Les pleureuses grecques au cœur d’un projet photo émouvant sur le deuil et la mort

Les pleureuses grecques au cœur d’un projet photo émouvant sur le deuil et la mort

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© Ioanna Sakellaraki

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Par Lise Lanot

Publié le

À la mort de son père, Ioanna Sakellaraki a entrepris ce projet à la frontière entre l’imaginaire et le réel.

À la mort de son père, l’artiste grecque Ioanna Sakellaraki a fait de son deuil le point de départ d’un projet photo centré sur “le deuil collectif dans la société grecque, l’intersection de rites ancestraux, les traumatismes privés et le passage du temps”, nous confie-t-elle.

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Durant cinq ans, la photographe s’est intéressée aux “dernières communautés de pleureuses de Magne” (péninsule du Péloponnèse), ces personnes qui, depuis l’Antiquité, personnifient la douleur du deuil en pleurant et se lamentant aux enterrements. Immortaliser cette “tradition qui se meurt” a permis à Ioanna Sakellaraki d’interroger la façon dont les êtres humains tentent, tant bien que mal, de “s’adapter à la mort”.

The Truth is in the Soil. (© Ioanna Sakellaraki)

Le projet a commencé, en 2017, de façon documentaire. La photographe affirme qu’il lui était crucial de “travailler sur le terrain, trouver les vraies femmes et documenter leur réalité dans leurs petits villages éloignés du Magne”. Cette première étape et les images qui en découlaient ont convaincu Ioanna Sakellaraki d’étendre sa réflexion à la “mémoire et la perte de mémoire” intrinsèquement liées au deuil. Pour cela, elle a travaillé ses images documentaires en postproduction, les rapprochant doucement d’un travail plus abstrait et onirique.

“J’ai commencé à expérimenter en retouchant mes négatifs, en jouant avec les inversions d’ombre et de lumière, les reliefs et les contours, en explorant […] les silhouettes”, énumère l’artiste. Ces modifications et mélanges des genres et des matières ont permis à Ioanna Sakellaraki de donner corps à la perte.

The Truth is in the Soil. (© Ioanna Sakellaraki)

Ses images modifiées racontent “la perte irréversible et graduelle du disparu dans l’esprit des vivants et la reconstruction des souvenirs”. Vu dans son ensemble, le projet ouvre une dimension supplémentaire, intangible, comme une métaphore des rituels ancestraux de celles qu’elle a photographiées. “Le dialogue entre le documentaire et le processus créatif […] permet au récit d’être détourné entre des espaces imaginaires et réels, créant un endroit où la mort peut exister.”

Cinq ans après avoir commencé ce projet, et alors qu’il prend désormais la forme d’un livre intitulé The Truth is in the Soil, la photographe estime que ce processus l’a aidée : “Je pense que la photo peut nous aider à surmonter des périodes difficiles”, conclut-elle. En plus de lui avoir permis de se retrouver et d’interroger son évolution personnelle à l’ombre de sa perte, elle rapporte s’être “reconnectée à [sa] terre d’origine”, un lieu où “la mort permet de se faire rencontrer la famille, la religion, la mythologie et soi-même”.

The Truth is in the Soil. (© Ioanna Sakellaraki)

The Truth is in the Soil. (© Ioanna Sakellaraki)

The Truth is in the Soil. (© Ioanna Sakellaraki)

Le livre de Ioanna Sakellaraki, The Truth is in the Soil, est disponible aux éditions Gost Books.