L’artiste vietnamienne Thy Tran livre un manifeste touchant sur l’amour lesbien.
À voir aussi sur Konbini
Il faut croire que c’est dans l’amour et ses méandres qu’on tire les œuvres les plus belles et sincères. La photographe Thy Tran a puisé dans sa relation avec son ex-copine pour son nouveau livre intitulé avec pudeur Cacher, publié aux éditions NB. Entre 2015 et 2017, l’artiste a documenté leur histoire et leur intimité, confrontant le lien puissant qui les unissait avec la complexité de chaque relation amoureuse :
“Alors que j’essaie de masquer l’excès de mes sentiments, j’en suis venue à reconnaître le terrain commun entre le désir et le déni, le plaisir et la souffrance, qui réside dans toutes les relations humaines.”
Avec cette série, Thy Tran décide de révéler au grand public une partie de sa vie intérieure et secrète, et livre ainsi un portrait délicat et poétique de sa partenaire et d’elle-même. Cette œuvre est l’un des premiers livres témoignant de l’identité LGBTQ+ à avoir été publié par une photographe vietnamienne à l’extérieur de son pays où la pratique photographique reste fortement censurée par le gouvernement.
Cache-cache
Comme son titre français l’indique (choisi en référence à l’œuvre de Barthes, Fragments d’un discours amoureux), il n’est question dans cette œuvre que de choses secrètes et de nouveau langage amoureux. Un langage de l’amour secret qu’elle formule avec l’objectif de son appareil photo : le visage de sa compagne se fond derrière un voile, son bras se perd dans les draps froissés de la veille, un reflet dans un miroir, une main sous une jupe ou sur un sein, des fesses sur un canapé en cuir, un corps sans tête sur un lit…
Comme dirait Romain Gary dans Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable : “La vraie maison de l’amour est toujours une cachette.” Que de recoins et de plis où l’amour vient se lover. À Dazed, la photographe confie :
“Le fait de mystifier l’identité d’une personne a toujours été mon obsession. Je trouve que les visages sont trop distrayants et ont trop d’émotions à gérer. Le portrait sans visage me permet de rester concentrée sur le langage du corps, le contact physique entre le sujet et moi. Comme si tout cela était précieux et que je ne devais rien prendre pour acquis.
Et d’ajouter dans un billet sur Medium :
“Il y a beaucoup de sentiments pour lesquels je n’ai pas pu trouver de mots, donc, à travers mon appareil photo, je cherche une nouvelle langue pour m’exprimer.”
Ces photos de corps sont accompagnées de correspondances visuelles issues du monde réel, c’est-à-dire tout ce qui se trouve à l’extérieur de leur bulle : des fleurs, des rideaux croisés, des matelas ou encore des chambres d’hôtels… Tout est élusif, mystérieux et évanescent, mais tout a trait à leur quotidien, dans ce qu’il a de plus simple et anecdotique.
Bien que l’on soit dans le registre du secret et du caché, la nudité est de mise. Thy Tran définit d’ailleurs sa démarche comme “un acte d’ouverture de soi à la vulnérabilité que les photos donnent à voir”. Une véritable mise à nu.
Cacher de Thy Tran est disponible aux éditions NB.