son arrivée, elle enchaîne les nuits dans des hôtels, tout en effectuant les démarches pour obtenir l’asile. Elle dépose officiellement sa demande le 13 novembre. Mais rapidement, elle voit ses maigres économies s’épuiser. Démoralisée et démunie, Negzzia passe ses premières nuits dans la rue. Elle s’installe sur des bancs pour y dormir, avant de trouver refuge dans un parking, où elle est à l’abri du froid pendant l’hiver.
Si son rêve parisien s’est autant abîmé, c’est parce que Negzzia n’a pas le droit de travailler en France. Pour cela, il lui faut obtenir le statut de réfugiée, or la procédure est longue et compliquée. Elle parvient à faire quelques shootings, mais n’en tire pas d’argent : à défaut d’en vivre, elle peut au moins approvisionner son compte Instagram en photos, ce qui lui offre une certaine visibilité. Côté financier, elle ne peut compter que sur les 6,80 euros d’indemnité qu’elle reçoit tous les jours en tant que demandeuse d’asile.
“On m’a fait rencontrer un Français qui voulait m’aider. Mais rapidement, il est devenu agressif, il voulait en fait faire de moi une strip-teaseuse ! J’ai refusé, il m’a insultée : ‘Tu es une esclave, je te ferai pleurer’, avant de me cracher au visage. […] Je me suis enfuie. J’étais détruite par toutes ces sollicitations. J’ai même été tentée de me tuer trois fois à Paris, de me jeter sous un métro. […] Je n’ai pas besoin d’aide. Je ne suis pas venue à Paris pour devenir une pute.”
Elle dépense la majorité de son argent dans une salle de sport, pour ne pas perdre de vue son objectif de mannequinat. Et ce devait être le bon choix, puisque ce sont ses amis de la salle qui, touchés par sa situation, se sont débrouillés pour lui trouver un hébergement temporaire.
“J’ai fait ce qu’il fallait pour me rapprocher de mon rêve”
Dans la presse internationale, cette mannequin star dans son pays, devenue sans-abri à Paris, attise la curiosité. Après avoir fait couler l’encre des journaux turcs, c’est au tour des médias italiens puis français de raconter son histoire, déclenchant ainsi la solidarité des lecteurs·rices, ému·e·s par son parcours.
Le 2 juin, la situation de Negzzia semble plus que jamais prête à évoluer : le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner partage sur Twitter le portrait que Le Parisien a fait d’elle. “L’asile lui sera naturellement proposé. L’OFPRA me l’a confirmé. Ses services sont en contact avec elle, son dossier examiné avec l’attention bienveillante due à sa situation”, annonce-t-il. Une réaction qui a divisé, jugée sélective et peu équitable, si on pense aux autres demandeurs·euses d’asile sur la liste d’attente.
Quelques jours plus tard, c’était officiel : l’OFPRA lui accordait officiellement le statut de réfugiée en France. Le même jour, la mannequin publiait une vidéo sur Instagram dans laquelle on la voit, concentrée, prendre la pose dans un appartement parisien. Sous ces images montrant son début de carrière dans la ville lumière, elle écrivait ces quelques lignes : “Peu importe ce qui arrive, je n’ai pas de regrets parce que j’ai fait ce qu’il fallait pour me rapprocher de mon rêve. Merci de me laisser la chance de me sentir en vie à nouveau.”