Une disparition mystérieuse.
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Depuis début novembre, le photojournaliste Lu Guang, âgé de 57 ans, est porté disparu suite à une interpellation par la sécurité d’État, dans la région du Xinjiang, située dans le nord-ouest de la Chine. Cette région est largement peuplée par la communauté musulmane ouïghoure constituée d’environ 11 millions de personnes. Le gouvernement chinois impose une surveillance étroite de cette population et a mis en place des camps d’internement (un million de Ouïgours seraient internés à ce jour), qui sont dénoncés par des associations de défense des droits de l’homme.
C’est l’épouse du photographe, Xu Xiaoli, qui a annoncé ce mardi, aux États-Unis via l’AFP, ne plus recevoir de nouvelles de son mari depuis son interpellation début novembre, lors d’un voyage au Xinjiang. Elle a par ailleurs posté une lettre sur Twitter pour faire état de sa disparition. En tant que résident américain et touriste, Lu Guang s’est rendu à Urumqi (au Xinjiang) pour rencontrer d’autres photographes chinois. Son voyage devait se poursuivre dans le Sichuan, dans le but de rencontrer des associations caritatives, le 5 novembre dernier, mais il n’est jamais arrivé. C’est un ami du photographe, qui devait l’accueillir au Sichuan, qui a alerté son épouse.
“Dans un premier temps, je n’ai rien voulu dire, mais après 20 jours sans nouvelles de lui ni des autorités, j’ai décidé qu’il était temps d’en parler. […] C’est d’autant plus surprenant qu’il n’avait pas été inquiété ces derniers temps par les autorités chinoises”, explique Xu Xiaoli à Libération.
Le Monde rapporte qu’il a été emmené à Kashgar par la police de Yongkang, ville natale de Lu Guang située dans l’est du pays. Les autorités refusent de faire tout commentaire sur la situation de son mari.
Un photojournaliste qui ne plaisait pas au gouvernement chinois
著名摄影师 #卢广 在新疆失联
— 徐小莉(卢广妻子) (@Xiaoli11032018) 26 novembre 2018
我的先生、尤金·史密斯人道主义摄影奖、荷赛等国际大奖得主卢广应邀到新疆交流采风,11月3日晚上与我失去联系。从卢广户籍所在地浙江永康有关方面得知,他已被新疆当地国保带走。我万分焦急,盼望他早日平安回家!我的联系方式: Xiaoli11032018@gmail.com , +19293911697 pic.twitter.com/SVkukVawcy
En Chine et à l’échelle internationale, le travail de Lu Guang est largement reconnu. Le photojournaliste est lauréat de trois prix World Press Photo, dont une récompense en 2004, pour son reportage sur les paysans contaminés par le virus du sida dans des villages du Henan à cause d’un scandale sanitaire lié à des dons de sang rémunérés.
En 2005, il dénonçait “les villages du cancer”, avec un reportage photo réalisé dans le village du Shanxi où 50 des 2 000 habitants étaient atteints de cancer. L’origine de ce mal serait l’eau du robinet contaminée par les déchets rejetés par les usines des environs. Au festival Visa pour l’image, en 2017, il exposait son reportage sur la pollution et les dégâts industriels en Chine. La même année, il révélait un scandale concernant les terres agricoles de Wuhai, en Mongolie intérieure, également polluées par les usines des alentours qui déversaient leurs déchets dans le fleuve Jaune, affectant ainsi la santé des habitants de la région.
Lu Guang a toujours placé les problèmes sociétaux et environnementaux au cœur de son travail. Il s’est toujours positionné en lanceur d’alertes dans un pays dirigé par une dictature : il a d’ailleurs fini par s’installer aux États-Unis avec sa famille pour fuir le régime. Rien ne le prédestinait à une telle carrière. Il a d’abord été ouvrier dans une usine de soie, avant de totalement bifurquer en rejoignant les Beaux-Arts à l’université de Tsinghua, où il a obtenu son diplôme en 1995.
À partir de ce moment-là, il n’a cessé de couvrir, avec courage, les choses que l’on voulait cacher. “Je suis convaincu d’être du bon côté de l’humanité face aux industriels qui continuent à frauder sans être inquiétés”, confiait le photographe à France 3 lors de son exposition “Développement et Environnement” à Visa pour l’image, en 2017. Dans la foulée, il déclarait au Monde être constamment menacé et “arrêté quatre ou cinq fois par an”. Nous espérons que ce brouillard épais autour de sa disparition se dispersera dans les prochaines semaines.