Spyros Staveris offre des images insolites de la Grèce des années 1980-1990 qui s’abandonne aux festivités carnavalesques à cœur joie. Une invitation au sein de l’allégresse athénienne, aux côtés de personnages loufoques redonnant vie au mysticisme de l’Acropole.
À voir aussi sur Konbini
En Grèce, certaines traditions du culte grec ancien, comme les Dionysies antiques où étaient célébrés aussi bien le vin que l’énergie sexuelle et le renouveau de la fertilité, se sont mêlées avec les pratiques religieuses du christianisme. Ainsi, avant Pâques, pour célébrer l’entrée dans le carême, les Grecs célèbrent avec ferveur leur carnaval dionysien, qu’on appelle les Apokries (Απόκριες), et l’esprit de Dionysos s’invite dans les festivités chrétiennes.
Le plus célèbre des carnavals se tient à Patras et il est réputé pour son intense et incontrôlable euphorie. Toutefois, à Athènes, le carnaval n’est pas triste pour autant. Dans les consciences populaires depuis des siècles, les Apokries remuent les foules et rares sont ceux qui résistent à l’envie de se déguiser.
L’œil sensible de Spyros Staveris
Né à Athènes en 1952, le photographe Spyros Staveris fait partie des plus importants photographes et photojournalistes grecs. Il est connu pour ses photos publiées dans la presse locale et internationale au début des années 1990 : de Libération à Paris Match, en passant par Vice, la liste est longue.
À 2 ans, ses parents déménagent à Paris où il va grandir et étudier. Ensuite, il a partagé sa vie entre les deux villes pour finalement retourner de manière permanente à Athènes en 1985. C’est ainsi qu’il est véritablement parti à la découverte de sa ville natale qu’il ne connaissait finalement que l’été, dans de vagues souvenirs, ou pour de courts séjours.
Durant ces deux dernières décennies, Spyros Staveris s’est attelé à photographier les nombreuses et différentes facettes de la société grecque, en s’intéressant aux aspects les plus cachés. Avec son œil aiguisé, il parvient à capturer une multitude d’émotions et de détails tantôt séduisants, amusants, mélancoliques ou tragiques, en plaçant toujours l’homme et le réel au cœur de son approche.
Acteurs, sportifs, politiciens, marginaux, chanteurs populaires ou Athéniens inconnus, Spyros Staveris les photographie tous avec le même respect et la même révérence. Par une magie dont il a le secret, il réussit à créer des images desquelles s’échappe un éclat de sincérité réelle.
Héritage humaniste et cinématographique
Spyros Staveris nous explique qu’il perçoit dans son travail “l’héritage de la photo humaniste à la française”. Filiation s’ajoutant à une vision que l’on peut qualifier de cinématographique venant sûrement, dit-il, de l’objectif grand-angle qu’il utilise. Passionné de cinéma et arpentant les salles de la Cinémathèque française avec envie et inspiration depuis le plus jeune âge, l’univers de Spyros Staveris est imprégné de scénarios et images de films : “Pendant longtemps, j’ai photographié un peu à la manière d’un chorégraphe invisible.”
En parcourant les rues d’Athènes entre 1980 et 1990, lors du carnaval et à la recherche d’un visage qui l’interpelle ou d’un mouvement qui étincelle, le photographe devient une sorte de metteur en scène du réel. Une “mise en scène aléatoire volée à la rue et à la foule”, comme il le dit lui-même, “plus on remonte dans le temps, plus le carnaval gagne en authenticité.”
Allégresse et ferveur libérées dans les rues d’Athènes
Les images de Spyros Staveris nous permettent de goûter à cette euphorie déjantée mêlant tradition folklorique et humeur contemporaine. Les costumes dévoilent aussi bien des créatures lyriques et chimériques que des personnages satiriques de la vie politique. Le temps d’un carnaval, la cité athénienne, déjà chargée en patrimoine historique, s’enrichit de nouveaux symboles qui déambulent dans les rues et viennent réveiller les vestiges du passé.
Le photographe regrette un peu cette effervescence qui s’étiole au fil des années et se dilue petit à petit dans un modèle festif plus lisse et respectueux. Cette perte de ferveur carnavalesque nous fait contempler ses photos faites dans les années 1980-1990 avec la nostalgie d’une époque que l’on a vécue en vrai ou à travers le récit des aînés.
Le passé proche incarné par ces années-là est doté d’une forme de familiarité qui octroie à ces images une lecture universelle où l’on plonge volontiers dans les yeux de ces Athéniens euphoriques. Le photographe explique que cette série s’ajoute à un projet plus global de son œuvre qu’il poursuit depuis le premier jour, à savoir “une fresque de la vie sociale à Athènes”.