Les guerres de gangs du Salvador documentées par Tariq Zaidi

Les guerres de gangs du Salvador documentées par Tariq Zaidi

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© Tariq Zaidi

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Par Lise Lanot

Publié le

Pendant trois ans, le photographe a documenté les conséquences de la rivalité des gangs à l’échelle du pays.

“Tuer, violer, contrôler.” C’est par ces trois mots que s’ouvre Sin Salida, l’ouvrage photographique de Tariq Zaidi consacré aux guerres de gangs au Salvador. Cette “devise” est celle des Mara Salvatrucha (MS-13), un gang “devenu célèbre, au même titre que son rival, Barrio 18, à travers l’Amérique centrale et du nord pour sa violence brutale et sa poigne de fer sur les communautés”, lit-on dans l’ouvrage.

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C’est en 2018 que le photographe a commencé à photographier le Salvador – le plus petit pays d’Amérique centrale certes, mais doté d’un des plus hauts taux de mortalité du monde. Tariq Zaidi a documenté une situation sous tension, autant dans les rues, régies par la peur, que dans les centres pénitentiaires, de plus en plus remplis.

Des détenus regardent par la fenêtre depuis une section où ont été introduites des “mesures extraordinaires” dans le centre pénitentiaire de Quezaltepeque. (© Tariq Zaidi)

Le nombre de personnes forcées à s’exiler à cause de la violence subie au quotidien (“une violence souvent accompagnée de machetes, avec des références sataniques et occultes”, précise Tariq Zaidi) a poussé le président Nayib Bukele à établir une “tolérance zéro” plébiscitée par la population mais “critiquée par nombre d’observateurs des droits humains à l’international”.

L’omniprésence de la violence et ses conséquences

Le projet de Tariq Zaidi a duré trois ans, débutant par des préparatifs organisés avec des fixeur·se·s, et de longs mois de prises de contact pour se faire accepter par les différents partis immortalisés dans le livre. L’objectif du photographe était de montrer toute l’étendue des conséquences de cette violence.

L’enterrement d’un jeune de 22 ans, dont on suppose qu’il faisait partie d’un gang, dans le cimetière municipal de Chapeltique, à San Miguel. Il fait partie des quatre personnes tuées lors d’une confrontation avec des agents d’une unité spéciale de police dans un camp de la jungle. (© Tariq Zaidi)

L’artiste confie s’être intéressé au sujet après les déclarations de Donald Trump, alors président des États-Unis, qualifiant les émigré·e·s d’Amérique centrale de “criminels”. “Je voulais étudier le genre de vie que ces personnes laissaient derrière elles. Je voulais montrer au monde la véritable dystopie qu’est devenu le Salvador et à quel point l’ampleur, l’échelle et la barbarie de cette violence sont éloignées de tout ce que la plupart d’entre nous ont connu.”

Bien que documentaires, les images de Sin Salida demeurent le plus douces et humaines possibles, par respect pour ces “Salvadoriens qui se battent pour des droits humains élémentaires, pour la sécurité de leurs enfants et de leur famille”. “L’effondrement des normes sociales exacerbe la situation : les jeunes grandissent dans des conditions de guerre et se sociabilisent grâce et à l’intérieur des gangs. L’omniprésence de la violence a un effet dévastateur sur un développement psychologique normal.”

Un passant observe la rue qui vient d’être sécurisée par la police, se tenant autour du cadavre d’une victime de meurtre, touchée par huit balles sur la 38e South Avenue, Terminal de Oriente, Lourdes, San Salvador. (© Tariq Zaidi)

Les pages du livre oscillent entre patrouilles d’uniformes, quotidien pénitentiaire, rues bouclées par la police et veillées funèbres de personnes – souvent très jeunes.

Le ciel est peu visible, le photographe se concentrant sur des portraits de détenu·e·s, les visages de proches penchés sur des cercueils, l’horizon bouché des prisons ou l’obscurité des rues, comme un écho au titre et à son triste constat, celui d’une situation “sin salida”, sans issue.

Une patrouille fouille un passant à la recherche d’armes et de tatouages dans la municipalité d’Apopa. (© Tariq Zaidi)

Des détenues présentent leurs créations de mode dans le cadre du programme Yo Cambio (“Je change”), qui vise à réhabiliter les détenu·e·s du centre pénitentiaire de Quezaltepeque. (© Tariq Zaidi)

Un homme prépare des cercueils dans son atelier sous le regard de ses chèvres. (© Tariq Zaidi)

Un membre de la MS-13 âgé de 27 ans au centre pénitentiaire de Chalatenango. (© Tariq Zaidi)

Un policier en patrouille à San Martín. (© Tariq Zaidi)

Dans le centre pénitentiaire de Chalatenango. (© Tariq Zaidi)

Des détenus font de la gymnastique dans le centre pénitentiaire de Chalatenango. (© Tariq Zaidi)

Miguel Ángel (à gauche) et Cesar Barrio (au centre) préparent le cercueil pour la veillée funèbre d’un homme de 37 ans tué lors d’une fusillade à moto à Colonia Santa Cristina, Barrio Santa Anita. (© Tariq Zaidi)

Vue de San Salvador depuis le Mirador del Boquerón. (© Tariq Zaidi)

Le livre de Tariq Zaidi Sin Salida est disponible aux éditions Gost. Vous pouvez retrouver son travail sur son site ainsi que sur ses comptes Instagram et Facebook.