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La photographe humaniste Sabine Weiss est morte à l’âge de 97 ans

La photographe humaniste Sabine Weiss est morte à l’âge de 97 ans

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© Loïc Venance/AFP

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Elle disait qu’une bonne photo "doit toucher" et que "la sensibilité des personnes doit sauter aux yeux".

La photographe franco-suisse Sabine Weiss, grande représentante de l’école française humaniste, est morte mardi 28 décembre, à son domicile parisien, à l’âge de 97 ans. Née en Suisse en 1924 et naturalisée française en 1995, la photographe résidait à Paris dans son atelier boulevard Murat depuis 1949, a précisé à l’AFP son équipe.

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Comme Robert Doisneau, Édouard Boubat, Willy Ronis ou encore Izis, Sabine Weiss a immortalisé la vie simple des gens, sans toutefois revendiquer une quelconque influence. Pionnière de la photo d’après-guerre, elle était également connue pour ses photos de mode parues dans Vogue. Elle disait qu’une bonne photo “doit toucher, être bien composée et dépouillée. La sensibilité des personnes doit sauter aux yeux”.

Lauréate du Prix Women in Motion in 2020 de la photographie, remis officiellement à Arles en 2021, elle a fait l’objet de quelque 160 expositions à travers le monde. Elle avait arpenté avec joie le Museon Arlaten à Arles en juillet dernier aux dernières Rencontres de la photographie, où était présentée son exposition : des clichés en noir et blanc, des années 1950 à aujourd’hui, des scènes de rue pour la plupart et des portraits.

Plus récemment, c’est au festival Planche Contact à Deauville que Sabine Weiss s’était rendue pour une rencontre avec le public. L’exposition à venir à la Casa dei Tre Oci à Venise du 10 mars au 25 octobre 2022, sera une “exposition hommage”, a indiqué son équipe.

Un “regard féminin rare”

À travers ses photos, Sabine Weiss a apporté un “regard féminin rare”, empreint de “tendresse” et d’une “curiosité insatiable pour l’être humain”, estiment Raymond Depardon, grand admirateur de son œuvre et Laure Augustins, sa plus proche collaboratrice.

“On a pris conscience de son immense talent tardivement alors qu’elle a traversé toute l’histoire de la photographie européenne et que les jeunes femmes à se lancer dans ce métier, seules, à l’époque, étaient très rares”, regrette le photographe de 79 ans, interrogé par l’AFP. “Je sentais chez elle une compassion et beaucoup plus encore, de la tendresse et une délicatesse qui manquait aux hommes”, ajoute-t-il, en se qualifiant lui-même de “jeunot”, admiratif.

“Nous n’étions pas du même monde, elle faisait partie des humanistes français comme Robert Doisneau, dont on parlait aux États-Unis et qui ont été, un peu, mes pairs, moi plutôt du reportage. Notre point commun, c’est un intérêt formidable pour l’humain, avec pour Sabine, un regard féminin, très fin, rare”, ajoute-t-il.

Laure Augustins, qui accompagnait Sabine Weiss au quotidien depuis 2011, raconte à l’AFP, avec émotion, sa rencontre avec cette femme “rude au travail, pétillante, humble, drôle, généreuse, simple, spirituelle”. Elle s’est donné pour “mission” de “faire connaître le plus possible” son travail. [Sabine] disait qu’elle avait eu beaucoup de chance dans la vie mais elle l’avait bien provoquée”, poursuit-elle, en racontant que “toute petite déjà, à 7 ou 8 ans, Sabine Weiss vendait des marrons pour faire des cadeaux aux gens de sa famille”.

“Jamais larmoyante”

Raymond Depardon se souvient plus particulièrement d’une exposition à Arles il y a quelques années : “Elle nous parlait, à travers ses photos, de nos parents et de nos grands-parents… Elle transmettait l’essentiel, l’unité qui relie tous les êtres humains, sans jamais être larmoyante.” Elle donnait à voir une “présence humaine à laquelle les jeunes photographes semblent revenir en force”, ajoute-t-il.

Le centre Pompidou a rendu hommage à une photographe qui, à l’instar de Doisneau et Ronis, “a forgé l’image de la ville humaniste des années 1950” et “au dernier témoin de cet âge d’or de la photographie parisienne”. Sabine Weiss “ne parlait pas d’esthétique mais de l’importance de laisser un témoignage sur son époque, sur le temps qui passe”.

À l’image de sa dernière rencontre avec le public à Deauville en octobre 2021, au festival Planche Contact où “elle a déroulé sa vie comme une pelote de laine avec humour et malice, oubliant que je lui soufflais les dates et ne gardant que sa joie d’avoir réussi à faire rire les gens”, détaille Laure Augustins avant de poursuivre :

“Lundi soir, la gardienne qui s’occupe d’elle le soir m’a dit qu’elle avait mis du temps à aller jusqu’à son lit car elle a souhaité toucher tous les objets dans son atelier, véritable cabinet de curiosités rempli de pierres, de carnets à dessin, d’ex-voto et d’objets sacrés, comme si elle leur disait au revoir avant de partir.”

Konbini arts avec AFP.