Les drames vécus par les migrants placardés dans nos rues

Les drames vécus par les migrants placardés dans nos rues

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© Conversations From Calais

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Par Lise Lanot

Publié le

Un projet de street art, transformé en compte Instagram, vise à mettre en lumière des récits de vie invisibilisés ou déformés.

Pendant un an et demi, Mathilda, graphiste, s’est rendue dans le Nord de la France afin d’apporter son aide aux campements transitoires de Calais. À chacune de ses allées et venues, elle ressentait le besoin de partager” ce qu’elle “voyait”, “entendait” et “vivait”. “J’étais tellement énervée par la façon dont les migrants étaient présentés dans les médias, je voulais changer cela en rappelant, en documentant et en commémorant des discussions banales mais intimes, auxquelles chacun peut se sentir liés”, nous confie Mathilda.

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C’est pour “réhumaniser les personnes affectées par les crises migratoires” qu’elle a créé Conversations From Calais, un projet de street art devenu un compte Instagram. Mathilda a commencé par coller dans les rues de Londres des extraits de ses conversations avec des personnes en transit à Calais. Une fois partagé sur Instagram, son projet a gagné en visibilité et, depuis, des bénévoles lui partagent également leurs échanges anonymisés.

Les quelque 320 échanges publiés sur Instagram racontent des deuils, des trajets funèbres à travers la Manche et la Méditerranée, des blagues qui créent des nœuds dans la gorge et des interrogations languissantes. Inspirée par les bénévoles œuvrant à Calais et décidée à “ne pas rester silencieuse”, la créatrice du projet entend “écouter les voix qui ont toujours été marginalisées, transmettre des histoires humaines qu’on n’entend pas et donner aux gens des solutions afin de créer le changement qu’ils aimeraient voir dans ce monde”.

Sur les affiches, les “you” (“tu”) des citations s’adressent aux réfugié·e·s et non pas aux passant·e·s qui tomberaient dessus : “C’est une façon de donner de la place aux milliers de personnes déplacées coincées à Calais qui essaient de rejoindre le Royaume-Uni et dont les voix sont si souvent passées sous silence.”

Mathilda colle ses affiches à Londres, où elle vit, et a collaboré avec des marques afin d’obtenir de plus larges emplacements dans l’espace public. Si Mathilda est seule à gérer le compte, des “personnes collent les images dans le monde entier dans de nombreuses langues différentes. Jusqu’ici, elles ont été collées dans plus de cinquante villes de cinq continents”.

Qu’importe où les textes sont collés, ils semblent susciter des réactions similaires : “La plupart des gens sont choqués de découvrir la réalité de Calais aujourd’hui”, note la créatrice du compte. Cette dernière espère que le public éprouvera “colère, frustration et honte” et se rendra compte qu’“il n’y a pas d’autre alternative que de sortir de ce système cassé qui ne traite que certaines personnes comme des êtres humains”. “Je sais que tout le monde ne ressentira pas la même chose, et certaines personnes préféreront ignorer cela mais au moins, elles ne pourront pas dire qu’elles ne savaient pas.”