Afin d’illustrer le proverbe “Il faut connaître les règles avant de vouloir les briser”, on utilise souvent l’exemple de Pablo Picasso, passé par les Beaux-Arts classiques avant de s’essayer au cubisme et à la déconstruction des formes et des convenances artistiques.
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Une récente découverte sur une de ses œuvres phares prouve la véracité de l’exemple. Sous sa Nature morte réalisée en 1922, caractéristique de sa période cubiste, une équipe de spécialistes a découvert une esquisse d’une peinture morte néoclassique.
C’est à cause des “rides” visibles sur cette Nature morte que l’équipe de l’Institute of Chicago, où est conservée l’œuvre, a décidé de la passer aux rayons X et infrarouges. Les chercheur·se·s se doutaient que les stries du tableau avaient été causées par les multiples couches de peintures la constituant (venant notamment d’une restauration antérieure). L’équipe ne pensait cependant pas tomber sur un dessin passé inaperçu depuis près d’un siècle.
“Nature morte”, Pablo Picasso, 1922. (© Estate Pablo Picasso/VEGAP Madrid 2020)
Passé aux rayons infrarouges, le dos de la toile présente “une nature morte néoclassique”. On y distingue “un pichet, une tasse, une forme rectangulaire qui pourrait être un journal et une forme ronde dissimulée par la barre verticale”. La scène aurait été inspirée par sa maison située au 23 rue la Boétie, à Paris.
Une composition similaire a été réalisée la même année et est visible en Suède, précisent les scientifiques. Les formes ont été dessinées avant que l’artiste espagnol ne réalise son œuvre cubiste colorée, bien éloignée des dogmes du néoclassicisme.
Un processus inhabituel
Image infrarouge de l’arrière de la “Nature morte” de Picasso, montrant des traces de sa première composition. (© The Art Institute of Chicago)
La superposition de couches n’est pas ce qui a étonné les chercheur·se·s. Picasso utilisait souvent des supports déjà utilisés. Nombre de ses œuvres ont été réalisées par-dessus d’autres dessins, souvent visibles sous la peinture finale. Ce qui sort de l’ordinaire ici, c’est qu’il avait recouvert sa première esquisse d’un large aplat de peinture blanche, la rendant indétectable à l’œil nu.
La conservatrice Kim Nuir, qui a travaillé sur l’œuvre, a rapporté à Artnet que ces analyses permettent une avancée supplémentaire quant à “notre compréhension du processus créatif de Picasso et la façon dont il manipulait sa peinture pour parvenir à différents effets visuels”. Même après un siècle, les œuvres d’art ont des secrets à nous dévoiler.