L’herbier de Jean-Jacques Rousseau, les nymphéas de Ramsès II, les croquis de lierre du Corbusier ou le moulage d’algues de Sarah Bernhardt : à Paris, une exposition singulière revient sur l’importance, oubliée, des plantes dans la formation des artistes.
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Sobrement intitulée “Végétal”, cette exposition réalisée par les Beaux-Arts de Paris et la maison de joaillerie Chaumet se tient jusqu’au 4 septembre 2022 à Paris. Elle offre une plongée dans l’univers des plantes, du bourgeon aux algues en passant par les épis de blé, et leur importance dans l’éveil créatif des plus grand·e·s artistes. Un livre publié aux éditions JBE Books accompagne également l’événement.
Barbara Regina Dietzsch, Tulpe mit Schmetterling und Maikäfer, avant 1783. (© Hamburger Kunsthalle/Photo : Christoph Irrgang)
Si la peinture a été friande de nature morte, le parti pris de cette exposition est de s’éloigner de cette vision d’Épinal réductrice pour lui substituer une pluralité de regards : pièces d’orfèvrerie, dessins, peintures, photos, tapisseries, herbiers, vêtements… Au total, 400 œuvres sont présentées.
“L’idée, c’était d’abord de remettre la plante non seulement au centre de l’exposition, comme l’élément qui justifie le rassemblement des œuvres, mais aussi de remettre les plantes dans l’importance qu’elles ont eue dans la formation des artistes”, souligne auprès de l’AFP le botaniste Marc Jeanson, commissaire de l’exposition.
Giuseppe Arcimboldo, Le Printemps, 1573, huile sur toile, musée du Louvre, Paris, département des Peintures 32. (© RMN–Grand Palais/Musée du Louvre/Photo : Michel Urtado)
“Histoires oubliées”
La manière d’y parvenir ? Offrir au public des œuvres d’artistes dont on ne connaissait pas l’intérêt pour la botanique, comme les croquis de lierre signés de l’architecte Le Corbusier, l’herbier du philosophe Jean-Jacques Rousseau, sans parler des impressionnantes peintures d’iris d’Otto Dix que l’on retrouve loin de ses iconiques gueules cassées.
“On le sait peu mais Rousseau raffolait de botanique”, souligne M. Jeanson, qui dirige les collections botaniques du jardin Majorelle, au Maroc. “L’exposition présente d’ailleurs une lettre qu’il a écrite et qui est issue de son corpus Lettres élémentaires sur la botanique.” “Mais voilà”, soutient-il, “toutes ces histoires ont été oubliées car les végétaux ont disparu des corpus d’artistes”.
À l’heure où le réchauffement climatique menace la biodiversité, prendre en compte le monde végétal est une nécessité, plaide le botaniste. Or, “comment sauver des espèces si on n’est pas capable de les identifier, comment préserver ce que vous ne pouvez pas nommer. C’est ce paradoxe qu’on a voulu pointer, tout en disant qu’il n’y a pas de fatalité”, souligne-t-il.
Michel Adanson, Triticum aestivum, XVIIe siècle, papier, plantes séchées, encre, colle. (© Muséum national d’Histoire naturelle, Paris/Direction générale déléguée aux collections, Herbier national/Photo : Gregoire Flament)
En témoignent les fleurs de nymphéas du pharaon Ramsès II, datant de plus 3 000 ans, que le public peut admirer au cours de sa visite. S’affranchissant de toute chronologie, l’exposition débute par un relevé de fresque pariétale effectué par André Vila dans l’oued Djerat. Les palmiers que l’on y découvre annoncent la figure centrale de l’arbre, comme une manière d’ancrer les plantes dans l’histoire de la vie humaine.
Divisée en plusieurs chapitres (“Forêt”, “Plage”, “Dunes”, “Plantes agricoles”, “Potager” et “Fleurs”), l’exposition a été conçue à la façon d’un herbier, afin que le public ait l’impression de pénétrer dans un immense cabinet de botanique.
De la forêt de la plasticienne Eva Jospin aux tulipes de la peintre Berthe Morisot, en passant par le bronze de l’actrice Sarah Bernhardt qui dialogue avec les algues d’Anna Atkins (membre de la Société botanique de Londres, l’une des rares à accepter les femmes en 1839), l’exposition a tenu à rendre visibles les artistes femmes inspirées par la botanique.