“Des gifles, des coups, des menaces d’être brûlée à l’acide”, “séquestrée, violée”, “rouée de coups, brûlures de cigarettes, crachats, insultes”, “nez cassé parce que dit bonjour au voisin”, “coup de boule, arcade éclatée, plus une série de coups de poing”, “des ecchymoses sur le corps de mon enfant”, “mes plaintes classées sans suite”… Ces témoignages qui tentent de dire l’indicible, Marc Melki en a recueilli un paquet dans le cadre de son projet intitulé Après les violences.
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“Au départ, c’est parti d’une commande de l’association Droits d’urgence“, nous raconte au téléphone le photographe français qui monte une exposition de 25 portraits pour le 25 novembre, en Drôme, à l’Hôtel de ville de Bourg-lès-Valence. C’est en lisant le récit d’une survivante de violences conjugales, qui est parvenue à sortir de l’emprise de son mari, que Marc Melki a eu envie réaliser une série dénonciatrice. Ce témoignage qui l’a marqué est paru dans Libération, fin 2020, en pleine pandémie, alors que les violences conjugales et intrafamiliales augmentaient au fil des confinements successifs.
Alison Blondy. (© Marc Melki)
“Cette série, c’est pour que les femmes ne se sentent pas seules”
Petit à petit, grâce au milieu associatif et à ses rencontres, le photographe parvient à avoir davantage accès à des femmes victimes et survivantes de violences sexistes, sexuelles et psychologiques au sein de leur foyer, qui acceptent de partager leur histoire. Parmi les personnes et organismes qui l’ont aidé à rencontrer ses sujets, Melki cite les associations Led By HER et Aspire, Laura Rapp (dont l’histoire a inspiré le téléfilm Elle m’a sauvée, diffusé sur M6), Lydie Dramé de Crache ton venin ou encore Alison Blondy, vice-présidente de la Fédération Nationale des Victimes de Féminicides (FNVF).
Au fil des portraits, des femmes se portent volontaires, le contactent pour poser, raconter leur propre histoire ou porter la voix d’une autre en toute solidarité. “J’avais du mal à trouver des femmes qui voulaient témoigner à visage découvert, car le mari est souvent toujours dans les parages, libre”, confie Marc Melki, qui a mis en ligne une cagnotte pour soutenir la FNVF à financer les aides juridiques des victimes.
Jade. (© Marc Melki)
Au fil des portraits, les femmes “se sentent fières et n’ont pas peur de poser”, entourées d’une galerie d’autres femmes qui les soutiennent. Il y a parfois des actrices comme Anna Mouglalis ou des acteurs comme Bruno Solo, mais aussi des artistes, des avocat·e·s des élu·e·s, des journalistes. Pour celles qui sont mortes sous les coups de leur conjoint, des membres de la famille portent leur mémoire. “C’est un élan collectif, cette série, c’est pour que les femmes ne se sentent pas seules”, nous souffle avec vigueur le portraitiste.
Le cadre est le même pour tout le monde : le regard fort, perçant l’objectif du photographe, les mains tenant un texte écrit noir sur blanc, extrait de longs entretiens menés par le photographe avec des victimes et survivantes. “Elles sont revenues sur le moment où tout a basculé, sur la fois de trop qui les a poussées à quitter leur conjoint devenu violent pour elles et leurs enfants. La fois où elles ont pu dire stop. Le déclic. Certaines sont complètement sorties des violences conjugales, souvent après des années d’emprise et de calvaire, échappant parfois de peu au pire… Ce sont des rescapées, des survivantes. D’autres sont encore sous la pression judiciaire”, écrit Marc Melki sur son site.
Mosli. (© Marc Melki)
Féminicides, violences conjugales : les chiffres
À l’heure où le débat autour des violences conjugales bat son plein, notamment avec l’affaire Quatennens, il est important de montrer ces images. Très rapidement au cours de notre entretien téléphonique, le photographe nous rappelle certains chiffres. Aujourd’hui, il y aurait eu 81 féminicides sur l’année 2022, en France. En 2021, on en décomptait 122, “soit une femme tous les deux jours et demi”.
“En Espagne, il y a 44 000 demandes de protection par an, alors qu’en France, on en est péniblement à 3 000. Chaque année, en France, on estime que 223 000 femmes sont victimes de violences conjugales graves (violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint). Seulement 5 % des victimes déposent plainte et 80 % des poursuites sont classées sans suite… Insupportable !”, exprime Marc Melki.
Alizé Bernard. (© Marc Melki)
Anna Mouglalis. (© Marc Melki)
Laura Guérin. (© Marc Melki)
Laura Rapp. (© Marc Melki)
Pauline Rongier Nora. (© Marc Melki)
Vous pouvez suivre le travail de Marc Melki sur son compte Instagram et sur son site. À partir du 25 novembre 2022, 25 portraits issus de sa série Après les violences seront exposés à l’Hôtel de ville de Bourg-lès-Valence (Drôme). Vous pouvez également soutenir son projet et la Fédération Nationale des Victimes de Féminicides à travers cette cagnotte.